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Culture - Théâtre

Quand Joe Kodeih ressuscite la Bête moyen-orientale

C’est l’histoire d’un scénario qui a pris naissance en 2001, a été joué sur les planches de La MaMa à New York en 2003, puis à Beyrouth en 2008. C’est la magie de ce que certaines rencontres peuvent provoquer, et la résilience d’un réalisateur habité par un cynisme à toute épreuve.

L’équipe de « The Middle Beast » version 2019.

Seize ans et quelques rides plus tard, voici que Joe Kodeih, enfant terrible du théâtre libanais moderne, entreprend de donner une nouvelle vie à sa pièce de théâtre Middle Beast, qui avait fait salle comble en 2003 sur les planches de La MaMa à Broadway, puis quelques années plus tard à Beyrouth. Le scénario aurait pu rester dans les annales mentales du réalisateur, ne fût sa rencontre avec Ellen Stewart, de passage à Beyrouth en 2001. Joe Kodeih a la tâche de la seconder dans un projet qui ne verra finalement pas le jour. L’histoire ne s’arrêtera heureusement pas là. Quelque temps plus tard, il lui fera part « par fax » du scénario de Middle Beast. La figure emblématique du théâtre new-yorkais lui propose alors de se rendre dans la Grosse Pomme. Détenteur d’un passeport libanais, il sait que l’obtention des visas n’est pas une mince affaire. Il recevra pourtant deux jours plus tard un appel de l’ambassade des États-Unis à Beyrouth qui lui confirme que son visa est prêt. Pour Joe Kodeih, c’est une chance inouïe, mais c’est aussi et surtout grâce aux efforts combinés de quatre femmes sans qui le destin aurait pu être autre. Ellen Stewart évidemment, mais aussi Aimée Boulos, figure de proue de la vie culturelle libanaise, Maria Chakhtoura, responsable durant des décennies du service culturel de L’Orient-Le Jour, et enfin Souad Najjar, dont les films ont été maintes fois prisés. Il tient également à préciser que son frère Marc Kodeih, Élie Karam, Mario Bassil et Nadine Labaki feront également partie de l’équipe.


(Pour mémoire : Joe Kodeih, daddy cool)


Un « Arabe » à Broadway
Lorsqu’il pose ses bagages à New York, Joe Kodeih fait part à Ellen Stewart de son désir de monter sur les planches de Broadway. Elle lui répond que le théâtre de La MaMa est booké jusqu’à la fin de 2003. Le metteur en scène ne se démontera pas et il mettra tout en œuvre pour pouvoir jouer sur les planches foulées avant lui par les plus grands, à l’instar d’Al Pacino, Robert De Niro, Bette Middler et bien d’autres encore. Mais une nouvelle fois, un problème de visa s’impose. Joe Kodeih fait appel « in extremis » à Jacques Maroun, qui devra apprendre le texte en un temps record et jouer à sa place. L’auteur se contentera de diriger trois semaines durant les premières apparitions publiques de Middle Beast. « Tous les soirs, il y avait deux représentants du FBI dans la salle », se souvient Joe Kodeih, qui rappelle le climat tendu des années qui ont suivi le fameux 11-Septembre. « Pour les Américains, nous étions des Arabes sur scène », résume-t-il. Saluée par le New York Post et l’American Theater Wire entre autres, la pièce fait salle comble.


(Pour mémoire : « Si, à ton âge, tu ne veux pas changer le monde, tu as un problème... »)


Faire fi des menaces
De retour à Beyrouth, Kodeih prend le temps de peaufiner la version présentée à Broadway et adapte la pièce en arabe. Certaines « hautes instances », sur lesquelles Joe Kodeih ne s’attarde pas, lui profèrent des menaces. C’est que les sujets tabous traités dans Middle Beast dérangent. La religion, la mort, le rapport entre les hommes, la perception de la femme ; du contenu qui ne passe pas inaperçu. Le réalisateur ne se laisse pas intimider et dirigera en 2008 la première version arabe de Middle Beast. Le casting sera composé d’Antoine Balabane (qui a beaucoup contribué à l’adaptation, selon Joe Kodeih), Chadi Zein, Céline Sursock et Aammar Shalak. La pièce se jouera à guichets fermés trois mois durant, malgré les menaces incessantes.

La page du chapitre Middle Beast semble être tournée à jamais. Les protagonistes vaqueront à leurs occupations au gré des mouvements d’un contexte socio-politique régional qui s’enlise un peu plus chaque jour. Et puis il y aura cet échange entre Joe Kodeih et l’acteur Talal Jurdi, qui avait été pressenti pour jouer le rôle dix ans plus tôt. Il s’était alors désisté pour cause d’engagements antérieurs. Les deux hommes qui devaient plancher sur un tout autre projet finissent par s’entendre pour ressusciter la « Bête ». Le texte est mis à jour et le casting de la 3e version sera composé, outre Talal Jurdi, de Pierre Chamassian, Solange Trak, et une nouvelle fois d’Antoine Balabane. Pour le réalisateur, c’est « intéressant » de travailler avec une nouvelle équipe sur le même texte. Et une musique signée par Michel Elefteriadès. « Ça me rappelle La Cantatrice chauve au Théâtre de la Huchette à Paris », explique-t-il ; une pièce-clé qui a été présentée plus de vingt mille fois avec plusieurs acteurs différents.

« L’essence de Middle Beast réside dans ce que c’est une pièce atemporelle », indique Joe Kodeih, puisque la conjoncture politique du Moyen-Orient piétine misérablement depuis des décennies.

La dernière version de Middle Beast sera présentée à Paris et à Tunis dans les mois à venir. Pour ceux qui veulent rencontrer la Bête à Beyrouth pour la première, deuxième ou troisième fois, rendez-vous au Théâtre Monnot entre le 28 février et le 24 mars.



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