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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (17) : le deuil (suite)

Chez les parents de disparus, le deuil est impossible. Il en découle une douleur insupportable. L’insomnie est de rigueur, la culpabilité féroce. Les parents de disparus sont comme des morts-vivants, des zombies. Ils errent sans savoir où ils vont. Ils n’ont pas de but. S’ils vivent, c’est machinalement, sans savoir pourquoi. Ils sont obsédés par une question : est-il mort, est-il vivant. Leur deuil impossible rend tout autre aspect de leur vie sans saveur. Rien ne peut les réjouir, leur faire plaisir, et s’ils arrivent à goûter au moindre plaisir, ils se le reprochent immédiatement : « Comment tu peux prendre plaisir à manger alors que tu ne sais pas ce qu’il est advenu de lui/elle ? »

Dans le deuil « normal » (aucun deuil n’est normal), toutes ces questions accompagnent l’endeuillé le long du deuil. Surtout au début, quand l’endeuillé a du mal à vivre alors qu’il vient de perdre quelqu’un. Grâce aux rites, la douleur du début perd progressivement de son intensité, et au terme d’un deuil, l’endeuillé est en paix avec le mort.

Chez les parents d’un disparu, aucune paix n’est possible : la souffrance est continue. On réalise ainsi que le deuil a des vertus pacificatrices. Il nous permet de gérer l’immensité de la douleur. C’est pour cette raison que lorsque le deuil est impossible, la douleur est inhumaine. Les parents de disparus ne peuvent même pas nommer leur douleur : elle est innommable. Tant qu’ils ne savent pas ce qu’il est advenu de leurs proches, s’ils sont morts, où se trouve leur cadavre, ils ne peuvent pas vivre. Ils attendent d’avoir des nouvelles pour pouvoir commencer leur deuil. Mais cette pensée les rend coupables : « Pourquoi penser qu’il/elle est mort(e) alors qu’il/elle peut être vivant(e) ? » « Est-ce que je souhaite sa mort alors qu’il/elle peut être vivant(e) ? » Dans le deuil normal, cette ambivalence est atténuée par les rites. Les rites expriment cette ambivalence, ce qui permet à l’endeuillé de moins en souffrir.

Le deuil impossible des parents de disparus

Or dans le deuil impossible, l’endeuillé ne peut pas en vouloir au mort. Il est obligé d’en vouloir à ses ravisseurs et ne peut donc commencer son deuil. D’où l’horreur. D’où également le pardon accordé facilement par les familles aux assassins et tortionnaires du disparu. L’exemple de l’Afrique du Sud est très éclairant. Les commissions « Vérité et réconciliation » ont montré que les familles des victimes accordaient facilement leur pardon aux tortionnaires. Cela peut paraître étrange. Mais dans les faits, les aveux des tortionnaires et des assassins permettaient aux parents de sortir d’une souffrance inhumaine et de pouvoir enfin faire leur deuil. C’est-à-dire de pouvoir enfin exprimer leur ambivalence à l’égard de leur défunt. Avant, ils étaient obligés de haïr les ravisseurs et ne pouvaient donc pas légitimement haïr leurs morts. Commencer leur deuil était donc impossible. Maintenant, les aveux des assassins les libèrent et le deuil est possible.

Chez les parents de disparus, le deuil est impossible. Il en découle une douleur insupportable. L’insomnie est de rigueur, la culpabilité féroce. Les parents de disparus sont comme des morts-vivants, des zombies. Ils errent sans savoir où ils vont. Ils n’ont pas de but. S’ils vivent, c’est machinalement, sans savoir pourquoi. Ils sont obsédés par une question : est-il mort,...

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