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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Histoires d’amour, de séparation et de souffrance (13)

La mort est la séparation ultime, pas de retour possible de l’être aimé.

Nous avons vu la dernière fois combien il était important de ne pas cacher à un enfant la mort d’un proche, de le faire participer aux funérailles et aux obsèques, ainsi qu’aux rites funéraires. « La mort n’est pas une chose aussi terrible que nous l’imaginons, dit Buffon, nous la jugeons mal de loin, c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance et qui disparaît lorsqu’on vient à s’en approcher. » Cette très belle description que fait Buffon de la mort nous permet de comprendre la fonction symbolique de nos rites funéraires : apprivoiser la mort en approchant le mort. Cela nous permet de comprendre l’importance d’approcher nos morts au début du deuil. Approcher le mort nous permet de contenir la terreur que la mort nous inspire et nous aide ainsi à bien démarrer notre deuil : réduire l’imaginaire grâce à l’épreuve de réalité.

C’est exactement ce dont a besoin l’enfant : réduire l’imaginaire grâce à l’épreuve de réalité. Nous avons vu la dernière fois que lorsqu’on cache à l’enfant la mort d’un proche, il peut imaginer n’importe quoi, surtout qu’il est la cause de sa disparition, et développer une forte culpabilité difficile à faire disparaître. Lorsque nous perdons un être cher, nous passons par différents états d’âme dont l’importance est égale à la temporalité qui les relie. Après le choc premier ou nous disons tous « non, ce n’est pas vrai », un non qui rejette la nouvelle, nous traversons un « déni » qui nous permet de refuser la réalité, momentanément. Ensuite, il nous arrive de nous révolter et de crier à l’injustice divine. Enfin, nous nous identifions au mort comme si nous voulions le garder avec nous, en nous. Nous l’incorporons. D’où l’apparition de symptômes physiques : malaise, évanouissement, maladies diverses mais transitoires, etc. Nous nous «  déprimons » ensuite du fait de l’ambivalence qui nous habite férocement. Nous en voulons au mort parce qu’il nous a abandonnés, nous nous en voulons de lui en vouloir parce qu’il est mort et que nous, nous sommes vivants, puis nous lui en voulons encore de nous mettre dans cet état à cause de lui. Ainsi de suite. Cette ambivalence va nous consumer de l’intérieur. Jusqu’à s’épuiser, au bout d’un an environ, ce qui permet d’en finir avec le deuil. L’épreuve de réalité finit par s’imposer. Nous faisons la paix avec le mort et nous pouvons maintenant le convoquer pour penser à lui sans ambivalence.

Or cette épreuve de réalité est facilitée dès le début par la vue du mort. D’où l’importance que l’enfant voie le mort afin de réaliser qu’il est bien mort. Mais nous doutons à sa vue et nous nous demandons si c’est la réalité ou pas. Nous sommes suspendus un instant entre la fiction et la réalité afin de nous assurer que celui ou celle que nous aimons est bien mort(e). Cette épreuve de réalité, très douloureuse, est nécessaire, autant à l’adulte qu’à l’enfant. Tout le long du deuil, les rites nous facilitent la tâche car ils expriment, universellement, cette ambivalence. Malheureusement, nos rites disparaissent progressivement et, avec eux, le plus important, la Veillée funèbre. Or cette dernière permet de mieux réaliser que notre mort est bien mort. L’épreuve de réalité commence par la Veillée funèbre. Tout cela n’est plus possible aujourd’hui, le mort est « abandonné » à la morgue ou dans un lieu saint comme l’église. Or « La mort a des rigueurs à nulle autre pareille », nous dit François de Malherbe. Nul besoin de raccourcir nos rites ou de les effacer au nom d’une modernité rapide dont la devise reste « time is money ». Et au moment où nous nous éloignons progressivement de nos repères socioculturels dans un monde monétarisé, technicisé et de plus en plus désaffecté, il est bon de nous rappeler Voltaire : « Nos rites, nos mystères ne peuvent point changer, ne sont pas incertains comme ces faibles lois qu’inventent les humains. »


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