Rechercher
Rechercher

Campus - ÉCHANGES UNIVERSITAIRES

Pourquoi les jeunes étrangers adorent étudier au Liban

Alors que les Libanais s’exilent pour étudier à l’étranger, de plus en plus de jeunes étrangers choisissent le Liban pour poursuivre leurs études. Ils racontent leur expérience, leur premier choc, leur adaptation et leur attachement à notre pays.

Axel Maugendre.

Axel Maugendre, un Français de 24 ans, au Liban depuis 2014 pour ses recherches sur les minorités religieuses dans la région du monde arabe.

« Je ne connaissais strictement rien du Liban, ni l’histoire de ce pays ni sa culture. Je ne savais même pas que les cèdres existaient au Liban. C’est dire mon ignorance sur ce pays. Alors pourquoi l’avoir choisi ? Parce que, avec ses 18 communautés qui cohabitent ensemble, ce pays francophone répondait parfaitement à ma thèse de recherche sur les druzes au Liban et sur les minorités religieuses dans la région du monde arabe.

En arrivant, j’ai eu un choc, mais très positif. J’ai découvert une culture, une histoire et un peuple accueillant et ouvert. Je ne m’attendais pas du tout à cela, surtout que l’on nous parle toujours de cette région, à hauts risques, avec beaucoup d’appréhension. J’ai été touché par la gentillesse des gens et le même sourire que je trouve partout, qui fait chaud au cœur, et qu’on retrouve rarement ailleurs. Je suis également fasciné par le dynamisme des Libanais, leur esprit d’initiative, leur capacité à trouver toujours des ressources et des solutions à court ou moyen terme pour s’en sortir. Mais ce qui m’a surtout frappé, c’était cette facilité qu’ont les Libanais de mixer les trois langues. Et ça, c’est hallucinant pour nous étrangers qui ne possédons qu’une seule langue, à la limite l’anglais. Même mes petits élèves, à l’école où j’enseigne actuellement, manipulent l’arabe, l’anglais et le français avec beaucoup d’aisance.

Évidemment, beaucoup de choses me désolent, comme le désespoir des gens et leur vision négative de leur pays, qu’ils voient plus noir qu’il ne l’est. Il y a un dégoût et un rejet envers l’avenir de leur pays qui m’attristent énormément. C’est très dur d’entendre cela d’un pays que j’apprécie beaucoup. Mais, après quatre années passées dans ce pays, que je n’arrive pas à quitter, je comprends mieux tout cela. C’est dire combien j’y suis attaché. »


Randa Bounaim, 23 ans, Belge, poursuit un stage et complète sa 3e année en soins infirmiers à l’Université antonine.

« Les jeunes sont toujours étonnés lorsqu’ils apprennent que nous avons choisi le Liban pour poursuivre nos études. Ils ne comprennent pas. Pour eux, l’Europe c’est le monde magnifique et le Liban, un pays nul où il n’y a rien à faire. Et moi je ne suis pas d’accord. Il y a énormément de choses à faire et beaucoup d’initiatives privées et de projets, qui sont entrepris par les jeunes en particulier et les Libanais en général. Et ça c’est extraordinaire.

J’avais déjà entendu parler du Liban dans l’actualité. Ce pays m’intéressait pour son histoire et sa culture différente de l’Europe et que j’avais envie de découvrir. À mon arrivée en septembre, j’ai été touchée par l’accueil chaleureux des Libanais. Je me suis sentie immédiatement en sécurité, contrairement à ce que l’on raconte sur ce pays et ses dangers à l’extérieur.

Comme je me suis beaucoup baladée dans Beyrouth à pied, les premiers temps, beaucoup de choses me choquaient, comme par exemple : la vue des militaires et leurs chars postés à tous les coins de rue de la ville, tous ces bâtiments affectés par la guerre, la pollution, la saleté et la pauvreté dans certains endroits, ces coupures d’électricité. J’étais désorientée la première fois que le courant s’était coupé, surtout que les autres poursuivaient leur conversation comme si rien ne s’était passé. Pour les Libanais, cela fait partie du quotidien, mais pour nous, c’est quand même hallucinant.

