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Nous, sales Arabes...

Nous l’avons appris à nos dépens : ce ne sont pas des printemps, vite, trop vite transformés en automnes-hivers rudes et impitoyables, qui pourraient nous sauver. Nous, Arabes. Qui pourraient aider cette umma magnifique à tant d’égards, mais tellement pathétique, à sortir de cet archaïsme qui n’en finit pas de nous scléroser, de nous figer dans nos régressions, de nous empêcher de pleinement participer à la marche du monde. Nous, Arabes. Ce ne sont pas non plus des tentatives vaseuses d’application, ou des distorsions plus ou moins vénéneuses, de ce concept, la démocratie, qui pourraient nous aider : les élections, le droit des femmes de conduire une voiture, l’organisation d’événements sportifs planétaires, etc. ont très rapidement montré leurs limites. Et ce n’est toujours pas, enfin, une question de volonté : le voudrions-nous de toutes nos forces que nous, Arabes, n’y parviendrons pas – trois générations ne suffiraient pas à changer nos mentalités.

Il ne s’agit aucunement de comparer ces mentalités, ces valeurs, ces repères que nous, Arabes, avons plus ou moins grandement en commun, avec ceux, très bons, bons, mauvais ou très mauvais, du monde occidental. Il ne s’agit aucunement d’essayer de copier, de tenter d’importer un mécanisme de Renaissance, de recréer une chute de Constantinople, de redécouvrir quelque Amérique, d’inventer un mécanisme qui assassinera, sans aucun espoir de résurrection, le féodalisme. Il suffit parfois de regarder pas plus loin que le bout de son nez.

Il suffit d’abord de poser une question et, surtout, d’y répondre. Pourquoi nous, Arabes, Moyen-Orientaux ou Maghrébins, sunnites, chiites, alaouites, druzes, maronites, orthodoxes, coptes, catholiques, juifs, syriaques, chaldéens, bouddhistes ou athées, et absolument tout autant que nos cousins turcs ou iraniens; pourquoi nous, Arabes, si généreux et si flamboyants, si drôles et si beaux, si inventifs et si résilients, sommes à ce point condamnés à barboter ad vitam dans notre formol, sommes à ce point englués dans notre sinistre, notre mortel, notre infini Moyen Âge – nous, Arabes – et pas nos frères en sémitisme, nos voisins, si proches, si loin : les Israéliens, aussi barbares qu’aient été et que sont leurs gouvernements successifs ? Quelle est cette glu qui brûle nos ailes, plombe nos jambes et métastase nos cerveaux; cette glu qui nous pousse à assassiner des Khashoggi, à kidnapper des Hariri fils ou des ben Talal ; à assassiner, avec une tonne de TNT, Hariri père; à envoyer nos jeunes se faire exploser ici ou ailleurs ou aider de sinistres dictateurs, Bachar el-Assad, à survivre ; à tuer des Indiens ou des Bangladais à la construction de stades pharaoniques ; à purger un magnifique peuple turc de son intelligentsia ; à réduire à tous les silences les opposants, de Rabat à Téhéran, en passant par Le Caire ; à anschlusser Beyrouth comme en 2008 ou à museler tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui oseraient critiquer le petit père des Libanais et son gendre chéri ? Quelle est cette glu dont nous, Arabes, mais aussi Turcs et Iraniens, Moyen-Orientaux maudits, portons les stigmates à visages découverts – et pas les Israéliens ?

Cette glu, c’est l’impunité.

En mai 2007, neuf mois après la guerre de juillet menée par l’État hébreu contre le Liban, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans un geste tonitruant et absolument inédit, rendait hommage au rapport israélien Winograd, qui critiquait férocement l’action et les décisions liées à cette guerre du gouvernement d’Ehud Olmert – lequel Olmert a croupi seize mois en prison entre 2016 et 2017 pour corruption…

