"Les gens ont très peur surtout du retrait américain, puis d'une entrée des Turcs": Abou Aziz Jaber, comme d'autres habitants de la ville syrienne de Manbij, craint une nouvelle offensive d'Ankara dans la foulée du retrait annoncé des troupes américaines.
Avant même d'être appliquée, l'annonce le 19 décembre d'un retrait américain de Syrie a entraîné des revirements d'alliances, illustrés par l'entrée samedi de l'armée de Bachar el-Assad dans la région de Manbij en réponse à un appel à l'aide des forces kurdes des YPG "contre les menaces turques".
"On ne sait pas à quoi s'attendre, des informations contradictoires nous parviennent tous les jours", dit en colère Mohammad al-Mohammad, venu vendre ses légumes au marché de Manbij, ville du nord de la Syrie située à 30 km de la frontière turque. "On dit que les Turcs vont entrer ou peut-être les forces du régime (syrien), on dit aussi que les forces kurdes sont parties", ajoute à l'AFP ce jeune marchand ambulant de 22 ans. "On ne sait rien du tout".
La vie semblait samedi suivre son cours dans la ville au lendemain d'une mobilisation sécuritaire, un correspondant de l'AFP ayant observé vendredi les forces locales vérifier les identités de toute personne entrant dans Manbij, inspectant également les voitures. Des véhicules avec des mitrailleuses Douchka étaient déployés dans les rues principales et les places publiques, ainsi que des hommes masqués et lourdement armés faisant partie des combattants arabes et kurdes des Forces démocratiques syriennnes (FDS), a-t-il constaté.
L'armée syrienne a annoncé vendredi être entrée dans la région de Manbij à la demande des Unités de protection du peuple (YPG, principale milice kurde de Syrie), qui dominent les FDS déployées dans la zone.
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La Turquie a dénoncé le déploiement des forces de Damas estimant que les forces kurdes n'avaient "pas le droit" de faire appel à elles et mettant en garde contre toute "provocation". Ankara considère les YPG comme des "terroristes" et menace depuis la mi-décembre de lancer une nouvelle offensive pour chasser les forces kurdes de secteurs proches de sa frontière.
"Peu importe qui contrôle notre ville, je veux juste qu'on puisse aller travailler chaque matin et rentrer chez soi tous les soirs sans avoir à s'inquiéter", affirme Mohammad, vêtu d'un tablier marron, et dont le visage porte des traces de brûlures. "Les gens ont peur, personne ne sait ce qu'il va se passer, certains préparent leur départ, d'autres s'enferment chez eux", ajoute le jeune homme, lui aussi venu au marché de Manbij vendre ses légumes.
Selon Noura al-Hamed, responsable locale à Manbij, les négociations avec le pouvoir ont eu lieu "sous l'égide de la Russie". "Les forces du régime ne vont pas entrer dans la ville, elles vont se déployer sur la ligne de démarcation" séparant Manbij des territoires pro-Ankara, a-t-elle dit vendredi. Samedi, le correspondant de l'AFP n'a rien vu pouvant signifier que l'armée syrienne était dans la ville.
Il a cependant vu une patrouille de la coalition internationale composée de quatre camions blancs circulant derrière un véhicule blindé américain stationnés à l'entrée de la ville. Il a également fait état de blindés et de voitures de la coalition garés dans le centre de Manbij. La coalition internationale emmenée par les Etats-Unis stationne des troupes dans et autour de Manbij, notamment américaines et françaises, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Selon le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, la coalition n'a pas de présence dans les zones où l'armée syrienne s'est déployée.
Des dizaines d'habitants se sont rassemblés dans la matinée sur la place centrale de Manbij pour dénoncer les menaces turques. "Nous voulons dénoncer les menaces et les provocations quotidiennes d'Erdogan", le président turc, explique à l'AFP Oussama Rabih, un habitant de Manbij âgé de 33 ans. "Nous préférons le gouvernement syrien plutôt que la Turquie qui est un envahisseur, alors que la Syrie reste la mère patrie et nous restons un peuple uni", assure-t-il.
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L'état syrien et son armée héroïque sous la gouvernance du héros Bachar al Assad est partout chez elle dans la limite de ses frontières. Par conséquents le héros est en droit de chasser tout envahisseur, fut il américain israélien francais anglais ou turc. Il se reserve aussi le droit de conserver à l'intérieur de ses frontières ses alliés et amis qui l'ont aidé dans cette tâche.
22 h 28, le 30 décembre 2018