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Liban - Décryptage

À Jahiliyé, le pire a été évité...

En quelques heures, samedi dernier, le Liban a failli basculer dans la guerre civile. La semaine écoulée avait été marquée par les déclarations de l’ancien ministre et chef du parti al-Tawhid, Wi’am Wahhab, d’abord sur la LBCI puis à travers des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Wahhab est connu pour son franc-parler et les chaînes de télévision se l’arrachent pour cette raison. Qu’on l’apprécie ou pas, l’homme sait faire monter le taux d’audience. Mais cette fois, il a sans doute frappé trop fort. D’ailleurs, spontanément ou non, la rue sunnite a réagi et pendant plusieurs jours les manifestations de protestation et les fermetures de route se sont multipliées dans plusieurs régions en signe de refus des propos de Wahhab. Au point que ce dernier a présenté publiquement des excuses dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux. Cela a paru insuffisant pour ceux qui ont estimé que leur dignité a été bafouée par les propos de Wahhab, et c’est dans ce but qu’une plainte a été déposée contre lui devant la justice.

L’affaire aurait pu en rester là. Mais au contraire, elle a débordé et les développements se sont précipités, mettant le pays au bord d’un conflit généralisé. L’envoi d’une force impressionnante formée de 40 véhicules militaires ayant à leur bord près de 150 hommes au village de Wi’am Wahhab, Jahiliyé, pour l’amener manu militari devant le juge samedi après 17h visait certainement à effrayer ce dernier. Logiquement, on ne mobilise pas une telle force un samedi en fin d’après-midi pour une simple notification judiciaire. Ce déploiement de force inexplicable a jeté le feu aux poudres et a été perçu comme une provocation par les partisans de Wahhab. Ces derniers ont immédiatement parlé d’une tentative d’élimination d’un opposant et ils ont réagi violemment. Qui est responsable de la balle qui a atteint Mohammad Abou Diab, causant sa mort ? L’enquête le dira, mais en attendant, les esprits restent surchauffés et la tension immense.


(Lire aussi : Noyautage communautaire, l’édito de Michel TOUMA)


Selon la version des partisans de Wahhab, il s’agissait réellement d’une tentative d’élimination politique, que ce soit par le biais d’une arrestation suivie d’une mise aux arrêts, ou par le biais d’un échange de tirs qui aurait causé des morts et des blessés, dont Wahhab lui-même. Toujours selon les partisans de l’ancien ministre, cette opération aurait été décidée en haut lieu et exécutée par le SR des FSI, volontairement un samedi en fin d’après-midi, c’est-à-dire en dehors des heures ouvrables, pour que l’ancien ministre reste en détention tout le week-end, car il est difficile d’atteindre le procureur un samedi soir et un dimanche pour obtenir une décision de relaxe. De plus, une partie des membres de l’unité du SR des FSI envoyée sur place était cagoulée, soit pour donner un air plus redoutable aux forces de l’ordre, soit parce qu’il y avait une mission cachée derrière l’objectif officiel. Ce qui est sûr, en tout cas, à ce stade, c’est qu’il s’agissait d’une véritable démonstration de force, contre le fief de Wahhab qu’il avait l’habitude de qualifier de « réduit imprenable et irréductible ».

Ce qui se voulait donc comme un scénario visant à humilier l’ancien ministre Wi’am Wahhab en l’emmenant de force devant les habitants de son village a failli se transformer en bain de sang. Car dès que l’officier porteur de la notification est arrivé devant la grille du domicile de Wahhab, les partisans de ce dernier se sont précipités, avec leurs armes, pour l’empêcher d’entrer et pour protéger leur chef. Reçu par un cheikh de la communauté qui lui a dit que Wahhab n’était pas à son domicile, le commandant de l’unité n’a même pas eu le temps de se retirer, puisque des tirs fournis ont commencé à se faire entendre. L’enquête officielle se chargera de déterminer qui a tiré en premier et d’où vient la balle qui a mis fin à la vie de Mohammad Abou Diab. Mais en attendant, le plus urgent était de calmer les esprits pour éviter un bain de sang.

C’est dans ce but que le Hezbollah a multiplié les contacts avec les différentes parties pour retirer l’étincelle qui pourrait mettre le feu aux poudres et pour donner une chance au retour au calme. En même temps, le Hezbollah a fait parvenir un message clair selon lequel il affirme qu’il n’acceptera pas que l’ancien ministre Wi’am Wahhab soit brisé, surtout que celui-ci a obtenu des résultats remarquables aux dernières élections législatives qui confirment une popularité peu négligeable. S’il a commis une faute, que la justice suive son cours normalement, mais non de façon arbitraire et partiale. Indépendamment des réserves que le Hezbollah pourrait émettre sur les déclarations de Wi’am Wahhab dans les médias, ce parti le considère comme un allié précieux et il trouve que le comportement des autorités est disproportionné en comparaison avec l’ampleur de la faute. À ses yeux, il ne s’agit plus d’une riposte à une diffamation supposée, mais d’un véritable règlement de comptes, ainsi que d’une volonté de provoquer un incident armé à Jahiliyé. Ce qui est, à ses yeux, inacceptable. Non seulement parce qu’il met en cause un de ses alliés, mais aussi parce que dans les circonstances actuelles, tout incident pourrait dégénérer et déborder, menaçant l’ensemble du pays en raison des susceptibilités confessionnelles.

