Dans son discours samedi dernier, le secrétaire général du Hezbollah a annoncé l’intention de son parti de faire la lumière sur le dossier des 11 milliards de dollars dépensés hors budget sous le mandat du président du Conseil Fouad Siniora (2005-2009). On s’interroge dans les milieux politiques sur les véritables intentions du parti pro-iranien et s’il ne s’agirait pas, en fait, d’une tentative de déstabiliser le mandat actuel, en soulevant une affaire qu’on croyait classée.
On rappelle qu’au sujet de ces dépenses, le CPL et le courant du Futur, dont le rapprochement a rendu possible l’élection du président Michel Aoun, étaient parvenus à un « modus vivendi » en vertu duquel, sans renoncer à mettre de l’ordre dans ces dépenses, cette affaire ne servirait plus d’arme politique contre un courant du Futur qui serait harcelé d’accusation de dilapidation, voire de vol.
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Jusqu’où le Hezbollah, qui a annoncé son intention de faire la guerre à la corruption, compte-t-il aller dans le déballage ? Ira-t-il, par exemple, jusqu’à révéler les dessous du dossier de la contrebande du captagon, dans lequel trempe le frère de l’un de ses ministres ?
Selon des observateurs, la réouverture du dossier des 11 milliards pourrait avoir comme principal objectif de tester la solidité de l’alliance entre le CPL et le courant du Futur, que semblent avoir renforcé les réunions de Paris entre Saad Hariri et le ministre Gebran Bassil. Il s’agirait en somme de frapper la formule d’entente entre Baabda et le Sérail.
Les observateurs ont également relevé hier qu’à peine votée la confiance, la stabilité gouvernementale est mise à l’épreuve avec la décision du ministre des Déplacés, Saleh Gharib, de se rendre en Syrie à l’invitation de son homologue, sans prendre la peine ne fût-ce que d’en aviser le président du Conseil. Il s’agit, note-t-on, de la première entorse au principe de respect de la distanciation demandé par les pays donateurs de la CEDRE comme condition fondamentale pour aider le Liban. La seconde étant la position ambiguë du ministre de la Défense, Élias Bou Saab, lors de sa participation à la Conférence de sécurité de Munich, contre l’établissement d’une « zone de sécurité » dans le Nord syrien, aux frontières de la Turquie, une forme d’alignement sur les positions du régime syrien. Il est certain que ces deux prises de position, auxquelles s’ajoutent des positions prises par le Hezbollah, en particulier par Nawaf Moussaoui durant le débat de confiance, n’auraient pas dû être, et qu’il aurait été hautement préférable que les deux ministres soient fidèles à l’esprit de la déclaration ministérielle et que le gouvernement travaille comme un seul corps, non comme une machine hybride dont chaque membre n’en fait qu’à sa tête.
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Au demeurant, pourquoi ce ne serait pas le ministre syrien qui viendrait au Liban parler du retour de ses concitoyens, et pourquoi le Liban n’appuie-t-il pas l’initiative russe de rapatriement des déplacés ? Finalement, les ministres du gouvernement d’unité nationale respecteront-ils la teneur de leur propre déclaration ministérielle ? Auront-ils le souci de l’unité et de la solidarité au sein du Conseil des ministres, ou continueront-ils à faire cavalier seul, en fonction de leur volonté politique propre, donnant du gouvernement l’image d’un monstre à 30 têtes incapables d’unité et, au fond, qu’il faudrait abattre pour l’empêcher de nuire davantage ?
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commentaires (12)
Une "loi" imposée par la force et sous la menace des armes d'une milice entretenue par une puissance étrangère n'est plus une "loi", mais le principe basique de la dictature qu'on veut nous imposer à nous Libanais. La vraie démocratie n'a rien de commun avec les déguisements de la vérité savamment élaborés par certains chez nous pour se justifier. Il suffit d'aller voir dans les pays qui appliquent vraiment la démocratie pour constater la différence...et comprendre, si on en est capable. Irène Saïd
Irene Said
21 h 10, le 19 février 2019