De la fumée s’échappant d’une colline surplombant Damas, hier, après des raids attribués à l’aviation israélienne. Omar Sanadiki/Reuters
Moins d’une semaine après l’annonce du président américain Donald Trump du retrait définitif de ses troupes de Syrie, l’aviation israélienne a bombardé mardi soir des sites près de Damas, selon les médias syriens. Selon l’agence officielle SANA, citant une source militaire syrienne qui a fait état de trois soldats blessés, la défense antiaérienne de l’armée syrienne est entrée en action mardi contre des « missiles » tirés par des avions israéliens sur des cibles près de la capitale. La « majorité » de ces missiles ont été interceptés avant d’atteindre leurs cibles, souligne l’agence qui mentionne toutefois des « dégâts » dans un entrepôt de munitions. De son côté, l’armée israélienne a indiqué sur Twitter que son « système de défense aérienne a été déclenché contre un missile antiaérien lancé depuis la Syrie », et a assuré qu’« aucun dommage ou aucune victime n’ont été rapportés » à la suite de ce tir. D’après le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les trois cibles visées par le raid israélien sont en fait des « entrepôts d’armes (...) appartenant au Hezbollah ou aux forces iraniennes ».
De vives inquiétudes ont gagné le camp israélien après l’annonce choc du retrait américain de Syrie, l’État hébreu redoutant plus que tout que l’Iran, son ennemi numéro un, n’ait désormais le champ libre pour y accroître sa présence. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a toutefois tenu à rassurer l’opinion israélienne en déclarant la semaine dernière que « la décision de retirer les 2 000 soldats américains de Syrie ne changera pas la cohérence de notre politique ». « Si besoin, nous élargirons même nos actions là-bas », a-t-il martelé. « Ces dernières attaques visent à envoyer un message à la fois à Moscou, Damas et Téhéran : malgré le retrait américain, Israël garde sa marge de manœuvre et continue de défendre ses intérêts », explique Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn, contacté par L’Orient-Le Jour. Le chef d’état-major israélien avait estimé que, bien que le retrait américain constitue un « événement significatif », celui-ci ne devrait « pas être surestimé ». « Nous gérons seuls ce front (syrien) depuis des décennies », a-t-il argumenté.
(Lire aussi : Raids israéliens en Syrie : "Le Liban a échappé à une catastrophe", selon Fenianos)
Message pour Moscou
Si la responsabilité israélienne était confirmée, il s’agirait de la deuxième série de frappes menées ce mois-ci en Syrie. Selon l’OSDH, les cibles visées mardi se trouvent dans les secteurs de Dimas, Kessoua, ou encore Jamraya, des régions à l’ouest et au sud-ouest de Damas où des raids israéliens ont été rapportés par le passé. Le 1er décembre, l’État hébreu avait en effet pris pour cible la région de Kessoua, ainsi qu’en mai dernier, ces raids ayant causé la mort de combattants des gardiens de la révolution, les forces d’élite du régime iranien, et des miliciens chiites pro-iraniens.
Israël a effectué ces dernières années, et particulièrement depuis 2017, de nombreuses frappes en Syrie contre le régime de Bachar el-Assad, et plus particulièrement contre ses alliés iranien et libanais, afin de les empêcher de renforcer leur présence sur le terrain. Benjamin Netanyahu comptait beaucoup sur la nouvelle administration Trump, avec qui il se trouvait sur la même ligne sur le dossier iranien, pour l’aider à endiguer l’expansion de la République islamique en Syrie. « La coopération entre Israël et les États-Unis après le retrait va très certainement se poursuivre, mais sa valeur (aux yeux des Israéliens) va, elle, s’amoindrir. Sans la présence de forces américaines (au sol et dans les airs), les renseignements potentiels que peut fournir Washington seront de bien moindre qualité », analyse Michael Horowitz.