Certains voient d’ailleurs dans l’incident de Jahiliyé un nouvel épisode destiné à déstabiliser le Liban au moment où il est fragilisé par l’absence d’un gouvernement en fonction, alors que d’autres préfèrent croire à une maladresse de la part des autorités judiciaires et sécuritaires. De l’avis général, le pire a été donc évité et au lieu d’être affaibli, Wahhab a bénéficié d’un vaste élan de solidarité, y compris de la part de l’émir Talal Arslane. La semaine de deuil décrétée à Jahiliyé devrait en tout cas permettre aux esprits échauffés de se calmer, ouvrant la voie à un règlement judiciaire, selon les dispositions de la loi.



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En quelques heures, samedi dernier, le Liban a failli basculer dans la guerre civile. La semaine écoulée avait été marquée par les déclarations de l’ancien ministre et chef du parti al-Tawhid, Wi’am Wahhab, d’abord sur la LBCI puis à travers des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Wahhab est connu pour son franc-parler et les chaînes de télévision se l’arrachent...

commentaires (10)

Le pire existe déjà !

Ado

08 h 00, le 05 décembre 2018

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Commentaires (10)

  • Le pire existe déjà !

    Ado

    08 h 00, le 05 décembre 2018

  • l'ETAT doit etendre son pouvoir sur toute l'etendue du territoire libanais … ET DEVRAIT AVOIR SEUL LE DROIT A LA VIOLENCE LEGITIME UN POINT C'EST TOUT !!! et si les grincheux se demandent encore comment se proteger d'israel c'est tres simple … que les détenteurs d'arsenals les livrent a l'armee et que les US essaient de les empecher

    Bery tus

    19 h 55, le 04 décembre 2018

  • Ma chère Scarlett . Avec tout cet attirail militaire des forces de l'ordre(SR ou FSI ) envoyé à jaheliyé , nous aurions libéré Chebaa ainsi que tous les territoires spoliés et occupés par Israël..

    Hitti arlette

    16 h 45, le 04 décembre 2018

  • Nous savons hélas trop bien que à "...l'enquête le dira..." il faut ajouter: ne le dira jamais ! Le parti divin et ses alliés feront tout pour protéger cet allié précieux 100% pro-Syrie, dont ils ont rapidement flairé tous les bénéfices qu'ils peuvent en tirer, vu sa personnalité ! Et lui, en recherche de gloire...il court...court pour les satisfaire, sacrifiant sans hésiter sa montagne libanaise et ses habitants ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 23, le 04 décembre 2018

  • COMMENT NOUS ATTENDRE A UN ABOUTISSEMENT POSITIF QUELCONQUE LORSQUE, JOURNALISTES, REPORTERS, DECRYPTEURS, ANALYSTES , ET AUTRES PSEUDO ....., MEDIA DE TTES SORTES,POLITICIENS, PARTIS POLITIQUES,GROUPEMENT COMPOSE DE N'IMORTE QUI ET DE N'IMPORTE QUOI , TOUT CE BEAU MONDE LA CONTINUE A : 1-TROUVER DES EXPLICATIONS/EXCUSES A N'IMPORTE QUEL VOYOU SANS MEME PRETENDRE AFFIRMER L'ACCUSATION DE CULPABILITE LANCEE PAR LES AUTORITES JUDICIARES, je cite "" les partisans de wahhab ont immédiatement parlé d’une tentative d’élimination d’un opposant et ils ont réagi violemment. "" 2-SANS VERGOGNE, oser AFFIRMER QUE- je cite "" le Hezbollah a fait parvenir un message clair selon lequel il affirme qu’il n’acceptera pas que l’ancien ministre Wi’am Wahhab soit brisé"", CONFIRMANT PAR CE LA NON PAS LE ROLE IMPORTANT DE HEZBOLLAH, MAIS SON ROLE DE MAITRE ABSOLU DU JEU-COMME SI CELA ETAIT NORMAL.

    Gaby SIOUFI

    10 h 34, le 04 décembre 2018

  • Cela conforte l'idee qu'il faut un boss dans ce pays. Un homme ou un groupe fort qui sait calmer tous ces excités.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 34, le 04 décembre 2018

  • Macaques....

    Tabet Karim

    09 h 14, le 04 décembre 2018

  • A JAHILIYÉ... C,ETAIT LA JAHILIYÉ ! UN POINT C,EST TOUT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 00, le 04 décembre 2018

  • Quand on manifeste avec une bandes armées dans la rue en tirant en l’air, on repond devant la justice. Point. Tout ceux qui le défendront sont tout bonnement incapable d’edifier un etat démocratique. Quand on met en avant ses convictions politiques pour justifier un comportement illegal alors on deviens minable et de surcroit devrait être traités comme des minables. Decidement cette generations n’a rien apprit de la guerre civile et sont prêt a y retourner pour les beau yeux de la Syrie. Merci qui?

    Thawra-LB

    04 h 58, le 04 décembre 2018

  • le titre devrait être: "le pire reste à venir". Happy décryptage!

    Wlek Sanferlou

    03 h 19, le 04 décembre 2018

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