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À La Une - Réfugiés

De Beyrouth à Babila, une famille syrienne fait le pari du retour

Rawad et les siens font partie de ces milliers de Syriens revenus chez eux ces derniers mois, dans le cadre des retours collectifs organisés par les autorités libanaises, en coordination avec le pouvoir du président syrien Bachar el-Assad.

Rawad al-Kurdi, réfugié syrien au Liban, avec sa femme et ses deux enfants en bas-âge, Louaï et Loulia, dans un bus les ramenant en Syrie, le 17 septembre 2018. AFP / ANWAR AMRO

Le visage illuminé d'un grand sourire, Ahmad al-Kurdi joue pour la première fois avec son petit-fils Louaï, puis jette un regard tendre sur son fils Rawad, rentré avec sa famille dans leur petite ville de Babila en Syrie, après des années d'exil au Liban. Rawad et les siens font partie de ces milliers de Syriens revenus chez eux ces derniers mois, dans le cadre des retours collectifs organisés par les autorités libanaises, en coordination avec le pouvoir du président syrien Bachar el-Assad.

Le visage marqué par cinq années d'un exil difficile, Rawad a emprunté en septembre un des bus affrétés pour ces retours collectifs qui l'a ramené chez lui à Babila, petite ville proche de Damas reconquise en mai par les forces gouvernementales. "C'est un retour définitif. Plus jamais je ne vivrai en exil", avait alors affirmé Rawad à l'AFP, sourire aux lèvres, quelques heures avant de quitter la banlieue de Beyrouth. Ce père de famille de 30 ans est rentré avec sa femme et ses deux enfants en bas-âge, Louaï et Loulia. Ils ont emporté avec eux vingt valises contenant tout ce qui leur restait de leur vie au Liban où ils étaient installés depuis 2012.

Le Liban, qui accueille 1,5 million de Syriens, dont un million inscrits comme réfugiés auprès de l'ONU, a fait de ces rapatriements organisés une priorité. Les autorités de Beyrouth estiment que les conditions sécuritaires sont propices à ces retours, le pouvoir de Damas contrôlant désormais près des deux-tiers de la Syrie. De manière générale, l'ONU met en garde contre tout retour forcé dans un pays toujours en état de guerre. Le gouvernement libanais assure que les départs se font sur la base du volontariat.


(Lire aussi : Le HCR supervisera le retour des réfugiés syriens lorsque les conditions seront assurées)


"Je revis"
Quelques semaines après son installation à Babila, une équipe de l'AFP a retrouvé Rawad à Babila. Dans le salon de la maison qui l'a vu grandir, il parcoure l'air détendu de vieilles photos de famille. Le petit Louaï, 3 ans, joue à ses côtés. "La guerre nous a beaucoup changés et l'exil a aussi laissé un impact sur nos visages et nos regards", confie-t-il.

Contrairement à des centaines de milliers de Syriens ayant rejoint l'Europe pour fuir le conflit, Rawad a toujours refusé d'aller aussi loin, convaincu qu'il retournerait un jour chez lui. "Les pays (européens) sont beaux, calmes et sûrs, mais ils ne remplacent pas le pays des mes souvenirs, où vivent mes parents et amis", dit-il, un brin lyrique.

Quant à son père, Ahmad, il ne se lasse pas de jouer avec ses petits-enfants, nés au Liban. "Cette maison n'a aucune valeur sans mes enfants et mes petits-enfants", se réjouit le septuagénaire. "Désormais la vie y est de retour, je revis".

En 2012, un an après le début du conflit syrien, le grand-père avait fui les combats pour trouver refuge au Liban voisin avec sa femme et leurs 34 enfants et petits-enfants. Il a fini par retourner en Syrie, tout comme six de ses enfants. Mais il en a toujours trois au Liban. "Mon ultime souhait est de les voir tous réunis ici autour de moi", lâche-t-il, les mains noircies par des années de travail dans la cueillette d'aubergines.


(Lire aussi : Rentrer en Syrie ou rester au Liban ? Des réfugiés syriens s’expriment)


Avenir incertain
Dans un pays où la guerre a fait plus de 360.000 morts, notamment lors de combats entre rebelles et forces gouvernementales, de nombreux réfugiés hésitent à rentrer, par crainte de représailles ou du service militaire obligatoire. D'autres sont dissuadés par l'ampleur des destructions ou les difficiles conditions économiques. Au total, quelque 5,6 millions de Syriens ont trouvé refuge à l'étranger, s'installant notamment en Turquie, en Jordanie ou au Liban.

Rawad aurait voulu rentrer plus tôt, mais il n'a pas pu, faute de pouvoir honorer des impayés liés au non-renouvellement de son permis de séjour au Liban. En septembre toutefois, les autorités libanaises ont décidé de supprimer ces amendes pour les Syriens qui prendraient part aux retours organisés. Rawad a sauté sur l'occasion.

Depuis avril, près de 6.000 Syriens ont ainsi rejoint leur pays dans le cadre de ces départs, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres des autorités libanaises. La plupart sont retournés dans des villages dans les environs de Damas, où le pouvoir syrien a enchaîné les victoires ces derniers mois, face aux rebelles et jihadistes.

Couturier de profession, Rawad cherche toujours du travail. Son ancien atelier a été pillé. En attendant, il sort tous les jours redécouvrir les rues de Babila. Lors d'une de ces promenades, son portable sonne. C'est son frère Ayman, qui vit toujours au Liban et hésite à rentrer. "Il n'y a pas de raison de rester au Liban. La guerre est terminée", insiste Rawad au téléphone.


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Le visage illuminé d'un grand sourire, Ahmad al-Kurdi joue pour la première fois avec son petit-fils Louaï, puis jette un regard tendre sur son fils Rawad, rentré avec sa famille dans leur petite ville de Babila en Syrie, après des années d'exil au Liban. Rawad et les siens font partie de ces milliers de Syriens revenus chez eux ces derniers mois, dans le cadre des retours collectifs...

commentaires (1)

C'est émouvant, tout simplement. Rien ne peut remplacer chez l'humain, sa terre natale.

Sarkis Serge Tateossian

21 h 05, le 19 octobre 2018

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Commentaires (1)

  • C'est émouvant, tout simplement. Rien ne peut remplacer chez l'humain, sa terre natale.

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 05, le 19 octobre 2018

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