Le Venezuela devrait entrer au "Guinness des records" avec ses deux présidents, l'officiel Nicolas Maduro et l'autoproclamé Juan Guaido, plaisante Anibal Garcia: comme lui, nombre d'habitants de Caracas ne savent plus qui gouverne le pays en pleine crise politique. "Génial, on a tout en double dans ce pays: deux Parlements, deux présidents", poursuit le vendeur de rue de 63 ans, qui a choisi de s'amuser de la situation qui mobilise la communauté internationale, lançant avoir ainsi également droit à "deux femmes!".
"Je crois qu'on mérite un prix, non? Le Guinness des records!", ajoute-t-il, en comptant les billets qu'il a gagnés dans la journée, une rareté car l'argent liquide est devenu presque introuvable.
S'y retrouver dans les institution officielles tient du casse-tête: le Parlement, seule autorité contrôlée par l'opposition, est privée depuis 2017 de la majorité de ses prérogatives, confisquées par l'Assemblée constituante, uniquement composée de chavistes. Au Venezuela, siègent un tribunal suprême et un procureur général du côté du gouvernement, et à l'étranger, leurs équivalents en exil, soutenus par l'opposition. Et le 23 janvier, le chef du Parlement Juan Guaido, invoquant un vide du pouvoir, s'est autoproclamé président par intérim en remplacement de Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013. "Maduro est supposé être le président, mais il n'est pas vraiment aimé par le peuple vénézuélien", estime Anibal, qui a déjà fait son choix: "Mon candidat c'est Guaido, que ça plaise ou non à certains".
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Dans le quartier de Chacaito, les habitants ont déjà bien des soucis en tête, dans ce pays en plein naufrage économique, entre hyperinflation et pénurie d'aliments et de médicaments. "C'est de la folie", dit l'un, "Que quelqu'un vienne nous libérer", lance un autre. "Je ne vais pas accepter un inconnu" à la tête du pays, affirme un troisième.
Les nombreux passants ont chacun une réponse différente quand on leur demande qui est le président du Venezuela. "Apparemment il y a deux (présidents): Maduro et Guaido, mais qui l'est vraiment, on ne sait pas. Légalement, c'est Maduro, mais internationalement, c'est Guaido", observe Antonio Vera, informaticien de 30 ans.
Mais "je ne préfère pas me prononcer sur ce sujet, qu'ils se débrouillent entre eux", ajoute-t-il, dans un haussement d'épaules.
Juan Guaido, 35 ans, assure agir selon la Constitution, car selon lui Nicolas Maduro a "usurpé" la présidence en entamant un second mandat le 10 janvier, après des élections considérées comme "illégitimes" par une grande partie de la communauté internationale.
De son côté, Nicolas Maduro dénonce un coup d'Etat soutenu par les Etats-Unis, qui ont été les premiers à reconnaître M. Guaido comme nouveau président, avant d'être imités par le Canada, le Royaume-Uni et une dizaine de pays d'Amérique latine.
Le président chaviste garde l'appui de la Chine, la Russie, Cuba et la Bolivie.
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"Le président du Venezuela, c'est Nicolas, mais le pays va si mal, il en si mauvais état, si triste...", se lamente Maria Aurora Fuentes, 70 ans, qui pense pourtant que "ce n'est pas bien ce qu'a fait" Juan Guaido. "C'est à cause de ça que tout va si mal, à cause des autres qui ne veulent pas (de Maduro). Ils l'attaquent depuis qu'il a commencé son mandat", assure la vieille dame.
Yosmar Landaeta, infirmière de 39 ans, est du même avis: "Chacun a sa version des faits, mais c'est toujours Maduro" le président.
A l'inverse, José Rodriguez, musicien de 22 ans, n'hésite pas quand on lui demande qui est à la tête du pays: c'est "Juan Guaido". "C'est le seul qui a fait les choses selon la Constitution, qui n'a pas trompé le peuple".
Certains ont encore du mal à se souvenir du nom de jeune député, jusque-là inconnu du grand public, mais lui apportent quand même leur soutien.
Le président, c'est "le monsieur qui vient de se lancer, dont on dit qu'il s'est autoproclamé. Je pense qu'on va lui donner sa chance", confie Thais Jiménez, femme de ménage dans un hôtel, âgée de 46 ans.
Au milieu de cette confusion, les Vénézuéliens ne perdent toutefois pas leur sens de l'humour. Le site internet satirique Chigüire Bipolar s'interrogeait ainsi cette semaine: "Si je veux me moquer du président, je choisis lequel?"
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13 h 43, le 27 janvier 2019