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Liban - Bilan

Michel Aoun : deux ans après, un sexennat à la peine

Népotisme, confusion avec les intérêts du CPL, mésentente avec de nombreux partenaires et atteintes à la liberté d’expression, tels sont les principaux reproches adressés au mandat Aoun.

C’est en sa qualité de « représentant le plus fort » des chrétiens que le général Michel Aoun, député du Kesrouan entre 2005 et 2016, a mené sa campagne pour la présidentielle de 2014 à 2016. Il a accédé à la tête de l’État le 31 octobre 2016, à la faveur de l’accord de Meerab conclu en janvier 2016 avec les Forces libanaises et de l’entente scellée en octobre de la même année avec Saad Hariri, leader du courant du Futur. Des ententes qui s’ajoutent à l’accord de Mar Mikhaël conclu avec le Hezbollah le 6 février 2006.

C’est sous l’angle de ces alliances que d’aucuns qualifient de « contradictoires » qu’il conviendrait d’aborder le sexennat Aoun en ce second anniversaire. D’autant que les deux premières années de ce mandat ont été surtout marquées par l’épineuse problématique du positionnement du Liban par rapport aux conflits des axes régionaux. Soucieux de préserver la pérennité du compromis présidentiel, le président a déployé un effort – ne serait-ce que formel – de recentrage par rapport à ses positionnements stratégiques antérieurs à son élection. Il a donc tenté de rétablir les rapports du Liban avec les pays du Golfe, perturbés à cause de la position jugée trop timorée de la diplomatie libanaise face à l’Iran. Pour son tout premier déplacement présidentiel, il a ainsi choisi Riyad pour destination. Ce voyage, effectué dès janvier 2017, a contribué à briser la glace entre le Liban et ses partenaires arabes, le chef de l’État se rendant ultérieurement au Qatar et au Koweït. Mais en dépit de cette ouverture, Michel Aoun n’a semblé aucunement modifier ses positions stratégiques. S’il a ajourné sine die un déplacement prévu en Iran, M. Aoun a défendu les armes du Hezbollah à plusieurs reprises à l’heure où la communauté internationale infligeait au parti chiite de nouvelles sanctions. « Les armes du Hezbollah n’affaiblissent aucunement l’État. Elles représentent un des piliers essentiels de la stratégie de défense du pays », avait-il déclaré à la chaîne égyptienne CBC à la veille d’une visite officielle qu’il entamait au Caire en février 2017. Et d’ajouter : « Nous avons besoin de la résistance tant que nos terres sont occupées. » « On ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu’Israël ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité », déclarait-il aussi au Figaro en septembre 2017.

Un an plus tard, à la tribune de l’ONU, le président de la République a été encore plus loin. Critiquant les politiques internationales au Moyen-Orient, il a souligné que celles-ci ont créé des mouvements de résistance qui ne disparaîtront pas tant que les causes persistent.

Sauf que contrairement à ce qu’espéraient le Hezbollah et ses alliés, l’appui du président de la République à la formation de Hassan Nasrallah ne l’a pas conduit à se rendre en Syrie, à l’heure où des ténors du camp proche de Damas exerçaient un forcing dans le sens de la normalisation avec le régime Assad sous prétexte du retour des réfugiés syriens. Un contact direct par téléphone a toutefois été établi entre M. Aoun et son homologue syrien en août dernier.

Les deux premières années du sexennat ont également été marquées par de graves atteintes à la souveraineté de l’État. Ainsi, les autorités ont observé un silence radio face à l’offensive lancée unilatéralement par le Hezbollah contre les jihadistes de l’État islamique en juillet 2017. Elles ont adopté la même attitude lors de la phase finale de la bataille « L’aube des jurds » (19 au 26 août 2017) menée par l’armée libanaise contre les combattants de l’EI. Ces derniers se sont retirés du territoire libanais à la faveur d’un accord tripartite conclu entre le Hezb, l’EI et le régime syrien. Un geste qui avait suscité de vives réactions dans les milieux souverainistes.

C’est dans ce contexte de déséquilibre stratégique en faveur du Hezbollah qu’est survenue la démission surprise et forcée du Premier ministre, Saad Hariri, annoncée depuis Riyad le 4 novembre dernier. Un incident que Michel Aoun a pu retourner en sa faveur, multipliant les contacts politiques et diplomatiques, notamment avec le président français, Emmanuel Macron, pour le retour à Beyrouth de M. Hariri.