Comme je viens dans le cadre d’un échange interuniversitaire entre ma faculté, l’Institut supérieur d’enseignement infirmier (ISEI) Parnasse en Belgique et l’Université antonine, via le programme Eramsus-FAME, tout est programmé pour que notre formation soit complète entre les deux universités. J’ai pris un cours sur la santé familiale qui n’existe pas en Belgique. J’ai entrepris un stage dans un hôpital de la ville où j’ai appris une autre façon de faire.

Il y a une chaleur humaine que l’on ne retrouve pas en Europe. Dans le village que j’avais visité à Mina, à Tripoli, il y a une pauvreté incroyable. Mais tous les enfants et les personnes avaient le sourire, et ne demandaient qu’une chose, nous accueillir et nous offrir à manger. Et cela, on ne le retrouvera jamais, ni en Europe ni en Belgique. »


Matthieu Duplay, 23 ans, Français, poursuit son mémoire sur la géopolitique du gaz en Méditerranée orientale à l’USJ.

« Je voulais partir loin de la France à l’étranger, et plus particulièrement au Moyen-Orient. Et le Liban était le seul pays avec lequel mon école catholique, à Lille, pouvait créer un partenariat. En arrivant, j’ai été subjugué par ce pays, que je trouve exceptionnel. Le Liban est cent fois plus petit que la France, mais il y a une richesse culturelle extraordinaire, un mélange et un vrai dialogue entre les diverses religions que l’on trouve rarement ailleurs, contrairement à ce que l’on pense. Même les cours que j’ai eus à l’École d’ingénieurs de Beyrouth à l’USJ étaient absolument exceptionnels. Les étudiants avaient un niveau académique impressionnant, et parlent couramment au moins deux langues. Ce qui est incroyable ! Je ne m’attendais pas à cela pour être honnête. Je pensais qu’en arrivant ici, ce serait une partie trop facile. Or j’ai été pris de court. Il a fallu que je travaille beaucoup pour m’adapter au niveau.

Je ne dis pas que la mentalité libanaise est géniale tout le temps. Ce qui m’a offusqué par exemple à l’université, c’est ce peu d’esprit de cohésion entre les étudiants. Il y a une orientation politique que je ne comprends pas. Beaucoup d’élèves s’évitent à cause de leur appartenance politique différente. J’ai été choqué également par les déchets, la saleté, les gens qui jettent les papiers par la fenêtre, le trafic qui est absolument insupportable, ainsi que les transports en commun qui n’existent presque pas au Liban.

Je suis à la fois très triste pour le Liban de le voir dans cet état là, mais j’ai par ailleurs un espoir très grand quand je vois le trésor qui existe dans cette ville. Et ça je le dis à tous les Libanais qui veulent étudier à l’étranger. J’aurais adoré travailler au Liban. Je finirai par le faire certainement dans deux ans. Malheureusement, j’avoue que les salaires des ingénieurs ne font pas rêver. Mais j’ai connu beaucoup de chefs d’entreprise qui sont restés au Liban et qui veulent vraiment garder les cerveaux des personnes éduquées dans ce pays parce qu’ils veulent en quelque sorte le faire ressusciter. Et c’est cela qui rassure et donne confiance. »


Marie Hargot, Belge, 22 ans, poursuit un stage et des cours en soins infirmiers à l’Université antonine.

« En arrivant au Liban, je ne m’attendais à rien. Personne à l’extérieur ne connaît vraiment bien ce pays et ce n’est pas une destination très prisée par les étudiants, pas en Belgique dans tous les cas. Mais comme j’ai toujours été très attirée par le Moyen-Orient et que notre université en Belgique, l’Institut supérieur d’enseignement infirmier (ISEI) Parnasse, avait fait des contrats pour des échanges universitaires, avec notamment l’Université antonine au Liban, j’ai sauté sur l’occasion et je me suis inscrite.

J’avais entendu dire que la religion était fort visible au Liban. Comme je suis croyante et pratiquante, je voulais vivre et découvrir cela par rapport à ma foi ! Et en arrivant au Liban, j’ai été très touchée par ce que j’ai vu. Il y a une foi visible partout, contrairement à la Belgique, où on ne peut pas vivre sa religion comme on l’entend. Ici, il y a une ouverture et une tolérance envers la religion qui est extraordinaire : les gens portent des croix, des chapelets pendent dans les taxis, souvent on entend le muezzine en même temps que les cloches sonner. En un mois de temps on se sent transformé et grandi par ce que l’on vit ici.

