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À La Une - Cyberattaques

L'ombre d'une possible ingérence russe plane sur les élections européennes

Une des craintes est que les sociétés européennes ont tendance à être de plus en plus clivées, que ce soit autour de la crise des "gilets jaunes" en France ou de la question migratoire en Allemagne par exemple.

Les drapeaux russe et européen. Photo d'archives AFP

A quelques mois des élections européennes, gouvernements et responsables multiplient les mises en garde contre une éventuelle ingérence cyber russe dans la campagne, craignant son impact dans des pays aux opinions particulièrement clivées.

"La probabilité est forte que des gens essaient de manipuler le débat et truquer le résultat des élections européennes", a jugé la semaine dernière Julian King, Commissaire européen à la Sécurité de l'Union dans un entretien au journal L'Alsace. "Les interférences étrangères sur l'UE et la campagne européenne de mai sont une préoccupation partagée par tous les Européens", pour la ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, au journal Le Monde. Sous couvert d'anonymat, les services de sécurité partagent l'analyse. "On a des chances de subir un gros truc", résume un de leurs membres.

"Plusieurs actions sont en cours ou ont déjà été mises en places en vue de permettre à l'UE et ses États membres de réagir de manière rapide, efficace et coordonnée en cas d'attaques. Néanmoins, elles relèvent à ce stade avant tout de la déclaration d'intention et doivent faire leurs preuves", selon une récente note d'un service de renseignement européen. Le Service européen pour l'action extérieure de l'UE a notamment mis en place une structure dans sa division East Stratcom, chargée de lutter contre la propagation de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux.


(Lire aussi : Cyberdéfense: Paris montre les crocs)


"Exfiltrations d'informations"
Pour les responsables occidentaux, l'éléphant dans la pièce vient de Russie, régulièrement accusée plus ou moins ouvertement d'ingérences dans la vie publique, alors que Moscou leur reproche de s'être eux immiscés dans sa sphère d'influence, notamment en soutenant les "révolutions de couleurs" dans les anciennes républiques soviétiques dans les années 2000.

Les ingérences les plus emblématiques attribuées aux Russes concernent l'élection présidentielle américaine de 2016 et la française de 2017, suivant des schémas similaires: attaquer une partie prenante au processus électoral (le parti Démocrate aux Etats-Unis, En Marche en France), pirater des données, les faire fuiter, en les ayant trafiquées ou pas, puis amplifier leur propagation sur les réseaux sociaux.

APT28, APT29, Pawn Storm, Fancy Bear.... Sous ces noms se cachent des hackers très fortement soupçonnés par les services occidentaux d'être liés à l'entourage du GRU, les renseignements militaires russes, mais sans que ce lien ne soit publiquement prouvé. Ce sont eux qui seraient susceptibles d'attaquer, ou d'avoir déjà attaqué, des acteurs de la campagne des Européennes, car un des points clés de ces "exfiltrations d'informations est de ne pas se faire détecter", explique Loïc Guézo de la société de sécurité informatique japonaise Trend Micro. "Ce groupe auquel on affecte des opérations a pour point commun de toujours cibler des institutions de l'Ouest, qui sont en rapport avec des élections ou des prises de décision politiques de pays de l'Ouest qui ont un impact avec ou contre la politique du gouvernement russe", résume-t-il.

"La fuite de données volées est alors utilisée pour discréditer une cible (...) Son avantage est de donner à la population l'impression qu'elle a accès la +la vérité+, à une information brute, non filtrée, car faite de données interceptées", expliquent les auteurs d'un rapport officiel français "Les manipulations de l'information".

Si c'est parfois le cas, il arrive aussi que ces données pillées soient manipulées avant d'être fuitées. Entre alors en action le deuxième volet de l'opération d'ingérence : donner le plus d'écho possible sur les réseaux sociaux. Les services de sécurité français ont établi une "veille des médias et réseaux sociaux", surveillant notamment la "théâtralisation des fractures sociales en France" par les médias russes, selon un document consulté par l'AFP.


(Lire aussi : L’Allemagne en émoi après la publication de données personnelles de responsables politiques)


"Arsenaux informationnels"
Sur ce volet, la Russie "a développé des arsenaux informationnels, avec des stratégies de manipulation par recours aux robots, à des faux-comptes (...) un écosystème articulé autour de quelques structures en Russie, derrière des sociétés écrans, qui remontent à Evguéni Prigojine", homme d'affaires proche du Kremlin, par ailleurs réputé financer le fameux groupe de sécurité privé Wagner, actif dans plusieurs pays, comme la Syrie ou la Centrafrique, explique Kévin Limonier, enseignant chercheur à l'Institut français de géopolitique de l'université Paris VIII, spécialiste du cyber-espace russe.

Outre ces faux-comptes et ces robots, il y a aussi tout un éventail d'acteurs réels, médias, influenceurs, qui peuvent donner de l'ampleur, jusqu'à ce que l'information soit reprise par d'autres acteurs extérieurs à cette sphère, blanchissant ainsi son contenu.

Une des craintes est que les sociétés européennes ont tendance à être de plus en plus clivées, que ce soit autour de la crise des "gilets jaunes" en France ou de la question migratoire en Allemagne par exemple. "La société est beaucoup plus perméable aux théories du complot", relève une source sécuritaire. Une étude publiée début février juge que les Français qui se définissent comme "gilets jaunes" sont plus sensibles que la moyenne à ces théories.

Dans ce panorama instable, la France semble vouloir s'affirmer. Rappelant que Paris (et d'autres capitales) avaient expulsé des diplomates russes après l'affaire Skripal en 2018, une source du renseignement français explique que les autorités ont désormais "une ligne politique beaucoup plus décomplexée, avec une volonté assumée de fixer une ligne rouge" vis-à-vis d'éventuelles ingérences. "Mais il faut faire attention, à force de publiciser cette guerre, il y a un risque que la menace paraisse plus importante que ce qu'elle est, ce qui peut avoir des conséquences politiques, comme par exemple penser qu'il y a une manipulation des Gilets jaunes", juge M. Limonier.



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A quelques mois des élections européennes, gouvernements et responsables multiplient les mises en garde contre une éventuelle ingérence cyber russe dans la campagne, craignant son impact dans des pays aux opinions particulièrement clivées.
"La probabilité est forte que des gens essaient de manipuler le débat et truquer le résultat des élections européennes", a jugé la semaine...

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JE CROIS QU,ON DONNE TROP DE POIDS AU RUSSE... BIEN PLUS QU,IL N,EN A !

LA LIBRE EXPRESSION

23 h 01, le 01 mars 2019

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Commentaires (1)

  • JE CROIS QU,ON DONNE TROP DE POIDS AU RUSSE... BIEN PLUS QU,IL N,EN A !

    LA LIBRE EXPRESSION

    23 h 01, le 01 mars 2019

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