(Pour mémoire : L’entente de Mar Mikhaël, de l’allié fort à la présidence « forte »)


Les législatives

Sur un autre plan, les deux années écoulées ont été marquées par les préparatifs des élections législatives, tant en ce qui concerne la loi électorale, que pour ce qui est du scrutin du 6 mai dernier. À l’heure où les divers protagonistes atermoyaient au sujet de la nouvelle législation électorale qu’il avait promis d’adopter dans son discours d’investiture, le locataire de Baabda ne cessait de mettre en garde contre toute éventuelle prorogation de la législature. Celle-ci a toutefois été votée pour 11 mois, reportant le scrutin de juin 2017 à mai 2018. Lors de la même séance, le Parlement a adopté une nouvelle loi électorale prévoyant la proportionnelle (pour la première fois) avec 15 circonscriptions. Mais il faut reconnaître à ce stade que le chef de l’État a enregistré une première sur ce plan. Il a usé de l’article 59 de la Constitution, le 12 avril 2017, pour empêcher le Parlement de tenir une séance afin de voter la prorogation. Objectif ? Exercer plus de pressions pour la mise sur pied d’un nouveau texte, voté le 16 juin 2017.

Tous les protagonistes ont alors donné le coup d’envoi aux préparatifs pour le scrutin. Une échéance face à laquelle Baabda n’a pu se tenir à l’écart. Loin de là. Les campagnes électorales ont témoigné d’une harmonie presque totale entre les positions du CPL et celles du président de la République, cela d’autant plus que deux gendres de M. Aoun, Chamel Roukoz et Gebran Bassil, étaient candidats. Des détracteurs du président n’hésitent d’ailleurs pas à voir dans le népotisme une des marques du mandat. Dans certaines circonscriptions, le CPL a ouvertement placé la bataille électorale sous le signe de « la fidélité à Michel Aoun ». De son côté, le chef de l’État lui-même a déclaré avoir « voté pour le sexennat », après avoir déposé son bulletin dans l’urne à Haret Hreik (Baabda).


(Pour mémoire : Au Liban, « la liberté de répression remplace désormais la liberté d’expression »)


Le gouvernement et les libertés

D’autre part, dans l’exercice du pouvoir, et notamment dans le traitement de certains dossiers sensibles, comme celui de l’électricité, Michel Aoun et ses proches accentuaient le fossé avec l’écrasante majorité des protagonistes, exception faite du courant du Futur. C’est surtout le cas avec les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste. D’où les tractations gouvernementales difficiles avec ces formations au cours des derniers mois. En ce qui a trait aux FL, c’est l’accord de Meerab lui-même qui a fait les frais de la mésentente grandissante avec le camp présidentiel, à l’heure où s’est amorcée, à l’ombre du sexennat Aoun, la bataille pour le leadership chrétien entre Samir Geagea et Gebran Bassil.

Le clivage avec les FL et le PSP s’était déjà approfondi lors du recours en invalidation présenté conjointement par ces partis (aux côtés des Kataëb) contre le décret de naturalisation accordant la nationalité libanaise à des ressortissants palestiniens et syriens pro-Assad, en mai dernier. Quant aux rapports avec le mouvement Amal – en atteste la fameuse querelle verbale entre Gebran Bassil et Nabih Berry, qui a dégénéré dans la rue fin 2017 – mais aussi avec les Marada de Sleiman Frangié, ils sont par ailleurs restés glaciaux et tendus. À tout cela s’ajoutent les graves atteintes à la liberté d’expression et à la démocratie qui se multiplient depuis le début du sexennat. Les poursuites engagées contre des opposants, des journalistes, dont notamment le chef des Kataëb, Samy Gemayel, et le journaliste Marcel Ghanem, mais aussi de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux, sont une preuve éclatante d’un recul sur ce plan pointé par l’ensemble des associations des droits de l’homme concernées.

Et enfin, sur le plan des réformes, les promesses sans cesse réitérées de lutte contre la corruption et d’amélioration de plusieurs secteurs vitaux sont jusqu’à l’heure restées à l’état de slogans.


Pour mémoire

Sexennat Aoun : Retour sur l'an I

Michel Aoun dresse en direct le bilan de sa première année à la Magistrature suprême

C’est en sa qualité de « représentant le plus fort » des chrétiens que le général Michel Aoun, député du Kesrouan entre 2005 et 2016, a mené sa campagne pour la présidentielle de 2014 à 2016. Il a accédé à la tête de l’État le 31 octobre 2016, à la faveur de l’accord de Meerab conclu en janvier 2016 avec les Forces libanaises et de l’entente scellée en octobre...

commentaires (12)

faut aussi s'entendre sur le fameux titre critere : est ce l'ere de m aoun ou pas? faut il critiquer m aoun ? faut il feliciter m aoun ? ou alors diriger cela vers LE CABINET, PARLEMENT & M AOUN ensemble ????