Même à l’université, il y a une autre approche qu’en Belgique. Là-bas nous sommes dans de grands amphithéâtres avec une centaine d’élèves, alors qu’ici les classes sont plus petites. L’université nous donne envie d’apprendre et nous pousse à nous impliquer. On entreprend beaucoup de projets, des événements sportifs et culturels. C’est très formateur et ça nous donne envie de nous investir plus dans le monde. Même dans le cadre de mon stage à l’hôpital j’ai appris à développer une autre communication avec les patients qui ne parlent pas la même langue, juste par le regard ou la main que l’on prend et que l’on serre. Et c’est tellement touchant !

Évidemment certaines choses choquent au Liban, comme par exemple la circulation et le chaos au niveau des transports en commun, où c’est très difficile de se déplacer. Mais on finit par s’y adapter, à tel point que j’ai décidé de passer Noël au Liban. Déjà tout le monde veut m’inviter. Et c’est cela qui est extraordinaire dans ce pays ! »


Akhesa Moummi, 22 ans, Belge également, prépare son master sur la laïcité dans les écoles françaises au Liban, notamment sur le Grand Lycée franco-libanais.

« Comme j’avais vraiment envie de travailler sur le monde arabe et que l’USJ était la seule université au Moyen-Orient qui avait un échange d’étudiant avec l’Institut catholique de Paris, j’ai sauté sur l’occasion, je me suis inscrite il y a deux ans, j’ai passé six mois en échange au Liban. Et là j’y suis retournée cet été pour poursuivre mon master. C’est dire combien j’ai aimé ce pays. Je n’avais pas de réelles attaches au Liban. Mais ce que l’on racontait dans les médias de ce pays “à la croisée de l’Orient et de l’Occident”, m’attirait beaucoup. J’avais vraiment envie de mieux le connaître.

J’avoue que lorsque je suis arrivée, la première chose qui m’a frappée, c’était le bruit, le chaos de cette ville, la circulation si dense et insupportable. C’était vraiment oppressant. J’ai décidé alors de marcher dans la ville pour mieux la connaître et aller à la rencontre des gens. Et là, j’ai adoré. Je me suis vite sentie à l’aise. J’ai senti une douceur de vivre chez ces gens dans ce qu’ils font dans leur quotidien qui fait chaud au cœur. Les gens prennent le temps de s’asseoir, de discuter les uns avec les autres. Ils vous offrent le café même lorsqu’ils ne vous connaissent pas. À Paris les gens sont toujours pressés. Ils courent beaucoup et je trouve qu’il est beaucoup moins difficile de vivre au Liban qu’à Paris. Ici la ville est plus petite. On peut tout faire à pied, marcher, prendre le temps de mieux connaître la ville, la métamorphose de son architecture qui a beaucoup évolué avec le temps. Mais malgré l’anarchie des bâtiments, il y a un charme dans cette ville.

Même mon expérience à l’université, il y a deux ans, était très enrichissante. J’ai eu la chance d’avoir des profs à l’USJ qui prenaient vraiment le temps de tout nous expliquer, de nous faire découvrir cette région et de nous ouvrir les yeux sur ce monde tellement différent. Une vraie richesse que je n’avais pas trouvée en Occident. Et c’est grâce à mon expérience au Liban, aujourd’hui, que j’ai décidé de me lancer dans la recherche. J’ai donc choisi comme sujet de mémoire La notion de la laïcité des enfants libanais qui ont choisi d’aller dans ces écoles françaises. Une occasion de revoir ce pays, si paradoxal, mais si attachant. »



Lire aussi

« Notre but est de permettre aux étrangers de voir le Liban sans préjugés ni stéréotypes »

Ce Liban qui subjugue et intrigue !

Axel Maugendre, un Français de 24 ans, au Liban depuis 2014 pour ses recherches sur les minorités religieuses dans la région du monde arabe. « Je ne connaissais strictement rien du Liban, ni l’histoire de ce pays ni sa culture. Je ne savais même pas que les cèdres existaient au Liban. C’est dire mon ignorance sur ce pays. Alors pourquoi l’avoir choisi ? Parce que, avec ses 18...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut