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À La Une - Environnement

Écologie, économie: à jamais ennemies ?

"Il n'y a pas de contradiction fondamentale" entre les deux, assure à l'AFP Mireille Chiroleu-Assouline, professeure à la Paris School of Economics.

Des manifestants lors d'une marche pour le climat, le 8 décembre 2018 à Katowice en Pologne. Photo AFP / Janek SKARZYNSKI

Assurer la transition écologique sans nuire à l'économie: au-delà des frontières de la France, qui vient d'annuler la hausse de la taxe carbone sur les carburants prévue au 1er janvier, l'équation se pose dans de nombreux pays.

Pourtant, "il n'y a pas de contradiction fondamentale" entre les deux, assure à l'AFP Mireille Chiroleu-Assouline, professeure à la Paris School of Economics. "Mais il y a des contraintes budgétaires qui existent pour les ménages", complète Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), avant d'ajouter que "si la fiscalité écologique n'est pas accompagnée et compensée, notamment sur la question du pouvoir d'achat, elle devient difficilement acceptable".

Si cette question du pouvoir d'achat est un des moteurs du mouvement des "gilets jaunes" qui agite l'Hexagone depuis plus de 20 jours, celle de sa conciliation avec les enjeux écologiques dépasse largement le débat français.

En témoigne la tenue de la COP24 en Pologne, un pays signataire des accords de Paris mais dont l'économie dépend encore très largement du charbon.

Selon les projections des experts de l'Institut des recherches structurelles de Varsovie, la part du charbon dans la production d'électricité devrait tomber à 39% en 2030 pour respecter les objectifs climatiques fixés par l'accord de 2015.

Or, la Politique énergétique de l'État présentée le 23 novembre par le ministre de l'Énergie Krzysztof Tchorzewski envisage qu'à cette date, 60% de l'énergie électrique soit encore produite à partir du charbon (contre 80% en 2017).

"L'intérêt politique à court terme prime, les décisions difficiles sont repoussées à plus tard", déplorait fin novembre Marek Jozefiak, expert du charbon à la fondation Greenpeace.

Son raisonnement s'applique de manière encore plus évidente aux États-Unis, où la politique environnementale de Donald Trump est gouvernée par la volonté de défaire méthodiquement le bilan de son prédécesseur en la matière afin, plaide le président américain, de ne pas entraver la vitalité de l'économie.


(Lire aussi : Dans la Békaa, un nouveau mode d’agriculture responsable s’installe)


"Court terme"

Parmi les grandes décisions de l'ère Trump, outre la sortie américaine de l'Accord de Paris, figurent en bonne place l'annulation d'un plan antipollution visant les centrales au charbon et le lancement d'une procédure pour assouplir des normes antipollution visant les voitures après 2025.

"C'est une opposition entre un raisonnement de court terme et un raisonnement de long terme", analyse pour l'AFP Xavier Timbeau, de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Le directeur principal de l'OFCE juge d'ailleurs cette logique paradoxale: "Si on évite l'investissement dans l'environnement, le coût sera bien plus considérable que ce que ça coûterait aujourd'hui d'éviter le changement climatique".

Pour M. Timbeau, trois facteurs expliquent les arbitrages défavorables à l'environnement que peuvent faire les autorités françaises et étrangères: "Une forme d'insouciance et de procrastination, une forme d'égoïsme - on ne sait pas comment répartir le fardeau (de la transition écologique) - et la +brutalité+ des mesures que doivent adopter les chefs d'État et de gouvernement pour faire +changer les comportements+".

Ladite brutalité serait d'autant plus fortement ressentie qu'elle viendrait "se +collisionner+ avec les inégalités économiques, qui ont violemment augmenté au cours des vingt à trente dernières années", poursuit M. Timbeau. D'où la "peur" d'un certain nombre de gouvernements à agir, "qui vient alimenter la procrastination" précédemment évoquée.

Malgré le "recul" environnemental mis en avant par M. Plane depuis la signature des accords de Paris, son confrère de l'OFCE juge "inévitable" l'évolution des politiques et des comportements. "On ne peut pas dire qu'il n'y ait pas une prise de conscience en France" par rapport à la nécessité de la transition écologique, confirme M. Plane. Reste à savoir "qui la finance, comment on la rend incitative, comment tout le monde peut y trouver un intérêt", énumère-t-il. 

Entre autres pistes envisageables, Mme Chiroleu-Assouline avance ainsi l'idée de "mesures mises en place à fiscalité inchangée", citant l'exemple de la Suède et du Canada, où un projet de loi en ce sens est en discussion.


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