Face au désengagement de son allié, Israël devrait se tourner vers Moscou s’il veut maintenir sa stratégie, malgré les multiples promesses vaines de ce dernier de faire pression sur Téhéran. « Les raids de mardi sont également un message qui vise aussi spécifiquement la Russie, dont Israël dépend maintenant particulièrement », estime le chercheur. Leur coopération dans l’espace aérien syrien pourrait être amenée à s’accroître, de nombreux raids aériens israéliens ayant, par le passé, été effectués en étroite coopération avec Moscou, allié de Damas, qui estime officiellement « légitime » la présence iranienne en Syrie. Après le crash d’un avion de reconnaissance russe le 18 septembre dernier, abattu par un système de missiles S-200 de l’armée syrienne, lors d’une opération aérienne israélienne à Lattaquié, les relations entre les deux pays s’étaient gravement refroidies. Ces tensions n’avaient pas empêché l’État hébreu de reprendre ses attaques, après une pause de deux mois, tout en évitant de s’aventurer de nouveau dans la maison russe en Syrie.
Avions de ligne
La nouvelle série de frappes effectuée mardi soir est venue jeter davantage de l’huile sur le feu. La Russie a accusé hier Israël de « violation grossière de la souveraineté » de la Syrie et fait part de sa « plus grande préoccupation » devant ces frappes. Selon le magazine en ligne Newsweek, citant une source du département d’État américain, plusieurs hauts cadres du Hezbollah auraient été touchés par les raids israéliens. « La frappe aérienne israélienne a eu lieu quelques minutes après que les dirigeants du parti chiite se sont embarqués dans un avion à destination de l’Iran », écrit le journal américain. L’attaque, réalisée selon l’armée russe en survolant le territoire libanais, « s’est produite au moment où deux avions de ligne non russes s’apprêtaient à atterrir aux aéroports de Beyrouth et de Damas », a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, dans un communiqué. « Il n’est pas clair que l’un de ces vols transportait des membres du Hezbollah, ou que ceux-ci étaient bien la cible des frappes israéliennes », ajoute Michael Horowitz.
Selon la diplomatie russe, les frappes auraient « de nouveau été effectuées par l’armée israélienne “sous la protection” des avions de ligne », a poursuivi la diplomatie russe. Au lendemain du crash de son avion en septembre, Moscou avait accusé les pilotes des F-16 israéliens d’avoir délibérément mis en danger son avion en se camouflant dans le signal radar de ce dernier et le plaçant ainsi « sous le feu de la défense antiaérienne syrienne ». Une version aussitôt contestée par l’État hébreu.
Réagissant aux nouvelles accusations russes, Benjamin Netanyahu a réaffirmé qu’Israël ne permettra pas un enracinement iranien en Syrie. « Nous prenons des mesures pour y faire face avec des frappes continues, y compris ces jours-ci », a-t-il déclaré lors d’une cérémonie de remise des diplômes de l’armée de l’air israélienne. « L’activité aérienne n’a jamais été aussi importante dans l’histoire du Moyen-Orient. Les avions montent et descendent, décollent et atterrissent, atteignent des théâtres proches mais aussi des très, très lointains », a-t-il fait allusion.
Empêcher l’établissement de bases pro-iraniennes et de dépôts de munition est l’objectif des Israéliens, qui craignent que des avions de ligne commerciaux ne soient utilisés pour réapprovisionner le Hezbollah à partir de l’aéroport de Damas. Le départ prochain des troupes américaines, notamment celles présentes dans la base militaire de Tanaf dans le Sud syrien, a de quoi inquiéter les Israéliens, qui comptait sur Washington pour éviter aux milices iraniennes, présentes non loin, d’établir un corridor chiite reliant Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth.
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commentaires (5)
FAUT VRAIMENT CROIRE EN LE PERE NOEL POUR AVALER CELA. israel ne peut que compter sur lui-meme dorenavant ! et les USA, L'Europe ET la Russie qui laisseraient faire ????? FAUT VRAIMENT , MAIS VRAIMENT ETRE .........
Gaby SIOUFI
14 h 17, le 13 janvier 2019