Européennes : la colère des gilets jaunes peine à se faire entendre dans les urnes

Les "gilets jaunes" ont bousculé la vie politique française, mais les équilibres électoraux ne paraissent pas ébranlés, selon plusieurs sondages qui montrent que le parti d'Emmanuel Macron et l'extrême droite arrivent en tête des intentions de vote aux européennes, comme pour la présidentielle de 2017.

Dans l'hypothèse d'une liste "gilets jaunes", ce mouvement de contestation qui secoue la France depuis novembre et a vu jusqu'à des centaines de milliers de personnes dans les rues, elle ne récolterait que 3,6 % des voix, selon une compilation de sondages réalisés en France publiée par le Parlement européen vendredi.

"Parmi les soutiens des gilets jaunes, il y a des gens qui sont en dehors du jeu politique, des abstentionnistes réguliers", explique Martial Foucault, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF). "On a peut-être un peu exagéré l'idée que soutenir le mouvement voulait systématiquement dire s'opposer à la politique d'Emmanuel Macron", souligne-t-il aussi.

Selon la même étude, le pays semble parti pour rejouer le match Emmanuel Macron-Marine Le Pen du deuxième tour de la présidentielle de 2017: le parti présidentiel LREM et le Rassemblement national de Marine le Pen recueilleraient respectivement 23,5% et 19,4% des voix le 26 mai. Le 23 avril 2017, au premier tour de l'élection présidentielle française, M. Macron avait rassemblé 24,01% des voix, et Mme Le Pen 21,30%.
"Le paysage politique a été bousculé lors de la séquence électorale 2017, et les +gilets jaunes+ s'inscrivent dans cette continuité", souligne pourtant Christele Lagier, maîtresse de conférence en Science politique à l'université d'Avignon (sud), "mais ceux qui ont choisi Macron vont sans doute continuer à le choisir, et ce sont eux qui votent". En outre, souligne M. Foucault, "la durée du mouvement (des "gilets jaunes", ndlr) a conduit des personnes à prendre une position favorable à Emmanuel macron dans les intentions de vote, en lui faisant confiance pour tourner la page de cette séquence".

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"Agrégation de colères"
L'adhésion des électeurs du Rassemblement national au parti est elle aussi très solide, avec 69% des électeurs de Marine le Pen en 2017 prêts à voter pour des listes RN en mai, selon une enquête menée en février par l'Ipsos sur 10.002 Français. 
Et des deux côtés, la certitude d'aller voter pour ces élections - qui mobilisent peu en France - est plus grande que pour la moyenne nationale: 56% des sympathisants LREM et 50% de ceux du RN sont certains de se déplacer, contre 42% du total des personnes interrogées.  Surtout, toujours selon cette enquête, parmi les sympathisants LREM, 71% sont certains de leur choix, chiffre qui monte à 77% pour le RN. A l'inverse, seuls 28% des électeurs attirés par une liste "gilets jaunes" se disent sûrs de leur choix.

"La conversion de la colère des gilets jaunes en score aux élections européenne paraît très difficile", estime la chercheuse. "Notamment parce qu'il s'agit d'une agrégation de colères que le port du gilet peut incarner plus facilement que la désignation de représentants qui pourraient porter des revendications et concrétiser la colère en voix".

Si l'on ne peut pas encore dresser de "portrait-robot" des manifestants, souligne Mme Lagier, "on peut estimer que, pour une part significative, ce sont des gens qui ne s'exprimaient pas parce qu'ils ne se sentaient pas ou plus représentés" avant de manifester tous les samedis. "Pour beaucoup, abstentionnistes constants et intermittents ou votants pour des partis dits +hors système+, je ne pense pas que le mouvement puisse se traduire dans un mode de représentation politique classique", ajoute Mme Lagier. "On le voit notamment avec les grandes difficultés de trouver un porte-parole" ou les différentes listes qui ont été constituées.

Depuis quelques semaines, les "gilets jaunes" se querellent en effet sur la possibilité ou non de se présenter aux européennes, avec des initiatives désordonnées et controversées au sein du mouvement. Mais leur présence ou non dans la course semble avoir peu d'impact : avec une liste "gilets jaune", LREM obtiendrait un score de 23% contre 19,5% pour le RN, et sans cette liste le score de LREM resterait identique tandis que celui de RN passerait à 21%, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria du 25 février.

Pour mémoire

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