Gaby SIOUFI

17 h 10, le 03 novembre 2018

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Commentaires (12)

  • faut aussi s'entendre sur le fameux titre critere : est ce l'ere de m aoun ou pas? faut il critiquer m aoun ? faut il feliciter m aoun ? ou alors diriger cela vers LE CABINET, PARLEMENT & M AOUN ensemble ????

    Gaby SIOUFI

    17 h 10, le 03 novembre 2018

  • Y’a sanferlou Ça ne fait rien. Aucune différence entre l’acquis et le népotisme. Tout est acquis. Un nouveau ministère est né. Népotisme 2aal Attendons l’appel des anges dans nos campagnes. Mais cette fois-ci, le nouveau né est née

    Evariste

    23 h 34, le 31 octobre 2018

  • Hier, un jeune pays plein d'espoir et de bonne volonté, aujourd'hui une place publique où tout un chacun, qui se croit être quelqu'un, nous balance des affirmations sans intelligence et sans espoir,... Est ce le Liban qu'on voulait, est ce le Liban qu'on veut, est ce le Liban que les générations futures veulent? ... Alors que le monde se développe, nous nous réjouissons de rétrograder en scandant des slogans moyenâgeux... Yallah, bassita...je vais dormir et ronfler pour ne plus entendre des nullités déprimantes

    Wlek Sanferlou

    21 h 49, le 31 octobre 2018

  • Deux ans après...le vide glacial...des murs nus...pas un souffle de joie ni d'espoir... Pauvre Liban ! Irène Saïd

    Irene Said

    20 h 53, le 31 octobre 2018

  • Selon un proverbe palestinien: Si tu joues seul tu es toujours gagnant. Pourquoi s'encombrer d'un Gouvernement.

    Shou fi

    19 h 31, le 31 octobre 2018

  • Commandante !! waaaoouuu lapsus ou l'espoir d'un future ?

    SATURNE

    17 h 02, le 31 octobre 2018

  • Nous avions de grandes espérances? C'est sûr! Nous avons quelques déceptions? Evidemment. Mais aussi 2 ans, "c'est un peu court, jeune homme" comme aurait dit Cyrano...

    Tina Chamoun

    16 h 13, le 31 octobre 2018

  • Sans parler de gouvernance parfaite , je trouve qu'il s'en sort pas mal , en considérant l'environnement très hostile tout autour de lui , localement , régionalement et international . Son véritable courage est qu'il a pris une direction et il s'en tient à ça , malgré tout . Bravo Commandante .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 38, le 31 octobre 2018

  • N'EST CE PAS QU'AU PAYS DU NOUVEAU LIBAN "" ON . "" A DECIDE -DE DIRE LES CHOSES TELLES QU'ELLES, -LA TRANSPARENCE A OUTRANCE , -A COMMENCER PAR LE HAUT eh bien voila : LA FAUTE EN REVIENT A CEUX QUI ONT LAISSE FAIRE A CHAQUE FOIS QUE M AOUN FAISAIT DES CAPRICES, PRINCIPALEMENT GEAGEA & HARIRI. NON QUE M AOUN S'EN PORTE MIEUX MAIS QUAND MEME LE LIBAN LUI L'AURAIT ETE.

    Gaby SIOUFI

    09 h 44, le 31 octobre 2018

  • LE LIBAN NOUVEAU FORT...et démocratique... Jadis la Suisse du Moyen Orient...vous vous souvenez ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 35, le 31 octobre 2018

  • DEUX ANS DE PAROLES... RIEN QUE DES PAROLES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 31 octobre 2018

  • On nous a répété à l'envi que le mandat ne commencerait vraiment qu'après la formation du gouvernement, et que ce n'est qu'alors que l'on pourrait le juger. Deux ans pour rien donc? Pas vraiment, comme le montre le bilan catastrophique présenté ici. - Deux ans de régression des libertés. - Une loi électorale abracadabrante et anti-démocratique. - Les armes de la milice iranienne légitimées en haut lieu et en passe d'être légalisées. - Une corruption endémique. - un environnement insalubre. - etc. Quatre ans ne seront sans doute pas de trop pour seulement remonter cette pente, ce qui amènera le bilan du sexennat tout juste à zéro!

    Yves Prevost

    07 h 01, le 31 octobre 2018

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