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Liban - Éclairage

Sanctions US : le spectre d’un « nouveau Gaza » se profile au Liban

« La phase de tolérance et de permissivité de la part de Washington est maintenant dépassée », mettent en garde plusieurs analystes politiques.

L’immeuble du Trésor US à Washington D.C. Photo Sealy J.

Le département du Trésor américain a annoncé hier des sanctions à l’encontre de quatre personnes dont un Libanais, Fadi Nabih Nasser, et de cinq entreprises dont deux libanaises, tous accusés de faciliter des transactions financières entre le régime syrien et le groupe État islamique (EI), et d’approvisionner le régime syrien en carburant et en armes.

« Les États-Unis continueront à s’en prendre à ceux qui facilitent les transactions avec le régime meurtrier de Bachar el-Assad et soutiennent l’EI », a affirmé le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, dans un communiqué, indiquant que « des millions de personnes innocentes dans la province d’Idleb sont actuellement sous la menace imminente du régime Assad soutenu par l’Iran et la Russie, sous le prétexte de viser l’EI, alors que dans le même temps, le régime Assad a une histoire de relations commerciales avec le groupe terroriste ».

Le communiqué a notamment accusé Fadi Nasser, né en 1963 et domicilié à Bourj Brajné, de « fournir un soutien financier, matériel ou technologique » à la Syrian Company of Oil Transport (SCOT, étatique) et d’« avoir facilité la livraison de milliers de tonnes de fuel aux ports syriens, et reçu en échange des millions de dollars ». Basée au Liban, l’entreprise Nasco Polymers qu’il dirige et dont il est propriétaire à 80 % est également sanctionnée pour « facilitation des importations vers les ports syriens ».

Une autre compagnie basée au Liban, Abar Petroleum Service, est aussi visée par les sanctions. Elle est accusée de « travailler avec le gouvernement syrien pour contourner les sanctions et importer du brut et des produits pétroliers ». Selon le Trésor américain, cette entreprise a été impliquée en 2017 dans l’importation de cargaisons d’une valeur de plus de 30 millions de dollars de produits pétroliers via le port de Banias, en Syrie.

Un conseiller de Abar Petroleum Service, Adnane al-Ali, de nationalité syrienne, a été également visé par les sanctions US. Il est suspecté d’« être probablement un agent des services de renseignements syriens », selon le communiqué.

Un autre Syrien, Mohammad al-Katirji, et l’entreprise qu’il dirige, Katirji Company, sont aussi accusés de servir d’« intermédiaires entre le régime Assad et le groupe État islamique, notamment pour pourvoir en fuel les territoires occupés par l’EI ». Les Américains les accusent en outre « de transporter des armes et des munitions pour le compte du régime, sous couvert d’activités d’import-export de produits alimentaires », et affirment que « ce trafic est supervisé par les services de renseignements syriens ».

Yasser Abbas, également de nationalité syrienne, a été sanctionné par l’administration Trump pour avoir facilité les importations de carburant et d’armes en provenance d’Iran, à destination de l’armée de l’air syrienne.

Enfin, une société basée aux Émirats arabes unis est sanctionnée pour avoir facilité les paiements en provenance de Syrie. Cette compagnie, International Pipeline Company, est contrôlée par Hesco Engineering, qui appartient à George Haswani, un homme d’affaires syrien lié au régime, effectuant les transactions avec l’EI et déjà visé par des sanctions.


(Pour mémoire : Transfert d’armes iraniennes : en Syrie, tous les chemins mènent au Hezbollah)


Dommages collatéraux
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur l’ampleur croissante des sanctions infligées par l’administration américaine, Sami Nader, économiste et analyste politique, note qu’il s’agit de « la poursuite de ce qui a été initié depuis que Donald Trump a accédé à la présidence des États-Unis ». Selon lui, « à l’inverse de ce que faisait son prédécesseur Barack Obama, le nouveau président américain ne veut plus distinguer entre le volet nucléaire iranien et le financement du terrorisme ». Rappelant que « sous le mandat Obama, les Américains ne forçaient pas trop sur les sanctions, de crainte d’irriter l’Iran et de le pousser à se désengager de l’accord nucléaire », M. Nader indique que le président américain « a choisi d’agir dans ce domaine sous la seule bannière de la confrontation avec l’Iran ». « Il faut désormais s’attendre à une exacerbation de la pression », affirme à cet égard l’analyste, faisant part de ses appréhensions quant aux répercussions de cette pression sur le Liban, qui, estime-t-il, risque « de subir des dommages collatéraux ». Il note d’ailleurs qu’« avec l’accroissement de l’influence du Hezbollah au sein de l’État libanais, le pays est en train de perdre de sa spécificité et de son caractère exceptionnel aux yeux de l’administration américaine ».

