Saad Hariri et Walid Joumblatt, samedi, à la Maison du Centre. Photo Dalati et Nohra
Au-delà des poursuites judiciaires opposant le Premier ministre désigné, Saad Hariri, au chef du parti al-Tawhid, Wi’am Wahhab, l’incident de Jahiliyé, survenu samedi dernier, ne saurait être dissocié de la crise politique actuelle née de l’impuissance à mettre sur pied un gouvernement. Certains observateurs estiment même que cette crise a pris une nouvelle, voire dangereuse dimension. Et pour cause : la pression effectuée, de la part de l’axe syro-iranien, à l’encontre de Saad Hariri s’est transposée dans la rue, longtemps considérée comme une importante ligne rouge à ne pas franchir. D’autant que les affrontements armés entre les SR des Forces de sécurité intérieure et des partisans de M. Wahhab sont intervenus à l’issue d’une campagne lancée par des ténors du 8 Mars contre le locataire de la Maison du Centre pour des motifs qui seraient liés à l’insistance du parti chiite à intégrer les députés sunnites prosyriens à la future équipe ministérielle. M. Wahhab devrait comparaître devant la justice pour être interrogé au sujet de ses récentes attaques verbales contre le Premier ministre. Les événements sanglants de Jahiliyé seraient donc une « tentative de briser Saad Hariri, mais aussi Walid Joumblatt », selon une source ministérielle du 14 Mars contactée par L’Orient-Le Jour.
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Perçus sous ce même angle, les propos tenus samedi par le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, depuis la Maison du Centre revêtent une importance capitale. Quelques heures après les affrontements, M. Joumbatt s’est entretenu avec Saad Hariri. Il en a saisi l’occasion pour réitérer son appui à l’État, mais surtout au Premier ministre désigné. « Je suis venu exprimer mon soutien à cette opération (des SR des FSI à Jahiliyé) parce qu’il est intolérable de continuer à menacer la sécurité du Chouf », a déclaré M. Joumblatt. Et d’ajouter : « Nous sommes favorables à toute mesure à même de consacrer la paix civile dans la Montagne. » « Il est temps que cette personne, tout comme les autres, arrête de menacer celle-ci », a encore dit le leader de Moukhtara, dans une allusion à peine voilée à Wi’am Wahhab.
C’est également dans ce cadre de soutien à Saad Hariri qu’il conviendrait de placer l’entretien hier du chef du gouvernement avec le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi, en sa qualité d’émissaire du leader des Forces libanaises, Samir Geagea. Était présent le ministre sortant de la Culture, Ghattas Khoury, conseiller politique de M. Hariri. S’exprimant à l’issue de l’entretien, M. Riachi a souligné l’importance de préserver la stabilité politique et de former le prochain gouvernement dans les plus brefs délais « afin de garantir cette stabilité et de redynamiser le pays, à condition que tout le monde, sans exception aucune, respecte les textes de lois en vigueur », comme il l’a déclaré.
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« Une irruption subite des agents syro-iraniens »
Mais par-delà la dimension strictement locale, le positionnement politique de Wi’am Wahhab confère aux incidents de samedi une coloration régionale liée, bien entendu, aux desiderata de l’axe syro-iranien. C’est du moins cette explication que présente à L’OLJ un ministre du 14 Mars. « C’est une irruption subite de tous les agents syro-iraniens au Liban », déclare-t-il sans détour, assurant qu’il n’est pas question que la sécurité de la Montagne se détériore. D’où les propos de Walid Joumblatt tenus à la Maison du Centre.
Le ministre sortant de l’Éducation, Marwan Hamadé, joint par L’OLJ, ne mâche pas ses mots. « Nous ne céderons pas la Montagne à Bachar el-Assad », assure-t-il.
Pour ce qui est des retombées de l’incident de Jahiliyé sur le processus ministériel, des milieux politiques estiment, via L’OLJ, qu’il s’inscrit dans la continuité des tentatives du parti de Hassan Nasrallah d’imposer la mise sur pied d’un gouvernement qui lui serait favorable.
Un gouvernement de pôles politiques
Sauf que les haririens persistent et signent : il n’est pas question de céder aux pressions du parti de Hassan Nasrallah. D’autant que les affrontements du Chouf sont « un incident provoqué pour donner à l’influence de l’Iran plus d’ampleur », pour reprendre les termes d’un proche du chef du gouvernement. À L’OLJ, il souligne que « si certains croient pouvoir pratiquer un chantage à l’encontre de Saad Hariri en déstabilisant la scène locale, ils se trompent ».
Pour l’ex-Premier ministre Fouad Siniora, c’est une autre conclusion qu’il conviendrait de tirer de la journée de samedi : une formule ministérielle de trente n’est plus viable. Selon lui, « il est grand temps de penser à mettre sur pied un cabinet restreint regroupant les pôles politiques pour régler toutes les crises du pays ».
Notons qu’à l’heure où tous les pôles du pouvoir se sont abstenus de commenter l’incident de Jahiliyé, dans une probable volonté de ne pas mettre de l’huile sur le feu, le chef du Parti démocrate libanais Talal Arslane s’en est violemment pris, via Twitter, à Walid Joumblatt. Mais il n’a pas pour autant soutenu expressément Wi’am Wahhab.
Quant au Courant patriotique libre, il dépêche aujourd’hui à Jahiliyé une délégation conduite par le ministre sortant de l’Environnement, Tarek el-Khatib, pour présenter ses condoléances au chef du parti Tawhid et à la famille de Mohammad Abou Diab (garde du corps de Wi’am Wahhab tué au cours des affrontements). La délégation rencontrera aussi Taymour Joumblatt, chef du Bloc démocratique, ainsi que Talal Arslane et le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri.
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commentaires (10)
Pauvre mon Liban quand j'habitais a Achrafieh ce n'était pas comme ça , ca a bien changé
Eleni Caridopoulou
17 h 33, le 03 décembre 2018