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Liban - Éclairage

Derrière le message de Washington à Hariri...

Les prises de position exprimées mardi par l’ambassadrice des États-Unis Elizabeth Richard depuis le Grand Sérail, et sur base d’un communiqué écrit, ne sont certes pas nouvelles. Par contre, le style employé est nouveau, après l’obtention par le cabinet Hariri de la confiance à la Chambre des députés.

Mme Richard, qui a félicité M. Hariri pour la formation du nouveau gouvernement tant attendu, a affirmé à l’issue de sa rencontre avec le président du Conseil qu’elle avait été « très franche » avec lui « au sujet de l’inquiétude des États-Unis face au rôle croissant au sein du gouvernement d’une organisation dotée d’une milice qui n’est pas soumise au contrôle de l’exécutif et qui continue de prendre ses propres décisions en matière de sécurité nationale, sachant que ces décisions mettent en danger le reste du pays, et qui ne cesse de violer la politique de distanciation adoptée par le gouvernement en participant à des conflits armés dans trois pays au moins ». La diplomate américaine avait ensuite averti que « cette situation est loin de favoriser la stabilité du Liban » et qu’elle représente, au contraire, « un facteur foncièrement déstabilisant ».

En dépit de cela, Elizabeth Richard a souligné que son pays maintiendrait son soutien global et de longue date au Liban, dans la mesure où, comme l’avait dit le secrétaire d’État Mike Pompeo, « les États-Unis sont partenaires du Liban pour réaliser de meilleurs résultats en faveur du peuple libanais ».


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Selon des sources bien informées, les propos de la diplomate US constituent une mise en garde claire de la part de Washington à l’heure où le nouveau gouvernement est sur le point d’entamer ses travaux à la veille du début de l’application des résolutions des conférences internationales, notamment celle de Paris (CEDRE). Ce message s’inscrit également dans la foulée de ceux du Groupe international de soutien au Liban, du Conseil de sécurité et d’un certain nombre de capitales, qui réclament l’application de la résolution 1559, laquelle demande que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées, et soutient l’extension du contrôle exercé par le gouvernement libanais à l’ensemble du territoire du pays.

Une autre demande corollaire de la part de la communauté internationale est l’adoption d’une stratégie défensive qui rétablirait le monopole de la violence aux mains de l’État, mais pas sur le modèle irakien, qui a conduit à la légalisation de la milice chiite du Hachd al-chaabi. Washington met d’ailleurs en garde contre le danger que pourrait représenter un alignement du Liban sur le modèle de l’Irak, surtout après l’appel du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à aller de l’avant dans l’étude d’une stratégie de défense ; appel repris en écho, du reste, par le député du parti chiite Ali Ammar lors du débat de confiance à la Chambre. D’autant que le Hezbollah refusait auparavant toute étude d’une stratégie défensive depuis la conférence de dialogue organisée sous l’égide du président de la Chambre Nabih Berry en 2006. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le Hezbollah avait torpillé le retour au dialogue national initié en 2008 par l’ancien président de la République Michel Sleiman : il était interdit de discuter d’une stratégie nationale de défense.


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La mise en garde américaine serait également à lire sous l’angle du danger de ce que le Hezbollah pourrait faire sous le slogan de la lutte contre la corruption en matière d’hégémonie sur le gouvernement et sa prise de décision, ce qui aurait des répercussions sur les pays donateurs et le sort même de CEDRE, dans la mesure où ces pays ont mis l’accent sur la nécessité pour Beyrouth de tenir concrètement ses engagements en matière de politique de distanciation et d’édification d’un État de droit. Un État à même de mettre en place les réformes requises, d’empêcher l’hégémonie du Hezbollah sur certaines institutions et administrations, et de ramasser les armes de la milice chiite, qui menacent à tout instant la stabilité au Liban et dans la région – qui plus est parce que ces armes ont une fonction dans la région au service de l’agenda iranien. Le Liban en pâtit dans ses relations avec les pays du Golfe, qui ont mis en garde leurs ressortissants contre le fait de s’y rendre et qui y ont gelé leurs investissements afin de protester contre certaines positions officielles de la part de Beyrouth lors d’un certain nombre de sommets, de conférences et de réunions arabes, en faveur de l’Iran, de l’axe de la résistance et de la moumanaa. Le Golfe a déjà appelé maintes fois le pays du Cèdre à empêcher le Hezbollah de s’ingérer dans ses affaires et de le déstabiliser.

Si certains responsables lient le sort des armes du Hezbollah à celui de la crise régionale, dans la mesure où le Liban est lui-même incapable de régler cette question, cela n’ôte en rien la responsabilité des pôles libanais à empêcher l’hégémonie du parti chiite sur l’État et ses institutions, et sur l’application de la loi. L’arsenal du Hezbollah ne saurait torpiller la bonne marche étatique, notent des sources diplomatiques, qui disent comprendre la position du Liban, mais réclament toutefois au gouvernement d’agir pour empêcher une phagocytose totale de l’appareil d’État par le parti. En d’autres termes, il va falloir prouver dans les actes que la nouvelle Chambre et le nouveau gouvernement ne sont pas entre les mains du Hezbollah, comme l’ont déjà affirmé certains responsables iraniens.


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