Et pendant ce temps, nous, Arabes, ou du moins les plus puissants d’entre nous, entretenons et nourrissons méthodiquement et patiemment cet himalayen sentiment d’impunité. Pendant ce temps, nous gonflons, jour après jour, ce sentiment d’omnipotence, de droit divin, de souverain divin, de sultan divin, de waliy el-faqih divin, d’émir divin, de raïs divin, de président divin, de gendre idéal divin, du zaïm divin, qui se répand comme la peste et finit par toucher une partie, loin d’être négligeable, des médecins et des plombiers, des jeunes désœuvrés et des juges, des professeurs et des élèves, des banquiers et des ouvriers, des forces de l’ordre et des journalistes. Pendant ce temps, nous nous employons, avec une détermination admirable, à nous placer au-dessus des lois, à narguer l’État de droit, à faire un, dix, cent et un doigts d’honneur à l’ensemble de l’appareil et du processus judiciaires – et à nous en vanter. Ou alors, à jouer à merveille les victimes et le misérabilisme.

Et nous en mour(r)ons. À petit feu.

Voilà pourquoi il est primordial, indépendamment des menaces hitchcockiennes d’Erdogan, de la furie des congressmen US ou de l’omnipotence du roi (pétro)dollar, que le souverain wahhabite destitue son fils adoré, Mohammad ben Salmane lui-même. Voilà pourquoi il est primordial que le Tribunal spécial pour le Liban ait un verdict-tsunami indiscutable. Voilà pourquoi il est primordial que le ministère de la Justice au Liban soit tenu, pendant les quatre prochaines années, par une femme ou un homme irréprochable à tous les niveaux. Voilà pourquoi il est primordial que notre diaspora dans le monde s’adapte sans tergiverser aux valeurs des pays hôtes. Voilà pourquoi il est primordial que les journaux ou les sites d’information en ligne arabes, turcs ou iraniens, surtout de l’opposition, soient sanctuarisés, quitte à dénoncer leurs éventuels intox et autres fake news. Voilà pourquoi chacun de nous, peuples d’ici, ne doit jamais, jamais, se taire.

Nous, Arabes, devons urgemment nous souvenir que cette réputation, cette image, que nous véhiculons en Europe, en Asie, en Afrique, en Océanie et dans les Amériques, c’est nous et seulement nous qui les avons fabriquées. Presque gravées dans le marbre. Et que c’est à nous, et seulement nous, de rectifier les tirs. À ce moment-là, nous serons les égaux des autres citoyens du monde.

Nous l’avons appris à nos dépens : ce ne sont pas des printemps, vite, trop vite transformés en automnes-hivers rudes et impitoyables, qui pourraient nous sauver. Nous, Arabes. Qui pourraient aider cette umma magnifique à tant d’égards, mais tellement pathétique, à sortir de cet archaïsme qui n’en finit pas de nous scléroser, de nous figer dans nos régressions, de nous...

commentaires (16)

L’impunité n'est qu'une face du problème, mais pas l'essence du problème. Elle découle des mensonges qui s'accumulent au fil des années, des siècles, depuis plus de 1.400 années puisque chacun prétend détenir une vérité qui n'en est pas une et vit dans ses "Wishful thinkings" qu'il a essayé d'imposer aux autres... Les arabes auront un triste sort et fin, nous pas si nous sortons de ce carcans arabe qui ne nous représente pas! Dans le cas contraire, l’impunité, le féodalisme, la dictature, le mensonge et la pourriture nous rongera tout autant que ces arabes dont vous pensez faire partie!

Pierre Hadjigeorgiou

12 h 01, le 23 octobre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • L’impunité n'est qu'une face du problème, mais pas l'essence du problème. Elle découle des mensonges qui s'accumulent au fil des années, des siècles, depuis plus de 1.400 années puisque chacun prétend détenir une vérité qui n'en est pas une et vit dans ses "Wishful thinkings" qu'il a essayé d'imposer aux autres... Les arabes auront un triste sort et fin, nous pas si nous sortons de ce carcans arabe qui ne nous représente pas! Dans le cas contraire, l’impunité, le féodalisme, la dictature, le mensonge et la pourriture nous rongera tout autant que ces arabes dont vous pensez faire partie!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 01, le 23 octobre 2018

