À partir d’aujourd’hui, le mandat du président Michel Aoun entame sa troisième année, dans un climat relativement morose. Le chef de l’État qui avait été élu le 31 octobre 2016 au cours d’une séance parlementaire houleuse (on se souvient des enveloppes vides rajoutées pour pousser à refaire le vote) avait promis dans son discours d’investiture des changements importants dans le fonctionnement des institutions, grâce notamment à une nouvelle loi électorale destinée à assurer une meilleure représentativité. Mais dans un souci de se tourner résolument vers l’avenir, il avait omis de préciser qu’en devenant président de la République, il avait aussi reçu un lourd héritage fait d’un cumul de corruption, de fonctionnement chaotique des institutions, de divisions confessionnelles et d’interférences étrangères. En chef militaire habitué à mener les batailles les plus difficiles, et en visionnaire qui a une haute idée de son pays et de son rôle particulier dans le monde en dépit de sa superficie réduite, il n’a pas cherché à se dérober face aux responsabilités, ni à se laisser abattre face à la difficulté de la mission. Il a agi méthodiquement, selon un plan précis, mais chaque réalisation, il a dû l’accomplir à l’arraché, tant la force d’inertie interne libanaise est devenue inhérente au système.
Au cours des deux premières années du mandat, il y a donc eu beaucoup de temps perdu, mais le président de la République a toujours fini par l’emporter, réussissant malgré tous les obstacles à insuffler un nouvel élan aux institutions. Toutefois, chaque pas accompli vers l’avant s’est accompagné d’un tel climat de doute, de critiques et de fausses rumeurs, que les citoyens n’ont pas réellement pris conscience de ce qui a été fait. C’est pourquoi le chef de l’État a décidé hier d’organiser une rencontre-débat avec des journalistes de la presse écrite pour faire le point sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire, sachant que les Libanais attendent, à raison, beaucoup plus encore.
Face à ce qu’il considère comme un plan systématique destiné à décourager les Libanais, le président a donc voulu rappeler quelques réalisations que, face aux multiples problèmes du quotidien, les citoyens ont tendance à oublier.
C’est ainsi que son premier souci, après la formation du premier gouvernement de son mandat, a été de reprendre en main les forces armées du pays, considérant que la stabilité interne et la sécurité aux frontières est à la base de tout développement. Michel Aoun n’a pas pour cela outrepassé ses prérogatives, il s’est contenté d’appliquer une disposition de la Constitution qui fait du chef de l’État le commandant en chef des forces armées. Il a ainsi veillé à ce que les nominations militaires et sécuritaires aient lieu et il a personnellement donné des instructions pour que soit menée la bataille du jurd qui a permis d’expulser les organisations terroristes du Liban. En même temps, les services de sécurité ont multiplié de concert leurs efforts pour démanteler les réseaux terroristes à l’intérieur du pays et éliminer les cellules dormantes. Certes, la menace terroriste existe toujours, mais elle ne provient plus d’organisations ayant des structures au Liban, elle est due à ce qu’on appelle les « loups solitaires » et les services de sécurité travaillent d’arrache-pied pour les empêcher de nuire.
(Lire aussi : Michel Aoun : deux ans après, un sexennat à la peine)
En même temps, et en dépit de la présence sur le territoire libanais de plus d’un million et demi de déplacés syriens vivant souvent dans des conditions dramatiques qui favorisent les excès en tous genres, les services de sécurité et les FSI luttent autant que possible contre la criminalité, et lorsqu’ils ne peuvent pas empêcher les crimes, ils capturent rapidement leurs auteurs. Ils sévissent aussi contre les enlèvements moyennant des rançons et les réseaux de vols de voitures, les trafiquants de drogue, etc.
Le Liban n’est certes pas un paradis, mais dans les circonstances actuelles, il bénéficie d’une situation sécuritaire acceptable.
En parallèle, le chef de l’État a donné l’impulsion à d’importantes nominations administratives, notamment sur le plan diplomatique, dans le cadre d’un plan global pour redonner au Liban sa place sur la scène internationale. À toutes les occasions internationales ou arabes, le Liban a ainsi exprimé une position indépendante, qui parfois dérange, sans plus se soucier de ce que veut tel pays ou ce que ne veut pas tel autre. Il s’est aussi prononcé sur des dossiers vitaux, comme celui de la cause palestinienne et de Jérusalem, sans souci de plaire ou de déplaire, mais d’abord par respect des principes et du droit et ensuite par souci de son propre intérêt. Même si le Liban ne pourra peut-être pas influer sur le cours des événements régionaux, l’histoire retiendra sa position de principe à l’égard des grandes causes arabes.
Sur le plan purement interne, le président a poussé avec insistance les différentes parties à adopter une nouvelle loi électorale basée sur le mode de scrutin proportionnel, pour assurer une meilleure représentativité des différentes parties. Ce qui est de nature à consolider la paix civile intérieure. Il a dû pour cela utiliser une prérogative présidentielle oubliée, qui lui a permis de suspendre les réunions du Parlement pendant un mois, le temps de pousser les différents groupes à s’entendre sur une nouvelle loi électorale. Les élections ont ensuite eu lieu, en dépit de tentatives de les reporter sous divers prétextes, dont l’impossibilité d’adopter une carte électorale magnétique. De même, le travail des institutions a été relancé, sur le plan de l’adoption d’une nouvelle grille des salaires. Certes, la grille de départ a été gonflée par les surenchères des différentes parties, causant par la suite un problème au Trésor public. Mais la décision a été prise, tout comme les nouvelles lois sur le budget ont été adoptées. Dans son bilan, le président reconnaît que le fonctionnement des institutions n’est pas idéal, mais qu’au moins celles-ci ont été remises sur les rails. Le défi des quatre années à venir n’est plus de relancer le travail des organismes de surveillance, mais de le rendre plus efficace, de manière à répondre aux attentes des citoyens. Il s’agit aussi de trouver des solutions à la crise économique, sachant qu’elle est le fruit d’un cumul de laisser-aller et de mauvaises décisions, tout en étant aggravée par le blocus indirect subi par le Liban en raison de la fermeture des voies de passage terrestres vers le monde arabe, le poids des déplacés syriens et l’impact de la crise mondiale. Pour Michel Aoun, il y a donc des solutions de rechange et de nouvelles pistes à explorer, comme l’exploitation des ressources gazières et pétrolières, la reconstruction de la Syrie et le renforcement des secteurs de production. Mais pour que ces possibilités soient fructueuses, il faut selon lui une entente nationale stable qui ferme les brèches par lesquelles les fauteurs de troubles peuvent s’infiltrer. Cela reste donc la priorité des prochaines années.
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commentaires (8)
DE L,ENCENSEMENT HABITUEL DE LA TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD QUI NE VOIT QU,AVEC UN OEIL DE CYCLOPE !
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 59, le 03 novembre 2018