La directrice du quotidien libanais arabophone an-Nahar, Nayla Tuéni, a expliqué jeudi que la décision du journal de publier huit pages blanches aujourd'hui était un cri contre la situation moribonde du pays, et pas seulement contre la crise que la presse libanaise connaît depuis des mois.
La décision du prestigieux journal a créé la surprise ce matin. La tête de la page d'accueil du site web d'an-Nahar affichait également une page blanche ce matin. Sur Twitter, le journal a également partagé une image blanche.Lors d'une conférence de presse tenue peu après midi, stylo brandi devant les micros, la directrice d'an-Nahar a tiré la sonnette d'alarme : "La plume est une arme, et les pages blanches du Nahar aujourd’hui sont notre arme. L'objectif de notre plume est de transmettre la douleur du peuple. Et le peuple est fatigué. Le Nahar est fatigué de reproduire vos promesses non tenues", a-t-elle lancé en s'adressant aux responsables politiques. Dénonçant le retard dans la formation du gouvernement depuis mai dernier, l'ancienne députée a lâché : "Dieu sait combien de jours nous devrons attendre encore pour voir la formation du gouvernement. Le temps passe et les dangers s'accumulent. Nous crions aujourd'hui : cette situation ne peut plus durer".
"Les pages blanches du Nahar sont une forme d'expression (...) par rapport à la situation catastrophique du pays. Nous croyons en notre pays, et nous allons continuer à lutter pour lui. (...) Je veux lancer un slogan aujourd'hui : +un Nahar blanc face à l'obscurantisme+. La presse restera le miroir des souffrances du peuple. Nous espérons que cette publication sera une sonnette d'alarme. Même durant la guerre, le pays n'allait aussi mal qu'aujourd'hui".
"Nous voulons un pays qui se porte bien"
"Certes, il y a une crise de la presse dans le monde. Mais je ne crains pas pour an-Nahar. Si le pays va bien, le journal ira bien. Notre message est le suivant : nous voulons un pays qui se porte bien", a ajouté Nayla Tuéni. "Bien sûr, nous allons continuer à imprimer notre journal en version papier, et la version électronique continuera aussi", a-t-elle assuré.
"Le pays connaît une grande crise, et nous devons tous nous mobiliser. Que deviendra le Liban sans la presse ? Nous voulons un pays sain, une économie saine, ne plus craindre les maladies et la dégradation de l'environnement, ou l'exil de nos enfants. Chaque secteur dans ce pays est en crise".
Nayla Tuéni a enfin annoncé que les plumes des journalistes d'an-Nahar reprendraient l'écriture immédiatement après cette conférence de presse.
Réagissant à l'initiative d'an-Nahar, le chef des Kataëb, le député Samy Gemayel, l'a qualifiée sur son compte Twitter de "message puissant qui reflète le degré de négligence de l'Etat vis-à-vis du quatrième pouvoir et surtout la presse écrite". Le leader chrétien a "salué tous les militants dans ce secteur qui font face à toute sorte d'obstacles afin de faire parvenir leur message".
Le député de Jbeil, Ziyad Hawat, a pour sa part parlé d'un "cri inédit de la part d'an-Nahar qui exprime une grande douleur". "Nous craignons la mort d'une partie du Liban, sa liberté, et c'est pour cela qu'il est de notre devoir de soutenir la presse écrite (...)", a écrit M. Hawat sur son compte Twitter.
Sur les réseaux sociaux, les huit pages blanches du quotidien ont créé le buzz, beaucoup d'internautes s'interrogeant sur les raisons ayant poussé le journal à prendre cette initiative.
"Le quotidien libanais an-Nahar sort avec huit pages blanches aujourd'hui et ce n'est pas encore clair pourquoi", écrit cet internaute.
"Des pages blanches aujourd'hui dans les éditions papier et numérique d'an-Nahar... Probablement pour mettre la lumière sur la crise que traverse la presse écrite au Liban", estime un autre.
En début de semaine, le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi avait discuté avec le président de la Chambre, Nabih Berry, de la situation des médias et des projets de lois qu’il a présentés à ce sujet. M. Riachi a fait part à M. Berry de sa décision d’ouvrir la voie à une saisine directe du Parlement des textes qu’il avait soumis au gouvernement et qui ont été bloqués pour des raisons inconnues. Selon M. Riachi, deux propositions de lois seront transmises à la Chambre des députés sous le chapitre de la législation de nécessité. M. Riachi avait mis en place un comité ad hoc qui doit assurer le suivi nécessaire sur ce plan auprès des trois pôles du pouvoir et des responsables concernés.
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A ceux qui opposent version papier à version électronique, vous passez à côté, mais vraiment à côté. Réveillez-vous, on a l’impression de parler aux morts, le problème n’est pas le soutien (papier ou électronique) mais le contenu qui laisse les lecteurs pantois (hébétés, sans voix, sans réaction, imbé...., bouche-bée et ainsi de suite). Au risque de me répéter, la tindahi ma fi 7ada....
18 h 18, le 11 octobre 2018