« Dans la phase précédente, les États-Unis faisaient une distinction entre le gouvernement et le parti chiite, dissociant ainsi les volets politique et économique du volet militaire, alors qu’à l’heure actuelle, ils tendent à les lier », ajoute M. Nader. « C’est que le Hezbollah a exprimé clairement sa volonté de s’impliquer dans les dossiers économiques, réclamant par exemple le ministère de la Santé », relève-t-il, affirmant que « les États-Unis refuseront de procurer des aides à un ministère contrôlé par le parti chiite ». Pour l’analyste, « la phase de tolérance et de permissivité est maintenant dépassée, malgré l’attachement de l’administration américaine à la stabilité sécuritaire et économique du pays ». « Il faut s’attendre d’ores et déjà à une recrudescence de mesures américaines susceptibles d’augmenter les risques économiques, alors que le pays est en récession », met en garde M. Nader.


(Pour mémoire : Une proposition de loi US veut sanctionner le Hezbollah « qui utilise les civils comme boucliers humains »)


Un nouveau Gaza
L’activiste politique Élie Khoury, directeur de Quantum (société de communication), évoque également une volonté américaine de « raffermir sa politique de sanctions », notant que « l’administration de M. Trump ne veut plus l’appliquer de manière lente et sporadique ». « Désormais, celle-ci ne veut plus fermer les yeux et souhaite faire preuve de plus de sérieux », ajoute M. Khoury, ajoutant que d’ores et déjà, « toute activité avec l’Iran est susceptible de mesures, quel que soit le lieu où cette activité se déroule ». Et de donner un exemple : « Si la Chine veut continuer à entretenir des relations commerciales avec l’Iran, en cas d'un affrètement de marchandises, des sanctions seront prononcées à l’encontre des bateaux et des sociétés d’assurance en charge de ces marchandises. » M. Khoury estime que face à cette politique, « l’Iran et ses alliés vont faire davantage pression sur le Liban en exerçant encore plus d’activités et de manœuvres répréhensibles par les États-Unis, ce qui signifie que les sanctions américaines vont encore augmenter dans le pays ». Il craint ainsi que « le Liban perde son cachet neutre » et met en garde contre « un nouveau Gaza que deviendrait le pays si les sanctions se multipliaient », en allusion à la bande de Gaza, enclave invivable en Palestine.

Le directeur de Quantum note par ailleurs qu’« en sanctionnant l’entreprise International Pipeline Company, l’administration américaine sanctionne pour la première fois une société émiratie ». Un constat dont fait part également l’analyste politique Jean-Pierre Katrib, qui relève qu’aux États-Unis, les départements du Trésor et des Affaires étrangères sont en possession de listes de groupes terroristes, qu’ils soient chiites ou sunnites. L’intention est de combattre autant Daech (groupe État islamique) que l’Iran, indique-t-il, soulignant que « l’administration US dispose de mécanismes juridiques lui permettant d’établir un lien entre des éléments qui prouvent la nécessité d’appliquer des sanctions, et sur lesquels elle se base donc pour classifier les activités et prononcer des mesures le cas échéant ».


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Le département du Trésor américain a annoncé hier des sanctions à l’encontre de quatre personnes dont un Libanais, Fadi Nabih Nasser, et de cinq entreprises dont deux libanaises, tous accusés de faciliter des transactions financières entre le régime syrien et le groupe État islamique (EI), et d’approvisionner le régime syrien en carburant et en armes.« Les États-Unis...

commentaires (4)

PRIERE LIRE : LA TENAILLE SE REFERME SUR EUX... MERCI.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 07, le 08 septembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • PRIERE LIRE : LA TENAILLE SE REFERME SUR EUX... MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 07, le 08 septembre 2018

  • Dans la vie il faut assumer ses choix, et en terme de développement bien sur que le choix du Golfe était bien plus intéressant financièrement (investissement et touristes) que le rapprochement avec un pays qui lui même a de gros soucis de développement et de monnaie et ce ne sont pas les sanctions Américaines qui vont améliorer la situation,même déjà l'Europe est pénalisée alors le Liban !!

    yves kerlidou

    09 h 53, le 08 septembre 2018

  • LA SYRIE, L,IRAN ET LA MILICE. LA TENAILLE SE REFERME. LE LIBAN EN PAYERA HELAS LE PRIX FORT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 47, le 08 septembre 2018

  • Vu de la lorgnette américaine, toutes ces mesures sont logiques. Ce qui ne l'est pas, c'est l'attitude suicidaire du pouvoir libanais qui continue, envers et contre tout, à soutenir le Hezbollah!

    Yves Prevost

    07 h 03, le 08 septembre 2018

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