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Liban - Réfugiés

Proposition de loi de Bassil pour durcir les conditions d’entrée des étrangers

Le ministre des AE souligne que ce texte allie protection du territoire et traitement « humain » des clandestins. Mais pourrait-il aboutir à un refoulement massif des réfugiés ?

Le ministre Bassil signant la proposition de loi. Photo ANI

La veille de la fête de l’Indépendance a été choisie sciemment par le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, pour annoncer sa signature au bas d’une proposition de loi visant à organiser l’entrée, le séjour et la sortie des ressortissants étrangers au Liban. La proposition contient des amendements de plusieurs articles de la loi initiale datant de 1962, ainsi que du texte amendé de 2000. M. Bassil a insisté sur le fait que cette proposition allie « fermeté dans la protection de la souveraineté, et respect des droits de l’homme ». Il a cependant souligné la nécessité d’un tel texte, « à un moment où les grands flux migratoires ont exacerbé les cas humanitaires, notamment avec la présence d’un million et demi de réfugiés syriens sur notre sol ».

Les amendements de la loi initiale sont au nombre de sept. Le plus important, selon le ministre, est la prérogative que se donne l’État libanais, par le biais de la Sûreté générale (SG), « de rapatrier immédiatement tout étranger entré illégalement sur le territoire libanais, et considéré comme représentant un danger pour le pays ». Dans ce cadre, le directeur général de la SG aura la prérogative de faire une telle estimation, et devra en notifier le ministre de l’Intérieur en lui fournissant les arguments nécessaires.

Le texte de la proposition de loi fait la différence entre les étrangers clandestins et ceux dont les papiers ne sont plus en règle. Dans ce cadre, un autre amendement majeur est celui de la création de centres d’accueil temporaires relevant de la SG, pour les étrangers dont les papiers ne sont plus en règle, ce qui est selon le ministre plus humain que de les envoyer en prison. Troisièmement, tout étranger qui n’a pas de moyens pécuniaires sera exempté des taxes qu’il devrait normalement verser à l’État.

L’un des amendements les plus marquants est l’article qui prône un renforcement des sanctions contre les contrebandiers et les trafiquants d’êtres humains, considérant leurs actions comme des crimes plutôt que des délits, avec des pénalités allant de trois à sept ans de prison, et des amendes allant de 10 à 20 millions de livres libanaises. Ces amendes seront employées à la création des centres d’accueil, selon le ministre.

Le cinquième amendement affecte toute personne hébergeant un immigré clandestin en connaissance de cause, et qui sera passible d’être jugé pour délit. Sixièmement, le droit à un jugement équitable sera assuré aux occupants des centres d’accueil. Enfin, le dernier amendement cible les employeurs qui emploient des étrangers de manière illégale, et qui encourent dorénavant des amendes de trois à sept millions de livres, ainsi que des peines de prison. Une mesure destinée, selon M. Bassil, à protéger le travailleur libanais.


(Lire aussi : Le pape remercie le Liban pour "pour son généreux accueil" des déplacés)



Un glissement vers le refoulement ? ...

Prié par L’Orient-Le Jour de commenter cette proposition de loi, Ziad el-Sayegh, expert en politique publique et en réfugiés, souligne d’emblée que le sujet est « complexe ». Il note les points positifs, tout comme les insuffisances de ce texte, notamment en l’absence de deux mesures qui auraient dû précéder une telle proposition de loi, afin d’en faire une politique complète. Ainsi, il aurait fallu selon lui amender en priorité la loi sur le travail des étrangers, étant donné que beaucoup de travailleurs clandestins de diverses nationalités continuent d’attendre l’occasion adéquate pour régulariser leur situation. L’autre mesure devrait être l’adoption d’une politique générale qui organiserait le marché de travail, absente aujourd’hui, et qui permettrait de limiter naturellement la main-d’œuvre clandestine.

