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Liban - Système politique

Liban : une Assemblée constituante est-elle probable ?

« L’idée des trois tiers (participation à parts égales des sunnites, chiites et chrétiens au gouvernement) est un projet de guerre intérieure », estime un juriste interrogé par « L’Orient-Le Jour ».

L’idée de remplacer la Constitution par un nouveau texte fondamental n’est pas récente. Photo Bigstock

Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s’est fait l’écho mercredi des appréhensions au sujet de la formation d’une Assemblée constituante qui viendrait bouleverser la Constitution et l’accord de Taëf. « Il y a de grandes inquiétudes sur ce que l’on entend autour d’un changement de régime et d’identité du pays, de l’Assemblée constituante ou de l’idée des trois tiers dans le partage communautaire du pouvoir », a déclaré le prélat lors de sa réunion à Bkerké avec les députés et ministres maronites. Il faut dire que l’idée de remplacer la Constitution par un nouveau texte fondamental n’est pas récente. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’avait proposée il y a plusieurs années, justifiant sa suggestion par la nécessité d’édifier un État qui garantirait la stabilité, à l’écart du confessionnalisme. Le président du Parlement, Nabih Berry, l’a lui aussi évoquée lorsqu’en 2017, le vide parlementaire menaçait de s’installer à défaut de la prorogation du Parlement.

L’Assemblée constituante serait-elle près d’être créée ? Les craintes du patriarche – et avec lui nombre de parties politiques – sont-elles justifiées ? Quels sont les risques que cette éventualité aurait sur l’avenir du pays ? Autant de questions qu’il est légitime de poser dans un contexte politique délétère où la Constitution est foulée aux pieds par des parties qui « tentent de créer de nouvelles coutumes », selon les termes utilisés récemment par le président de la République Michel Aoun.


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En réponse à ces interrogations, un constitutionnaliste affirme à L’Orient-Le Jour qu’une Assemblée constituante serait injustifiée, expliquant qu’on a recours à un tel procédé généralement « à la suite d’une guerre ou d’un démantèlement de l’État ». « Or jusqu’à présent, les institutions étatiques sont sur pied et nous ne sommes pas dans une période de reconstruction de l’État », fait constater le juriste, soulignant toutefois que « si à la fin du mandat parlementaire on ne procède pas à des élections législatives, et si à la fin du mandat présidentiel, un nouveau président n’est pas élu, et si entre-temps un nouveau gouvernement n’est pas formé, il y a de grands risques de voir une Assemblée constituante se créer ». Pour ce constitutionnaliste, cette option serait très dangereuse dans la forme et dans le fond. « De qui sera composée l’Assemblée ? Qui en désignera les membres ? Par qui sera-t-elle présidée ? » se demande-t-il, craignant « l’imposition par la force ou encore l’auto- proclamation ». « S’il faut procéder à des changements, ce devrait être au moyen de l’amendement de la Constitution, laquelle édicte des procédures précises comme la soumission par le chef de l’État ou par un député d’un projet de loi en ce sens. » « Toute autre alternative serait une entrée dans un labyrinthe, dans une aventure risquée dont l’issue n’est pas connue », ajoute le juriste, exprimant ses appréhensions quant au choix des questions qui figureraient à l’ordre du jour. « L’idée des trois tiers (participation à parts égales des sunnites, chiites et chrétiens au gouvernement) est un projet de guerre intérieure », tranche-t-il sans ambages, soulignant que « cette formule changerait totalement la configuration du Liban puisqu’il ne serait plus un pays islamo-chrétien régi par le système de la parité ». Et d’évoquer dans ce cadre les propos de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, illustrant son attachement à la Constitution : « Œuvrons pour enrichir le pacte national (de 1943) et non pour l’annuler. »

Le spécialiste craint ainsi qu’« à travers la Constituante on veuille changer l’entité libanaise », jugeant que « cette alternative proposée est une manipulation pour consacrer l’influence de l’axe syro-iranien ».


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Mettre le Liban au pas

Un avis que rejoint celui de l’ancien président Amine Gemayel, interrogé par L’OLJ. Ceux qui « veulent tenir une Assemblée constituante comptent mettre le Liban au pas en légalisant à travers une consécration constitutionnelle une situation de fait imposée au pays par la force », estime-t-il. « Ce n’est pas dans le contexte actuel de mainmise paramilitaire sur le pays qu’on peut remplacer de manière libre la Constitution », ajoute à cet égard M. Gemayel, précisant que « le Liban est l’objet de pressions politiques exercées au profit d’intérêts étrangers, qui vont à l’encontre de son intérêt supérieur ». Pour l’ancien chef de l’État, « tout changement de la Constitution serait biaisé dans ces conditions parce que l’intention et la volonté de respecter la souveraineté et de consolider l’unité nationale font défaut ».

