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Santé - Sida

Rémission d’un second patient atteint du VIH : les chercheurs sur la bonne piste

La greffe de la moelle osseuse n’est pas le traitement du sida, d’autant qu’elle est dangereuse et onéreuse. Elle donne une idée de principe sur un éventuel traitement qui consisterait à éliminer les gènes CCR5, récepteurs du VIH.

Chez le « patient de Londres », qui a subi une greffe de la moelle osseuse, le VIH est indétectable plus de dix-huit mois après l’interruption du traitement antirétroviral. Photo Bigstock

Récemment, le cas du « patient de Londres », atteint par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et qui connaît une rémission depuis qu’il a arrêté son traitement il y a plus de dix-huit mois, a défrayé la chronique, remettant sur le tapis l’espoir d’une découverte d’un traitement efficace contre la pandémie de sida. Les résultats de cette étude, menée par une équipe de chercheurs de Cambridge en Grande-Bretagne et publiés dans le magazine Nature, ont été présentés lors des travaux de la Conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) qui s’est tenue récemment à Seattle, aux États-Unis.

Ce traitement n’est toutefois pas pour demain, d’autant que la procédure adoptée pour le « patient de Londres » – la même que celle utilisée, il y a dix ans, pour le « patient de Berlin », Timothy Brown – est dangereuse et douloureuse, à savoir une greffe de la moelle osseuse de donneurs qui ont « une délétion delta 32 ». « Il s’agit d’une mutation rare du gène CCR5 qui est le principal gène récepteur du virus du sida, c’est-à-dire celui qui permet au virus de s’attacher et de pénétrer dans la cellule », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste de maladies infectieuses.

Ce patient britannique – qui a souhaité garder l’anonymat – avait été diagnostiqué séropositif en 2003 et suivait une thérapie antirétrovirale depuis 2012. Tout comme Timothy Brown, ce patient a été lui aussi diagnostiqué (en 2012) d’une forme avancée de la maladie de Hodgkin, un cancer du système lymphatique. En 2016, il a subi une greffe de cellules souches hématopoïétiques d’un donneur porteur d’une mutation du gène du CCR5, très rare, présente chez 1 % des Européens. Après la greffe de moelle osseuse, il a continué son traitement antirétroviral pendant seize mois, avant de l’interrompre. Des tests réguliers ont confirmé que sa charge virale était depuis indétectable.

Cette même procédure a été appliquée récemment sur trois autres personnes porteuses du VIH. Les résultats ne sortiront pas avant plusieurs mois.


(Lire aussi : Le VIH et les Objectifs de développement durable)


« Ce n’est pas le traitement du sida »

Quelle est l’applicabilité d’une telle technique à grande échelle ? « Il est certain que cette procédure ne peut pas être le traitement du sida, affirme le Dr Mokhbat. La transplantation de la moelle osseuse est une procédure dangereuse qui présente de nombreux risques, notamment celui du rejet de la greffe, explique-t-il. De plus, elle est onéreuse. Il n’en reste pas moins qu’elle donne une idée de principe sur un éventuel traitement qui consisterait à éliminer les gènes CCR5 sans pour autant entraîner une altération de la fonction des lymphocytes. Si on réussissait à le faire, on pourra guérir le sida. Il s’agit d’ailleurs de l’une des pistes de recherche en cours actuellement dans le monde. » Et le spécialiste de préciser que le fait de bloquer uniquement les CCR5 « entraînera une rémission et non une guérison, ce que nous observons d’ailleurs actuellement avec les trithérapies qui permettent au patient d’avoir une bonne qualité de vie ».

Le succès de la PrEP

Sur une note plus générale, le congrès a mis l’accent sur les succès de la PrEP (Pre-Exposure Prophylaxis ou prophylaxie préexposition) dans la prévention du sida. Autorisée par la Food and Drug Administration en 2012, cette stratégie de prévention consiste à recourir à un traitement antirétroviral pour se protéger du VIH dans une relation potentiellement à risque. Mais à toute médaille son revers. En effet, si cette stratégie a permis de prévenir la transmission du VIH, « elle a entraîné une recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST), notamment de la syphilis, du fait que les gens mènent de plus en plus des relations non protégées », déplore le Dr Mokhbat. Idem pour le TASP (Treatment as Prevention ou traitement comme prévention) qui rend le virus indétectable donc non transmissible (Undetectable=Untransmissible). « Les gens prennent plus de risques et ont des relations sexuelles non protégées, constate-t-il. Ces traitements ont permis de diminuer considérablement le risque de transmission du VIH, bien que celui-ci continue d’exister, ces stratégies de prévention n’étant pas efficaces à 100 %. En revanche, nous témoignons d’une forte augmentation des IST dans le monde, mais aussi au Liban. Au cours des trois dernières années, nous avons constaté dix fois plus de cas de syphilis. Les données libanaises sur ce sujet sont d’ailleurs équivalentes à celles américaines. »


(Pour mémoire : Une équipe de Pasteur identifie une piste pour éliminer les réservoirs du VIH)


L’initiative Trump saluée

Le congrès a été marqué également par un hommage rendu par le directeur du National Institute for Allergy and Infectious Diseases au National Institute of Health (NIH), Anthony Fauci, à l’initiative du président américain Donald Trump qui avait, lors de son discours annuel sur l’état de l’Union prononcé au Congrès en février, déclaré vouloir éradiquer l’épidémie du sida aux États-Unis dans la prochaine décennie. Sa stratégie consiste à réduire le nombre de contaminations par le VIH aux USA, estimées à 38 000 en 2017, de 75 % en cinq ans et de 90 % en dix ans. Cela passera notamment par un meilleur dépistage des personnes à risque et par un meilleur accès au traitement antirétroviral, dans un pays considéré comme le mauvais élève dans la lutte contre le sida parmi les pays du Nord. À juste titre puisque aux États-Unis, un seul séropositif sur deux a aujourd’hui accès au traitement. La stratégie de Donald Trump consiste également à administrer la PrEP sur ordonnance et à la rembourser, mais aussi à promouvoir de nouveau l’utilisation du préservatif qui a été abandonné au cours des dernières années.



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