Interrogé sur les larges prérogatives accordées à la Sûreté générale dans ce texte, Ziad el-Sayegh fait remarquer que la loi libanaise octroie d’ores et déjà la charge de rapatriement des immigrés en situation irrégulière à ce service. Ce qu’il y a de nouveau, note-t-il, ce sont les centres d’accueil temporaire prévus par cette proposition, considérés par M. Bassil comme une mesure « plus humaine » que d’emprisonner les étrangers en attendant leur rapatriement. Selon l’expert, il faut veiller à ce que ces centres ne soient pas vus par l’étranger comme des centres de rétention, et que cela ne mette pas le Liban dans une situation où il doit justifier son respect des droits de l’homme.

Pour Ziad el-Sayegh, il ne fait pas de doute qu’une telle loi permettrait de limiter rapidement l’émigration clandestine au Liban. Il redoute cependant que, sans garde-fous, elle ne favorise un glissement vers le refoulement de ces réfugiés chez eux quelles que soient les conditions du retour, et ce contrairement aux principes actuellement adoptés par la SG d’un retour volontaire, sûr et digne. Tout en rappelant que le retour des réfugiés est une priorité pour le Liban, l’expert constate qu’il s’agit plus d’une gestion de crise qu’une politique globale. Il recommande dans tous les cas un contrôle très strict de l’application de ce texte en cas d’adoption, afin d’assurer une conformité aux normes internationales à tous les stades.

Pour sa part, Mouïn Merhebi, ministre d’État sortant pour les Affaires des réfugiés, déclare n’avoir pas encore pris connaissance du texte. Cependant, il indique à L’OLJ que cette question a été discutée au sein de la commission ministérielle chargée de ce dossier. « Il y a beaucoup de réfugiés qui sont entrés illégalement au Liban parce qu’ils risquaient leur vie chez eux, affirme-t-il. J’en ai vu des tas dans le Akkar. Or un réfugié qui craint pour sa vie ne doit pas être obligé de rentrer. Et cela doit être pris en considération. »

Dans sa conférence de presse hier, M. Bassil a donné une autre justification à l’adoption de cette proposition de loi : le taux de criminalité qui a augmenté selon lui de 46,3 % avec le flux de réfugiés, et le fait que les prisons libanaises ont atteint un seuil de surpopulation alarmant. Commentant l’argument de la hausse de la criminalité avec l’arrivée des réfugiés, M. Merhebi conteste le chiffre de 46 %, estimant « qu’il ne figure dans aucun rapport digne de ce nom ».


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La veille de la fête de l’Indépendance a été choisie sciemment par le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, pour annoncer sa signature au bas d’une proposition de loi visant à organiser l’entrée, le séjour et la sortie des ressortissants étrangers au Liban. La proposition contient des amendements de plusieurs articles de la loi initiale...

commentaires (6)

A premiere vue, je pensais voir Donald Trump signe un Executive Order, mais non c est juste une malheureuse proposition de loi.

paznavour

14 h 18, le 23 novembre 2018

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Commentaires (6)

  • A premiere vue, je pensais voir Donald Trump signe un Executive Order, mais non c est juste une malheureuse proposition de loi.

    paznavour

    14 h 18, le 23 novembre 2018

  • "no comment" ....c'est jour férié après tout.

    Wlek Sanferlou

    13 h 43, le 22 novembre 2018

  • Il appliquera cette aux syriens ? ça m'étonnerait que le Hezbollah le laisse faire

    FAKHOURI

    12 h 11, le 22 novembre 2018

  • DU BLA... BLA... BLA... IL Y A DES LOIS SI ON LES APPLIQUE... MAIS QUI VA LES APPLIQUER ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 26, le 22 novembre 2018

  • 1 seule et unique solution ; pas d'autres options ni lois inutiles : APPLIQUER -AVEC PENALITES TRES TRES SEVERES LA LOI DU TRAVAIL DES ETRANGERS- EN ANNULANT CELLE # 85 (recente? ), penalites applicable aux LIBANAIS faisant travailler illegalement les etrangers- en 1er aux ediles de la nation & dans leurs propres business . sinon .......

    Gaby SIOUFI

    09 h 49, le 22 novembre 2018

  • Il s'agit avant tout d'un geste politique pour prouver que l'Etat existe même sans gouvernement. Ce n'est pas mal.

    Shou fi

    09 h 27, le 22 novembre 2018

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