  • Pour changer cet état de faits il faut commencer par arrêter de changer l'histoire et l'origine des peuples de la région. Les arabes sont ceux de la péninsule arabique point barre! Nous ne sommes pas arabes, ne l'avons jamais été et ne le serons jamais! Accepter que chaque peuple de la région ait son origine, sa culture, son histoire, sa structure sociétale qui est différente de la sienne, est essentiel pour sortir du marasme et de la médiocrité actuelle. Pour être démocratique il faut déjà accepter autrui et sa différence. Faire face a la vérité est la cause majeure des malheur de la région. Revenons au Liban qui est notre souci principal, feu Bachir, que son âme repose en paix, l'avait compris lui: "Il faut dire la vérité, toute la vérité quel qu’en soit le prix, aussi mal qu'elle fera"... Qui dit la vérité de nos politiciens? Ou est le rêve de Bachir et du peuple Libanais qui l'avait a l’époque embrassé? Il est normal que le vaincu s'acclimate avec la situation du moment pour pouvoir survivre dans un environnement hostile, mais au point de trahir son peuple et ses aspirations comme l'a fait et continue de le faire Aoun et ses sbires? Qu'en est il des leader qui ont conduit le Liban a la guerre en pactisant avec les occupants et qui répètent sans honte qu'ils recommenceraient si les circonstances étaient les mêmes? Doit on comprendre qu'ils trahiront le peuple une fois de plus?

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 56, le 23 octobre 2018

  • Faut-il immanquablement fourrer le père et son gendre dans la majorité des éditos et articles , quelque soit le thème? D'ailleurs les attaques gratuites sont soûlantes pour nous autres lecteurs ?. Au final ,cher M Makhoul ,ce petit père, président de la république , est à mon avis grand , très grand .

    Hitti arlette

    16 h 25, le 22 octobre 2018

  • Merci Ziyad Makhoul

    lila

    16 h 17, le 22 octobre 2018

  • Prière de corriger: "Sales Arabes" doit lire "Arabes Salés"...car depuis qu'ils clament de jeter Israël dans la mer ce sont plutôt eux qui se mouillent de plus en plus dans les mers et océans qui grâcent leurs rivages! Bonne nage à tous en compagnie de Netanyahou à qui les descendants de Xerxès promettent des marathons nautiques...

    Wlek Sanferlou

    15 h 50, le 22 octobre 2018

  • Je viens de m'abonner au journal. (Je vis en Europe.) Si je doutais que je trouve de la liberté d'expression dans un journal du monde arabe, ces doutes ont été bel et bien écartés!

    Yeomans Roger

    14 h 20, le 22 octobre 2018

  • Le titre en lui-même est choquant, c'est vrai ! Mais le contenu décrit...malheureusement et crûment...la vérité sur nos sociétés arabes. Et la comparaison avec nos voisins israéliens aura vexé plus d'un ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 41, le 22 octobre 2018

  • Dans toute civilisation, la religion et son enseignement servent de vecteur et forment une influence considérable... Sur la société. L'article : Généraliser ... s'autocritiquer... pour que la voix soit audible et credible. C'est bien et c'est un article, d'une grande valeur, morale et pédagogique, j'aime le style. Nuancer (voir cas par cas) ...car, entre un religieux X qui ne "jure que par sa religion et dogme sans jamais admettre les vérités scientifiques et autres bienfaits du progrès humain" (constitue un frein social et civilisationnel) ET un autre religieux Y que lui, est aussi recteur de telle ou telle école ou université, qui organise et préside des colloques sur l'astronomie, la physique, l'univers et les sciences humaines... Etc (qu'elle ouverture d'esprit admirable). On est sensé de constater que le deuxième est garant de la richesse de sa culture arabe ou autres (cela ne change rien) et contribuera à l'amélioration morale et matérielle de l'homme .... Alors que le premier, contribuera au mieux à la pérennité de sa religion, figée dans des contradictions et un code social archaïque et féodal qui ne se soucie pas des réalités actuelles de l'homme. Moralité : l'homme détient toutes les clés de sa prospérité Sa liberté de penser, son libre arbitre, son ouverture d'esprit en font de lui un Maître! Son ignorance et son obscurantisme en font de lui un Esclave. Vive la fraternité et la liberté des peuples.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 16, le 22 octobre 2018

