Téhéran a-t-il désormais le champ libre en Syrie ? C’est ce qu’a laissé entendre Donald Trump mercredi lors d’une discussion avec des journalistes au cours de laquelle le président américain a affirmé que « l’Iran fait sortir des gens de Syrie, mais ils peuvent, franchement, faire ce qu’ils veulent là-bas ». Le discours tenu par le locataire de la Maison-Blanche, qui a pour habitude de tenir des propos agressifs à l’égard de la République islamique, peut surprendre à première vue alors que la politique américaine de l’administration Trump dans la région vise à contrecarrer l’expansion iranienne à tout prix. Washington, allié d’Israël, voit d’un mauvais œil la consolidation de la présence des troupes iraniennes et de leurs supplétifs en Syrie, pouvant leur permettre d’établir un corridor chiite allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas.
Les propos de Donald Trump s’inscrivent toutefois dans la continuité de sa politique au Moyen-Orient alors qu’il n’a jamais caché son intention de se délester du dossier syrien. Un souhait confirmé par la signature fin décembre de la décision du retrait des troupes américaines présentes à l’est du pays. « La Syrie est perdue depuis longtemps », a déclaré M. Trump mercredi. « Je ne veux pas être en Syrie pour toujours. C’est le sable et c’est la mort », a-t-il lancé. Le calendrier du retrait des forces américaines de Syrie reste toutefois vague alors que le président américain a indiqué que « cela se fera sur un certain temps », conséquence des pressions au sein de son administration pour empêcher un retrait précipité.
Autant d’éléments qui mettent en relief le paradoxe de la stratégie du président américain qui a fait de l’endiguement de l’influence iranienne sa priorité en prenant le contre-pied de son prédécesseur, Barack Obama, dès son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2017. S’il s’est fait particulièrement provocant dans ses propos à l’égard de l’Iran à plusieurs reprises, M. Trump ne semble pas être complètement idéologiquement aligné avec les faucons de son entourage, tels que le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’État Mike Pompeo, ou encore avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Son opposition farouche à Téhéran, appréciée du côté républicain, semble nuancée et paraît plus marquée par des raisons circonstancielles et d’opportunité que par des convictions idéologiques, contrairement à d’autres membres de son administration. Moins va-t-en guerre que certains de ses conseillers, le président américain s’était notamment dit « prêt à rencontrer » les dirigeants iraniens « quand ils le veulent » et « sans conditions préalables » en juillet, adoptant ainsi la même attitude qu’avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un, le mois précédent.
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Conséquences majeures
L’option d’une offensive militaire sur le terrain contre la présence iranienne dans la région ne semble pas à l’ordre du jour de l’agenda américain tant que les intérêts de Washington ne sont pas mis en cause, laissant l’État hébreu quasi seul pour gérer la question des positions iraniennes et de leurs supplétifs en Syrie. Sans oublier, naturellement, la volonté de l’ours russe de régner en quasi-maître dans une Syrie post-État islamique. « Le plan de Trump repose sur l’armée israélienne pour affaiblir l’Iran en Syrie et sur le peuple vivant dans les zones contrôlées par Assad pour qu’il se révolte contre lui à cause de son économie », estime Nicholas A. Heras, chercheur au sein du programme sur la sécurité au Moyen-Orient du Centre pour une nouvelle sécurité américaine (CNAS), contacté par L’Orient-Le Jour. « Trump essaie de faire de la Syrie un lieu inhospitalier et instable pour que l’Iran ne puisse pas y construire une base, sans engager l’armée américaine pour faire ce travail », poursuit-il. Selon le spécialiste, « la stratégie de Trump a des conséquences majeures pour la région, car il encourage Israël à entrer en guerre contre l’Iran en Syrie, ce qui se propagerait au-delà des frontières syriennes ».
La situation économique de l’Iran s’est aggravée depuis le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 en mai dernier puis avec le rétablissement des sanctions américaines contre la République islamique à partir du mois d’août et de novembre. Selon Nicholas A. Heras, « l’équipe de Trump espère également que les sanctions contre l’Iran et les problèmes économiques persistants dans le pays, qui sont en train de conduire à des manifestations de masse, vont forcer le corps des gardiens de la révolution à se retirer de Syrie et à se concentrer sur les problèmes internes en Iran ». Le crash d’un bus faisant dix morts fin décembre a notamment attisé les tensions au sein de la République islamique, déclenchant une vague de protestations à travers le pays pour dénoncer les difficultés économiques des Iraniens.
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Résultat incertain
Si les sanctions ont déjà eu des effets directs sur Téhéran, notamment sur sa capacité à exporter du pétrole, « il n’y a pas beaucoup de preuves historiques pour suggérer que l’engagement régional de l’Iran est directement un produit de sa santé économique », souligne Naysan Rafati, analyste sur l’Iran à l’International Crisis Group, interrogé par L’OLJ. Malgré la pression internationale découlant de la série de sanctions entre 2012 et 2014 imposées à la République islamique avant la signature de l’accord sur le nucléaire en 2015, « l’Iran envoyait aussi des conseillers en Syrie, étendait des lignes de crédit au gouvernement d’Assad ou encore travaillait avec le gouvernement irakien dans la campagne contre l’État islamique », rappelle-t-il. Si les nouvelles sanctions de 2018 ont déjà eu un impact sur la bête noire des États-Unis au Moyen-Orient, « il n’est pas clair que cette composante économique incitera l’Iran à reformuler sa politique régionale, car en fin de compte, beaucoup d’activités iraniennes impliquent de travailler avec des supplétifs et des moyens de guerre irréguliers où l’Iran ne dépense pas autant que ce que l’on pourrait penser », note M. Rafati.
Sans vouloir s’investir sur le terrain régional, la Maison-Blanche continue de s’en prendre à Téhéran alors que M. Pompeo a mis en garde l’Iran contre le lancement d’une série de tests spatiaux hier dans un communiqué. « Les États-Unis n’attendront pas pour voir les politiques destructives du régime iranien menaçant la stabilité et la sécurité internationales », a-t-il déclaré avant d’ajouter que l’administration Trump « conseille au régime de reconsidérer ces lancements provocateurs et de cesser toute activité liée aux missiles balistiques afin d’éviter un isolement économique et diplomatique plus profond ». En misant majoritairement sur une politique de sanctions accrues, le plan anti-iranien du président américain apparaît toutefois quelque peu superficiel alors que la politique iranienne repose notamment sur une implantation régionale pour étendre son influence. Une présence face à laquelle les sanctions américaines pourraient se révéler insuffisantes pour faire plier la République islamique sans vraie stratégie américaine au Moyen-Orient.
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En fin de compte, bien que je ne respecte Trump d'aucune manière mais il a raison. Cette partie du moyen orient est non seulement inutile mais est gouvernée de façon minable et sans avenir. Ceux qui ont de la chance de s echapper de la Syrie ou de l'Iran ou de l'Irak sont déjà aux USA et les autres subiront le moyen age en pleine face. Alors Trump se demande "qu'a t on à gagner dans ce bourbier" ?
14 h 18, le 04 janvier 2019