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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Francophonie : Macron « tirerait-il les ficelles » pour faire élire Mushikiwabo ?

Riyad a annoncé hier à l’OIF qu’il retirait sa candidature.

Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan recevant hier Michaëlle Jean. Crédit photo OIF

Le sort de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) Michaëlle Jean sera scellé aujourd’hui. Elle est candidate à sa propre succession pour un second mandat, face à la ministre des Affaires étrangères du Rwanda Louise Mushikiwabo.

La candidature surprise de la candidate rwandaise est présentée comme celle de l’Afrique, annoncée à travers l’Union africaine (UA). Selon un responsable au sein de l’OIF qui a voulu garder l’anonymat, certains pays africains ont toutefois été pris de court par cette annonce. D’après lui, « c’est le président (français Emmanuel) Macron qui tire les ficelles ». La candidature rwandaise a en effet été annoncée après une rencontre, en mai dernier, entre M. Macron et son homologue rwandais Paul Kagame, homme fort du pays.

Selon le responsable de l’OIF, le Rwanda n’avait pas payé ses contributions depuis des années et le président ne participait même pas aux derniers sommets. Or, depuis la candidature de Louise Mushikiwabo, le pays a payé ses arriérés et Paul Kagame s’est personnellement déplacé à Erevan hier pour appuyer la candidature de sa ministre des Affaires étrangères.

La candidature de Mme Mushikiwabo a toutefois créé un malaise au sein de l’OIF, certains la considérant comme une sanction contre le bilan, jugé controversé, de Mme Jean. Il est en effet reproché à la Canadienne des dépenses extravagantes, comme la rénovation de sa résidence personnelle pour 350 000 euros, ou encore l’achat pour 20 000 dollars d’un piano à queue, et aussi d’avoir dépensé près d’un million de dollars pour son projet phare, la croisière de la frégate Hermione dans le cadre de l’initiative « Libres ensemble ». Mme Jean réfute ces accusations, affirmant sur Radio Canada que l’appartement « avait besoin d’un rafraîchissement car inhabitable en l’état ».

En ce qui concerne son bilan, qu’elle juge positif, elle rappelle d’abord l’initiative « Libres ensemble » qui s’est transformée en mouvement pour combattre le radicalisme chez les jeunes. Mais aussi une plus grande visibilité de l’OIF qui est « désormais appelée au Conseil de sécurité pour témoigner de l’état du monde ». Hier, lors de la cérémonie d’ouverture du sommet à Erevan, la plupart des chefs d’État et de gouvernement lui ont rendu hommage lors de leurs discours.


(Lire aussi : Les candidatures de Riyad et Mushikiwabo en débat au sommet de la Francophonie)


L’intérêt de Paris

D’autres observateurs ont vu dans l’adoubement par Paris de la candidature rwandaise une action politique française visant à promouvoir les intérêts de la France en Afrique. « La relation entre la France et le Rwanda est restée très froide depuis le génocide en 1994 qui avait fait près de 800 000 morts. La France a donc voulu faire plaisir au Rwanda pour gagner un nouvel allié », explique un expert en relations internationales sous le couvert de l’anonymat. « Amadouer Paul Kagame est important. Le Rwanda est un petit pays, mais qui peut déstabiliser la région en cas de conflit », ajoute-t-il.

Côté canadien, le député Jacques Chagnon, président de l’Assemblée nationale québécoise, interrogé par L’Orient-Le Jour, estime que « l’affaire ne mérite pas un conflit avec Paris », même s’il voit dans la démarche de M. Macron une action visant uniquement les intérêts de la France. Mardi, le Québec a officiellement annoncé qu’il ne soutenait plus la candidature de Michaëlle Jean. « Nous nous joindrons au consensus africain qui est plein de potentiel », a annoncé François Legault, dirigeant du parti nationaliste Coalition Avenir Québec (CAQ), qui vient d’être élu à la tête de la province canadienne.

Le gouvernement canadien a, de son côté, affirmé avoir « décidé de se rallier au consensus, comme c’est la tradition: ça a toujours été la manière de faire, on ne va pas la changer ». Selon la tradition, le secrétaire général de l’OIF est élu parmi les pays du Sud, alors que l’administrateur de l’organisation est choisi parmi les pays du Nord.


(Lire aussi : La francophonie au bord de la cacophonie ?)


Retrait saoudien

Outre les discours d’ouverture, l’autre événement de la journée d’hier a été le retrait, par Riyad, de sa demande d’adhésion à l’OIF. Un retrait derrière lequel une source au sein de l’OIF voit aussi la main de Paris. « Comme par enchantement, l’Arabie saoudite a retiré sa candidature à l’OIF. La France a dû convaincre Riyad de le faire, pour s’assurer la sympathie du Canada sur ce sujet. Ce sera donnant-donnant (le retrait de l’Arabie contre un soutien canadien à Louise Mushikiwabo, NDLR) », affirme cette source.

Le Canada, deuxième bailleur de fonds de l’OIF, et l’Arabie saoudite traversent une crise diplomatique depuis quelques mois, après qu’Ottawa a critiqué la répression au sein du royaume. La candidature de Riyad avait, en outre, suscité une levée de boucliers, notamment en raison de ses atteintes en matière de droits de l’homme. La publicité autour de l’affaire de la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui aurait été tué dans le consulat de son pays à Istanbul, selon des responsables turcs, a certainement également compromis l’intégration du royaume. Ce dernier a fait parvenir hier un courrier à l’OIF demandant « le report » de la demande d’adhésion, a indiqué à l’AFP Bertin Leblanc, porte-parole du secrétariat de cette organisation. Lors de son discours hier à l’inauguration du sommet d’Erevan, Michaëlle Jean a semblé être plus combative que jamais, appelant les pays membres à transformer les valeurs de la francophonie en actes et à ne pas succomber à l’action partisane. Quel que soit le résultat des débats aujourd’hui, il est intéressant de noter que deux femmes s’affrontent pour prendre la tête de cette organisation internationale. Une situation inédite pour une institution intergouvernementale.



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commentaires (4)

Je me demande donc ... pourquoi l'Arménie serait-il un pays francophone ? J'ai lu "des histoires singulières, des particularismes géographiques et politiques expliquent cet attachement à la langue française" car ce n'est pas et n'était pas historiquement sous influence française.

Stes David

20 h 41, le 12 octobre 2018

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Commentaires (4)

  • Je me demande donc ... pourquoi l'Arménie serait-il un pays francophone ? J'ai lu "des histoires singulières, des particularismes géographiques et politiques expliquent cet attachement à la langue française" car ce n'est pas et n'était pas historiquement sous influence française.

    Stes David

    20 h 41, le 12 octobre 2018

  • Le monde doit progresser quoi qu'il arrivé. Et la francophonie est une vision de ce monde.

    Sarkis Serge Tateossian

    20 h 15, le 12 octobre 2018

  • reinventer la francophonie ? impossible de faire mieux, tant qu'on ne delie pas beaucoup plus la bourse. disent les americains: Money talks, B S walks !

    Gaby SIOUFI

    10 h 59, le 12 octobre 2018

  • ET POURQUOI PAS TRUMP ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 53, le 12 octobre 2018

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