  • NOUS SALES ARABES AVONS BESOIN D'UN HOMME A LA FOIS FOU ET RAISONABLE A LA FOIS DEMOCRATE ET TYRAN, HONNETE , INTELLIGENT,INTRANSIGEANT, CELIBATAIRE... QUI MENERAIT LA REGION ENTIERE PAR LA FORCE DES BAÏONNETTES , EN COMMENCANT PAR ISOLER -DE FORCE OU PAS- LE CLERGE CHRETIEN TT AUTANT QUE MUSULMAN,

    Gaby SIOUFI

    12 h 06, le 22 octobre 2018

  • Nous sales intentions, pourries de show off, on se donne un grand air avec un interieur vide de toute culture , vide d'humanité

    Daniel Renaud / DPR CONSULTANT SAL 3477

    11 h 51, le 22 octobre 2018

  • Le titre de cet édito est purement scandaleux , surtout dans sa comparaison avec les juifs d'israel .. (et pas nos frères en sémitisme, nos voisins, si proches, si loin : les Israéliens, aussi barbares qu’aient été et que sont leurs gouvernements successifs ? ) On se pose même des questions , NOUS LES SALES ARABES ....

    FRIK-A-FRAK

    11 h 26, le 22 octobre 2018

  • C,EST TROP DEMANDER ! L,ABRUTISSEMENT PASSE DANS LE DNA D,AGE EN AGE... ET CHANGER SON DNA N,EST PAS AFFAIRE D,UN JOUR OU D,UN SIECLE... IL FAUT DU TEMPS... TROP DE TEMPS POUR QUE LA MATIERE DANS LES LOBES SE DEVELOPPE UN PEU EN ENERGIE INTELLIGENTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 14, le 22 octobre 2018

  • Vous écrivez… ""Moyen-Orientaux ou Maghrébins, sunnites, chiites, alaouites, druzes, maronites, orthodoxes, coptes, catholiques, juifs, syriaques, chaldéens, bouddhistes ou athées, et absolument tout autant que nos cousins turcs ou iraniens; … notre infini Moyen Âge…"" Toutes ces sous-religions ne parviennent pas à favoriser un minimum de ""vivre-ensemble"". Ça commence par M, Moyen-Orient, Moyen- Âge, M. Ben Salmane, et ""Et nous en mour(r)ons…"" d’une longue agonie… Dans M la maudite, votre collègue J.-F. Khan, dans son dernier livre, donne cette définition : ""Moyen-Orient : On remarquera que la région du monde ou Dieu le père a décidé d’implanter, à l’origine, ses grandes religions et sous-religions est précisément celle qui, de carnage en carnage, de désastre en désastre, ne parvient pas à sortir de l’enfer. Que cherchait-il à prouver ?"" Cette définition du Moyen-Orient m’est très pertinente… Rien à prouver ! Ce matin, je ne peux que m’incliner ! Du grand Ziyad Makhoul…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    08 h 08, le 22 octobre 2018

  • "Nous, arabes"? Il se trouve que nous avons le malheur de vivre dans un pays étiqueté comme tel et à raison, dans la mesure où l'arabe en est la langue officielle. Mais à part ça, les disparités ne serait-ce que culturelles ou dialectales, du Magreb à la péninsule arabique, au Proche-Orient vident ce mot de tout sens positif. Moins agréable, ça sert à se faire pointer du doigt. Ou du flingue.

    M.E

    07 h 11, le 22 octobre 2018

  • Bravo pour cette analyse limpide! Malheureusement il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et tous ces appels au ressaisissement et à la sagesse risquent de demeurer des voeux pieux. Il est exigé une révolution culturelle, une révolution dans les mentalités. Ce n'est pas pour demain la veille.

    Georges Airut

    05 h 14, le 22 octobre 2018

  • Je trouve cet édito dans son titre comme dans son contenu très choquant, vraiment. Cette manière de casser tout le temps sans rien proposer de positif et de ne se voir que dans le regard des autres...

    Marionet

    03 h 03, le 22 octobre 2018

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