Bethany Kehdy, auteure et blogueuse culinaire, est rentrée il y a quelques mois au Liban qu’elle a quitté il y a plus de quinze ans, avec dans ses bagages le projet d’ouvrir un restaurant qui sert des plats traditionnels du Liban et du Levant, selon l’humeur du chef. « J’ai tenté l’expérience chez moi cet été. Je recevais des gens à la maison et je leur présentais une dizaine de plats, tous d’origine levantine. Je misais aussi, comme toujours, sur les produits de saison », raconte-t-elle.
Il fut un temps, durant son adolescence, où la jeune femme, née à Houston d’un père libanais et d’une mère américaine, mangeait sans gluten et vegan. « C’était bien avant la tendance à la mode actuellement », dit-elle, notant qu’à présent, elle privilégie surtout les produits de terroir et de saison. Ensuite, durant les années 80, pour fuir la guerre, sa famille a quitté Beyrouth pour s’installer à Baskinta, un des villages les plus élevés du Metn, adossé au mont Sannine. « J’ai eu la chance de grandir autrement que les enfants de mon âge qui vivaient en ville. J’ai ainsi appris à apprécier la nature et la fraîcheur des produits, affirme-t-elle. Ma grand-mère, mes tantes paternelles et mon père sont tous versés dans la cuisine. Mon père, avocat de métier, passe son temps libre à préparer la mouné. Il confectionne toutes sortes de confiture, du kechek, du ketchup, du concentré de tomate, du cidre, du vinaigre de pomme… »
C’est à 20 ans que Bethany Kehdy quitte le Liban pour le pays de sa mère. « Je voulais me retrouver. Je n’aimais pas ce que je faisais à l’université », explique-t-elle. Aux États-Unis, elle travaille d’abord dans l’immobilier puis dans la restauration. « Lorsque j’ai habité la Floride, je me suis mise à cuisiner libanais. J’avais le mal du pays. L’une de mes tantes paternelles m’a confié des recettes libanaises, principalement des ragoûts et divers plats à base de kebbé. Le premier plat que j’ai fait seule était la « kebbé bel sayniyeh » (kebbé au four) », se souvient-elle.
« The Jewelled Kitchen »
En mettant en pratique les recettes de sa famille, elle les archive, se disant que peut-être un jour, elle créerait un blog ou écrirait des livres. Et petit à petit, elle s’intéresse à la cuisine du Moyen-Orient, de la Méditerranée et de l’Afrique du Nord, dévore des ouvrages du Moyen Âge, publiés lors du califat abbasside, tente de trouver les points communs entre les recettes levantines et arabes, qui vont de la Turquie à l’Irak, en passant par la Perse et la péninsule Arabique.Son blog, Dirty Kitchen Stories, est lancé en 2008, alors qu’elle vient de s’installer à Londres pour épouser un Britannique. Le blog deviendra ensuite un site web qui porte tout simplement son nom. Il lui permet de se faire connaître auprès de professionnels en tant qu’experte culinaire. La jeune femme participe aussi à l’écriture de plusieurs livres de cuisine et signe elle-même deux ouvrages : The Jewelled Kitchen en 2013, pour lequel elle décroche le Gourmand Word Cookbook Award, et The Jewelled Table, paru en 2018. Elle lance les « Taste Lebanon Tours », des voyages culinaires à la fois gourmands et touristiques. Aujourd’hui, ces circuits connaissent un énorme succès auprès des touristes et sont organisés à Beyrouth ou ailleurs deux à trois fois par semaine.
Très active, elle crée à Londres, en 2009, le « Food Blogging Conference ». Un événement qui réunit des blogueurs venus des quatre coins du monde, tous intéressés par le même sujet.
Elle ne retournera définitivement à Beyrouth qu’après dix ans, suite à son divorce. Et pourtant, elle confie que Londres est sa ville de prédilection, un lieu où « les “trends” prennent forme. Les gens disent souvent qu’on mange mal dans la capitale britannique. C’est faux... Londres est une ville où tout peut être tenté et où des chefs du monde entier imaginent des recettes et créent la tendance », note-t-elle.
Outre le restaurant qu’elle compte ouvrir en octobre prochain à Achrafieh, Bethany Kehdy planche actuellement sur deux livres qui devraient être publiés dans les mois à venir.
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commentaires (2)
Pour quand la version française ?
Sarkis Serge Tateossian
19 h 56, le 07 mars 2019