Il reste que selon certains, l’éventualité d’une Assemblée constituante ne se présente pas pour l’instant. Reconnaissant l’existence de craintes, Alain Aoun, député du Courant patriotique libre, affirme à L’OLJ qu’elles sont « exagérées ». « Les conditions (vide institutionnel, guerre) pour la tenue d’une telle échéance ne sont pas réunies », estime le député, soulignant que celle-ci « est impossible dans un pays comme le nôtre, régi par le consensus ».


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Kassem Hachem, député proche du chef du Parlement, Nabih Berry, juge même que ces craintes « n’ont pas de raison d’être ». « Il n’est pas opportun d’exploiter la question de l’Assemblée constituante pour faire peur aux gens et perturber la situation », souligne à L’OLJ ce membre de la Rencontre consultative, assurant que « le sujet ne se pose pas ». M. Hachem proclame la volonté de son camp d’ « appliquer enfin l’accord de Taëf de manière adéquate ». « Si, en cours d’application, le besoin de l’amender ou de développer notre système politique s’avère nécessaire, on pourrait opérer des changements », propose-t-il, insistant sur « l’importance de le faire dans le cadre de la Constitution et des institutions, notamment au sein du Parlement, qui comportent dans leur diversité tous les bords politiques ».

L’OLJ a tenté de joindre plusieurs députés du Hezbollah, mais en vain. À la question de savoir s’il pense que le parti chiite partagerait son opinion, M. Hachem a répondu par l’affirmative, soulignant que ce parti discute toujours des questions politiques « sous l’angle du consensus national ».


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commentaires (7)

Bien que de confession maronite je n'en pense pas moins qu'on devrait instaurer une système de rotation entre toutes les communautés à tous les ni eau de l'Etat y compris à la Présidence. Cela serait un 1er pas vers la déconfessionnalisation et donnerait à tous les Libanais l'opportunité de faire leurs preuves. Nous autres maronites on a déjà donné loool et reçu... plein de reproches!

Tina Chamoun

15 h 08, le 17 janvier 2019

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Commentaires (7)

  • Bien que de confession maronite je n'en pense pas moins qu'on devrait instaurer une système de rotation entre toutes les communautés à tous les ni eau de l'Etat y compris à la Présidence. Cela serait un 1er pas vers la déconfessionnalisation et donnerait à tous les Libanais l'opportunité de faire leurs preuves. Nous autres maronites on a déjà donné loool et reçu... plein de reproches!

    Tina Chamoun

    15 h 08, le 17 janvier 2019

  • Si pour plaisanter des rumeurs circulent en France que le prochain président pourrait être un musulman issu de l'immigration , pourquoi ne pas envisager un président issu de Hezb libanais de la résistance ? Et cerise sur le gâteau que cela puisse être le plus intelligent et le plus FORT parmi eux , si Dieu lui prête encore vie . A force de crier au loup , il sort des bois !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 50, le 17 janvier 2019

  • les chretiens, et non pas les maronites en exclusivite- se doivent de mieux Reflechir a leur avenir, afin de ne pas etre accules -comme lors de Taef - a un changement de "constitution" par la "force" (de leurs propres armes), refuser des a present toute velleite de rejet de cette verite, se la mettre bien ancree dans leur cerveau, ne pas re-jouer le meme acte dramatique des annees 1988 a 1990. S'il faut parler evolution, il faut parler vraie democratie ( a la Libanaise ), qui sous entend distribution equitable de tous les postes essentiels de l'etat et donc plus de concessions pour les chretiens,50% etc... Mais au cas ou ns parlons evolution veritable, le role des autres communautes religieuses- leurs responsabilites - serait beaucoup plus essentielles: L'ALLEGEANCE AU LIBAN SEULEMENT, NON PAS EN 1er LIEU,NON : SEULEMENT AU LIBAN. probleme eternel non resolu depuis 100 ans.

    Gaby SIOUFI

    11 h 06, le 17 janvier 2019

  • Euh c'est quoi au juste l'identité du Liban??? Entre ceux qui se veulent Arabes, les autres qui revendiquent leurs origines phénicienne et une poignée qui hésite entre oriental et levantin, être Libanais est devenu un vrai casse-tête chinois!

    Tina Chamoun

    10 h 58, le 17 janvier 2019

  • LE BUT DE CERTAINS C,EST DE JETER DU VIDE POUR ATTRAPER DU PLEIN...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 17 janvier 2019

  • On avait toujours entendu dans le passé dire que le Liban devrait s'inspirer de la Suisse et de sa constitution cantonale, il serait temps que celà se fasse. AVONS NOUS OUBLIÉ?

    FRIK-A-FRAK

    06 h 04, le 17 janvier 2019

  • Le prochain président sera un Hezbollah

    Eleni Caridopoulou

    01 h 18, le 17 janvier 2019

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