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Liban - Trois questions à...

Salah Honein : Le marasme, fruit de la présence de tout le monde au pouvoir

Salah Honein. Photo d’archives L’OLJ

À l’heure où le processus de la formation du gouvernement est bloqué et où les efforts de médiation entrepris par le chef du CPL, Gebran Bassil, marquent le pas, des questionnements se posent sur le point de savoir où résident les causes de l’impasse. L’Orient-Le Jour a demandé au juriste Salah Honein quelles sont les raisons, selon lui, qui empêchent le cabinet de voir le jour, et plus généralement pourquoi il est légitime de penser que même si ce cabinet est mis sur pied, il risque d’être infructueux.

Pourquoi le gouvernement tarde-t-il autant à être formé ?

La raison première réside dans le fait que l’accord de Taëf n’a pas attribué à l’un ou l’autre des deux pôles du pouvoir exécutif la capacité de trancher individuellement. Depuis 1990, la Constitution donne ainsi au président de la République et au Premier ministre désigné des prérogatives égales quant à la formation du gouvernement. À ce dernier de mener les consultations parlementaires, et au chef de l’État d’annoncer la naissance du cabinet par un décret émis avec l’approbation du Premier ministre. Or ce pouvoir partagé est un outil qui affaiblit les chances de trancher plutôt que de les renforcer.

S’il voit le jour, le cabinet pourrait-il être productif ?

Comment pourrait-il l’être s’il inclut à nouveau l’ensemble des forces politiques ? Celles-ci vont encore tenter de se neutraliser ou de concocter des arrangements et compromissions au détriment de l’intérêt du pays. L’attachement à un gouvernement d’union nationale n’est pas conforme à l’accord de Taëf qui avait prévu cette forme uniquement pour la première équipe ministérielle née après l’amendement de la Constitution, dans l’objectif de réaliser les réformes politiques prévues par le texte, telles la suppression du confessionnalisme et la décentralisation administrative.

Le problème est que d’une part ce premier gouvernement d’union nationale n’avait pu accomplir ces changements, et que d’autre part l’habitude a été prise de rassembler au sein de chaque cabinet des représentants de toutes les formations. Cet usage a supprimé le principe de la dualité majorité/opposition, base de tout régime démocratique parlementaire, éliminant par là même tout pouvoir de contrôle et de reddition de comptes, et favorisant les torpillages et les partages de parts.


(Lire aussi : Gouvernement : souci affiché de calmer le jeu


Quelles sont les autres sources du marasme politique dans lequel se débat l’État ?

La Chambre des députés a pris la fâcheuse décision de soumettre l’élection du président de la République à l’exigence d’un quorum des deux tiers des membres du Parlement pour tous les tours électoraux. Cette condition non conforme à la Constitution empêche pratiquement qu’un chef de l’État soit élu à partir du deuxième tour à la majorité absolue (moitié plus un) des députés, et impose la nomination plutôt que l’élection du président. Nous retrouvons là le même problème dû à l’absence de l’équation majorité/minorité, qui interdit au chef de l’État de mener à bien sa mission avec le soutien d’une majorité parlementaire.

Un autre facteur de ce marasme sont les élections législatives à travers lesquelles les différentes formations politiques ont pu s’allier dans des circonscriptions et rivaliser dans d’autres, ce qui leur a fait oublier tout discours et projet politiques, et a encore une fois exclu le système majorité/minorité, et partant le système gouvernement/opposition.

À cause de toutes ces failles, notre système parlementaire a cédé la place à une dictature multipartite composée de formations qui se disputent entre elles les quotes-parts et s’imposent aux Libanais en les dépouillant de toute possibilité de les contrôler ou leur demander des comptes.


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À l’heure où le processus de la formation du gouvernement est bloqué et où les efforts de médiation entrepris par le chef du CPL, Gebran Bassil, marquent le pas, des questionnements se posent sur le point de savoir où résident les causes de l’impasse. L’Orient-Le Jour a demandé au juriste Salah Honein quelles sont les raisons, selon lui, qui empêchent le cabinet de voir le jour, et...

commentaires (6)

Le Liban commencera à penser aux moyens susceptibles de lui permettre d'éventuellement envisager de pouvoir un jour se rétablir, à une seule et unique condition : Se doter d'un gvt de 128 membres. Même plus si nécessaire, en restant toutefois dans les limites de l'inflation bien maîtrisée.

Remy Martin

21 h 51, le 05 décembre 2018

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Commentaires (6)

  • Le Liban commencera à penser aux moyens susceptibles de lui permettre d'éventuellement envisager de pouvoir un jour se rétablir, à une seule et unique condition : Se doter d'un gvt de 128 membres. Même plus si nécessaire, en restant toutefois dans les limites de l'inflation bien maîtrisée.

    Remy Martin

    21 h 51, le 05 décembre 2018

  • C'est une évidence. Taef neutralise le pays en quelque sorte. Nous savons parfaitement que trop de compromis dans un gouvernement, affaiblie celui-ci. Mais dans notre pays fondé sur le pluralisme confessionnel, avons nous d'autres choix si l'on veut respecter la représentativité de tous ? Il est de notre devoir imprratif de repenser toute notre construction politique, reinventer les instruments de stimulation de notre mode gestion du pays. Nous ne pouvons plus continuer ainsi car le monde à changé et notre système que nous pensions un modèle au monde et en réalité est en panne.

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 19, le 05 décembre 2018

  • Depuis l'Indépendance en 1943, le Liban, à l'instar des pays européens, était gouverné par une majorité et une opposition : Destour/Bloc national, Nahj/Helf etc. L'Accord de Taéf, en permettant au seul Hezbollah pro-iranien de garder ses armes même de les multiplier, a tout détruit. Depuis un certain temps, les amis de l'étranger de l'hinterland arabo-persique gouvernent le seul pays ex-démocratique de la région. Merci cher Salah Edouard Honein.

    Un Libanais

    12 h 58, le 05 décembre 2018

  • EN DEUX MOTS : C,EST LE BORDEL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 56, le 05 décembre 2018

  • En d’autres termes: le problème est insoluble donc la situation est catastrophique.

    Nadine Naccache

    07 h 19, le 05 décembre 2018

  • Salah Honein est un juriste, et pas n'importe lequel. Pourquoi sa voix n'est-elle pas entendue? Il a raison à 100, non, à 200%! Non seulement ces magouilles pour l'élection présidentielle ou la formation du gouvernement sont absurdes, au simple regard du bon sens, mais en plus inconstitutionnelles. Mais qui, dans les milieux du pouvoir, se préoccupe encore de la Constitution?

    Yves Prevost

    07 h 16, le 05 décembre 2018

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