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À La Une - justice

"Lebanese connection" : les banquiers occultes des cartels colombiens jugés à Paris

Le principal prévenu a fermement démenti qu'une partie de l'argent récolté ait pu être destiné au Hezbollah libanais, une piste étudiée par la DEA mais que n'a pas suivie l'enquête française.

De la cocaïne saisie au port colombien de Buenaventura, où elle devait être expédiée vers les marchés européens, en août 2017. AFP / RAUL ARBOLEDA

L'argent du cartel de Medellin, des montres et voitures de luxe, des banquiers occultes de la diaspora libanaise : un vaste réseau de blanchiment de l'argent de la drogue sera jugé à partir de mardi au tribunal correctionnel de Paris.
Quinze hommes auront à répondre, à des degrés divers de responsabilité, de collectes d'argent sale et de blanchiment en bande organisée, jusqu'au 28 novembre. Principal prévenu, Mohamad Noureddine, un homme d'affaires libanais de 44 ans versé dans l'immobilier et le commerce de bijoux.

L'affaire est arrivée entre les mains de la justice française par la DEA (Drug Enforcement Administration), l'agence antidrogue américaine, qui enquête sur un réseau opérant depuis 2012 entre l'Amérique latine, l'Europe et le Moyen-Orient. L'un des circuits identifiés par la DEA fait de la France, où résident plusieurs prévenus, l'épicentre du trafic sur le vieux continent : les fonds issus de la vente de la cocaïne étaient collectés en Europe, puis acheminés au Liban et reversés aux trafiquants colombiens via le "hawala" (mandat en arabe).
Ce système de transfert de fonds remonte au Moyen-Age, un temps pré-bancaire où la circulation de l'argent sur les routes de la soie et des épices nécessitait de solides réseaux, basés sur des garanties de confiance anciennes. C'est là qu'entrent en scène les "sarafs", qui s'échangent les dettes et les créances de leurs clients, à mi-chemin entre le banquier et l'agent de change. Ils sont le rouage essentiel du "hawala" qui présente, aux yeux des trafiquants, l'avantage inestimable de ne laisser aucune trace dans le système bancaire.

(Lire aussi : Au Danemark, un Libanais condamné à 16 ans de prison pour trafic de drogue)


Au "four" et au "moulin" 
Une enquête est ouverte à Paris en février 2015 et aboutit à un vaste coup de filet en janvier 2016, quasi-simultanément en France, en Italie, en Belgique et en Allemagne. La tête du réseau, un certain Mohamad Ammar, alias Alex, qui naviguait entre la Colombie et la Californie, est arrêté quelques mois plus tard aux États-Unis et reconnaît ses liens avec les cartels colombiens.

L'enquête française sur la "Lebanese connection" ou affaire "Cedar" (du nom du cèdre, emblème du Liban) décrit un "réseau particulièrement structuré et organisé" qui serait parvenu à blanchir des dizaines de millions d'euros par an au profit d'El Chapulin, un trafiquant colombien notoire responsable de l'envoi de plusieurs containers de cocaïne vers l'Europe.

Les techniques sont rodées : utilisation de flottes de téléphones portables régulièrement renouvelés, langage codé, caches dans des voitures. Le réseau compte des chefs d'équipes, des collecteurs, des transporteurs. Première étape, la collecte d'espèces provenant du trafic partout en Europe via les "sarafs" ; deuxième étape, l'achat de bijoux, montres ou voitures de luxe; troisième étape, revente au Liban ou en Afrique de l'Ouest. Et enfin, reversement des fonds blanchis aux Colombiens via des bureaux de change. Les écoutes téléphoniques renseignent sur la géographie et la langue du trafic: une "Mercedes 250" équivalait à une collecte de 250.000 euros, un "camion" à un million d'euros. Le "four" désignait les Pays-Bas et le "moulin" la Belgique.

Le principal prévenu, Mohamad Noureddine, a reconnu avoir organisé des collectes mais nié connaître l'origine des fonds. Il a fermement démenti qu'une partie de l'argent récolté ait pu être destiné au Hezbollah libanais, une piste étudiée par la DEA mais que n'a pas suivie l'enquête française.

William Julié, avocat d'un des prévenus et familier des dossiers criminels transfrontaliers impliquant services américains et européens, estime que si "cette coopération est évidement indispensable, elle est souvent affligée de mécanismes grossissant ou déformant visant à brasser le plus large possible et résultant pour des individus de second plan qui n'y ont pas leur place à être pris dans les filets de la répression". Il affirme que c'est précisément le cas de son client, considéré comme un proche de Mohamad Nourredine, mais qui a toujours clamé son innocence et a fait 18 mois de prison avant d'être libéré sous contrôle judiciaire.

Dans ce dossier, tous les prévenus ont un casier judiciaire vierge.


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commentaires (4)

TOUTE UNE HYPER ORGANISATION...

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 26, le 11 novembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • TOUTE UNE HYPER ORGANISATION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 26, le 11 novembre 2018

  • Surtout ça détruit l'image du libanais travailleur dynamique et débrouillard. Nous sommes tout le temps exposés à ces deux reflets de notre image l'un positif et l'autre dégradant. On fera avec ...

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 29, le 11 novembre 2018

  • ...C'est une romance d'aujourd'hui....

    FRIK-A-FRAK

    13 h 19, le 11 novembre 2018

  • C'est un beau roman c'est une belle histoire......

    FRIK-A-FRAK

    13 h 07, le 11 novembre 2018

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