Le secrétaire d’État américain est parti, mais le Liban est encore sous le choc du communiqué écrit qu’il a lu à partir du ministère des Affaires étrangères. Certes, les informations ayant circulé avant sa visite sur la position américaine au sujet du Hezbollah avaient plus ou moins préparé le terrain. Mais il n’en demeure pas moins que le contenu du communiqué officiel était d’une rare violence, surtout de la part d’un chef de la diplomatie d’un pays, quel qu’il soit. Cette violence a été d’autant plus perceptible (et c’était sans doute voulu) que la conférence de presse tant attendue s’est limitée à une déclaration du ministre Gebran Bassil et à la lecture du communiqué préparé à l’avance par le secrétaire d’État américain. Selon des sources politiques qui ont suivi plusieurs étapes de la visite de M. Pompeo au Liban, le ton de ses entretiens avec les personnalités libanaises était différent de celui du communiqué. Bien entendu, au sujet du Hezbollah, les points de vue étaient généralement profondément divergents et tous les responsables avec lesquels le secrétaire d’État américain s’est entretenu ont insisté sur le fait que ce parti est libanais et qu’il représente une partie importante de la population. Ce qui lui a permis d’avoir douze députés au Parlement et trois ministres au gouvernement. Mais d’autres sujets ont été aussi évoqués et les positions étaient moins antagonistes. Par exemple, au sujet du contentieux avec Israël sur les frontières terrestres et maritimes, le secrétaire d’État américain a accepté l’idée libanaise de relancer les négociations sous la houlette des Nations unies et avec la participation du médiateur américain, cette idée ayant été auparavant rejetée par les Israéliens qui ne voulaient pas du parapluie onusien. Avec le président de la Chambre, Nabih Berry, ce sujet a été longuement abordé et, comme l’a dit M. Berry lui-même, la proposition qu’avait faite l’émissaire américain Frederic Hof en 2012 a été abandonnée. Ce dernier avait proposé de tracer une ligne maritime dans le prolongement de la frontière terrestre entre le Liban et Israël qui passe au cœur de la zone controversée de 850 km2 et donne au Liban une superficie de près de 500 km2, laissant ainsi 350 km2 à Israël. Le Liban avait refusé cette proposition considérant avoir droit à la totalité de cette zone maritime, qu’il appelle le « bloc 9 ».
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En tout état de cause, dans le cadre de ses entretiens avec les responsables libanais, Mike Pompeo a ouvert la voie à de nouvelles négociations sur ce sujet, sous le parrainage de l’ONU. De même concernant le dossier des déplacés syriens, le secrétaire d’État a écouté les explications du président de la République et celles du directeur général de la Sûreté, Abbas Ibrahim, qui lui a assuré qu’aucun des quelque 200 000 déplacés rentrés en Syrie à partir du Liban n’a été inquiété à son retour, comme le prétendent certaines fausses informations. Ce sujet a été aussi évoqué avec le président de la Chambre, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, qui ont tous trois insisté sur le poids économique que représente pour le Liban une présence aussi massive, et le secrétaire d’État américain se serait montré un bon auditeur et plutôt compréhensif, selon des sources proches de ses interlocuteurs. D’ailleurs, dans son communiqué écrit, il mentionne cette question et parle du retour « le plus rapidement possible » des déplacés syriens chez eux, sans entrer dans les détails.
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Enfin, lors du dîner donné en son honneur par le député Michel Moawad en présence de nombreuses personnalités et de députés de la plupart des bords politiques, Mike Pompeo a répété sa position de principe sur la nécessité pour les Libanais de se rebeller contre « la mainmise du Hezbollah », mais il n’a donné aucun détail concret. À ses interlocuteurs libanais qui lui demandaient si les États-Unis avaient prévu un mécanisme précis ou des instruments concrets pour permettre aux parties politiques libanaises de lutter contre le Hezbollah, le secrétaire d’État n’aurait pas donné de détails, restant évasif et se contentant de parler de généralités, selon une des personnalités invitées à ce dîner. Pourtant, au cours de sa visite qui a duré deux jours, le responsable américain a rencontré un large éventail de personnalités libanaises aussi bien politiques, religieuses, économiques que militaires. Ce qui a dû lui permettre de prendre globalement le pouls du pays relativement notamment au Hezbollah. Tout en étant très clair sur la nécessité pour les Libanais de s’opposer à ce parti, il a aussi précisé que les mesures américaines vont se poursuivre et que les États-Unis comptent utiliser tous « les moyens pacifiques » pour lutter contre l’influence de l’Iran et du Hezbollah dans la région. Ce qui n’est pas vraiment une surprise. Le seul élément nouveau, c’est que cette fois, ces menaces ont été lancées à partir du Liban, où le Hezbollah est considéré comme influent. Le défi est donc clair et il faudra attendre mardi pour connaître la première réponse du Hezbollah dans le cadre du discours que doit prononcer le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah.
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commentaires (8)
"ont insisté sur le fait que ce parti est libanais et qu’il représente une partie importante de la population"... Il y a bien longtemps le fils de nos voisins vivait, lui sa femme et leurs enfants, avec eux. A cause de déboires au travail il s'est tourné vers la boisson puis a sombré dans la dépression... Il attaquait sa femme de temps en temps et on venait les aider à les séparer ou le retenir surtout quand il était ivre et brandissait le couteau contre elle ou sa famille. Voisins et Dr suggéraient de le prendre voir un psychiatre... Mais pour sa famille c'etait humiliant, très humiliant. La fin ne fut point heureuse ni pour lui ni pour sa famille. Je ne sais plus pourquoi je raconte cette histoire mais l'article de Mme Haddad a ravivé mes souvenirs... Alors merci Mme Haddad!
Wlek Sanferlou
00 h 54, le 27 mars 2019