Depuis qu’il a obtenu la confiance du Parlement, le 15 février dernier, le gouvernement, placé devant des défis monstres pour remédier à une situation économique et financière des plus inquiétantes, ne s’est réuni à ce jour que trois fois, pour finalement prendre des décisions en grande partie administratives qui ne répondent pas aux urgences des réformes requises dans le cadre de la conférence dite CEDRE, et évoquées dans la déclaration ministérielle.
Dans une étude publiée dans le cadre d’un projet intitulé « The Governement Monitor » (La surveillance de l’action du gouvernement) destinée à suivre, sur trois ans, la productivité de l’exécutif et son aptitude à prendre les décisions adéquates en relation avec les priorités, le LCPS (Lebanese Center for Policy Studies) a publié hier les résultats d’une analyse des décisions prises en Conseil des ministres depuis le démarrage du gouvernement.
« Bien que le gouvernement se soit engagé, dans la déclaration ministérielle, à attaquer de front les mesures de réformes, force est de constater que les sujets discutés par les membres du cabinet durant ces réunions étaient peu pertinents », souligne le LCPS.
Sur l’ensemble des sujets figurant à l’ordre du jour examinés durant ces trois réunions en Conseil des ministres, 82 % sont liés à des questions administratives. Parmi ces sujets, 32 % portaient sur le financement des voyages officiels, à l’heure où l’exécutif continue de bercer l’opinion publique à coup de slogans sur la politique d’austérité à adopter en matière de dépenses. Également dans cette catégorie, des décisions portant sur l’acceptation de dons en équipements principalement destinés aux services de sécurité, ainsi que des décisions concernant des nominations.
Parmi les décisions également prises figure aussi une mesure financière destinée à autoriser le gouvernement à dépenser sur la règle du douzième provisoire, justifiée, une fois de plus, par l’absence du budget que le gouvernement n’a toujours pas adopté à ce jour mais qu’il promet d’avaliser « au plus tôt », depuis quelques semaines déjà.
La règle du douzième provisoire permet à l’exécutif de dépenser sur la base proportionnelle mensuelle du budget de l’année qui précède. Or, et comme son nom l’indique, cette règle est limitée, en principe et à titre tout à fait exceptionnel, au seul mois de janvier qui suit l’année au cours de laquelle la nouvelle loi de finances aurait dû être adoptée. « Force est donc de constater que ce douzième provisoire a été prorogé depuis 2006, indûment et illégalement », comme le rappelait il y a quelque temps dans nos colonnes Karim Daher, avocat fiscaliste, président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic).
Parmi les autres points débattus au sein du cabinet, des mesures relatives permettant à des étudiants ayant suivi un cursus à l’étranger de candidater à des examens officiels libanais, le renouvellement du mandat de la Finul, des décisions d’ordre sécuritaire liées à la police municipale.
(Lire aussi : Le plan Boustani en Conseil des ministres cette semaine... sauf imprévu)
Trois sujets essentiels
Pour le LCPS, le gouvernement ferait mieux de plancher sur les points cruciaux évoqués dans la déclaration ministérielle, mais aussi sur les promesses faites par l’ancien gouvernement à la conférence de Paris dite CEDRE qui prévoient des réformes urgentes à mettre en place pour réduire le déficit et créer l’environnement propice à la relance de l’économie.
Dans sa déclaration ministérielle, le nouveau gouvernement, placé sous le slogan « Au travail ! », s’est notamment engagé à renforcer la confiance en l’économie à réduire le déficit public à travers l’augmentation des recettes et la réduction des dépenses, notamment au niveau du déficit annuel enregistré par Électricité du Liban (EDL) et à réduire les dépenses courantes d’au moins 20 % dans le budget 2019 par rapport au budget précédent. Il a également promis de s’atteler à mettre en place des réformes structurelles et sectorielles et à moderniser le secteur public.
« Les trois sujets essentiels qui seraient un indicateur de la volonté et de l’aptitude du gouvernement à entreprendre les réformes nécessaires sont les secteurs de l’électricité, du gaz et du pétrole – des sujets déjà évoqués en Conseil des ministres – ainsi que le budget, qui doit être plafonné pour réduire le déficit », rappelle le LCPS dans son rapport.
Pour le directeur du centre de recherches, Sami Atallah, il existe une multitude de décisions primordiales, non seulement celles qui sont prévues dans le cadre de CEDRE, que le gouvernement est aujourd’hui appelé à prendre, comme « une meilleure collecte des taxes, ou la révision des exemptions dont bénéficient certaines sociétés, qui sont protégées par les politiques ». « Nous savons ce qui est à faire pour éradiquer le mal. La question est toutefois de savoir comment cela sera fait et surtout si les décisions que le gouvernement prendra seront les bonnes décisions à l’égard du citoyen », dit-il.
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commentaires (6)
On prend et reprenons les memes et on s'attend a une resultat different. Ce ne sont pas nos politiciens qui sont des abrutis. C'est nous-memes peuple libanais. La democratie consensuelle N'EXISTE PAS. Il y a majorite. Il y a opposition. Et le peuple (apres etre sortie de son abrutissement) sanctionnera lors des elections. Nous avons voulu reinventer la roue! Pauvres imbeciles.
sancrainte
18 h 20, le 03 avril 2019