Pour la deuxième fois cette année, la Banque mondiale (BM) a revu à la baisse ses attentes concernant les performances de l’économie libanaise, dans son dernier bulletin trimestriel d’information économique de la zone MENA publié la semaine dernière. L’organisation internationale estime que la croissance du pays ne devrait pas dépasser 1 % en 2018, alors qu’elle était sur une projection de 2 % en avril. Un an plus tôt, ses experts misaient sur un PIB à +2,5 % sur le même exercice.
Même topo pour les prévisions à moyen terme : la BM estime en effet que le pays devrait afficher 1,3 et 1,5 % de croissance respectivement en 2019 et 2020 alors qu’elle tablait sur +2 % pour chacune des deux années dans son rapport d’avril. La BM estime ainsi que l’absence de pistes « évidentes » pour relancer l’économie libanaise dans le contexte actuel devrait condamner le pays à tourner au ralenti sur le moyen terme, ce qui aura également « un impact sur le niveau de pauvreté ».
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Assez de querelles
Ce constat franchement pessimiste survient alors que la formation du nouveau gouvernement est bloquée depuis environ cinq mois par des tensions politiques qui irritent une grande partie de la population. « Les gens sont à sec et en ont assez des querelles de politiciens. Qu’ils se mettent au travail à la fin », maugrée la gérante d’un salon de beauté contactée par L’Orient-Le Jour. « L’activité est au point mort et ceux qui ne sont pas déjà en position de force sur le marché sont étranglés par la conjoncture et les intérêts bancaires », lâche, de son côté, un grossiste établi dans le Metn. Un mécontentement en phase avec celui des représentants de nombreuses organisations patronales, professionnelles et syndicales qui se sont rassemblés fin septembre pour dénoncer à l’unisson les dégâts provoqués par le blocage de la formation du nouveau gouvernement.
Mais, pour la BM, la formation d’un nouvel exécutif ne devrait pas suffire à elle seule à accorder beaucoup de répit au pays, comme avait pu le faire l’élection du président Michel Aoun après deux ans de paralysie des institutions. Selon la BM, « la dépendance croissante du Liban envers les investisseurs étrangers sur les deux dernières années a augmenté l’exposition du pays aux marchés mondiaux. Par conséquent, la récente normalisation des taux d’intérêt mondiaux a eu un impact sur les rendements des eurobonds libanais (titres de dettes en devises), ce qui s’est manifesté par une forte hausse des prix des crédit default swap (CDS, contrat qui couvre contre le défaut de paiement de l’État) ».
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Taux américains
Une tendance suivie de près, depuis le début de l’été, par plusieurs titres de presse étrangers, dont le Financial Times qui a consacré un article jeudi aux risques que fait peser cette situation sur la notation souveraine du pays, que les principales agences de notations américaines maintiennent encore inchangée, à un maigre échelon au-dessus de catégories les plus spéculatives. Cette dynamique est d’autant plus dangereuse que l’endettement du pays, qui à 83 milliards de dollars à fin juin devrait atteindre 154,6 % du PIB à la fin de l’année selon le rapport, est surveillée avec inquiétude par ses créanciers. La BM table d’ailleurs sur un ratio dette/PIB de 166 % en 2020, si le Liban ne fait rien pour rectifier cette trajectoire. Il reste que, la semaine dernière, les rendements moyens des eurobonds comme les prix des CDS, toutes maturités confondues, semblaient s’être stabilisés, à respectivement près de 10 % et environ 700 points.
Le rapport de la BM pointe également du doigt les problèmes posés par l’indexation de la livre libanaise au dollar, en vigueur depuis 1997, qui réduit sa marge de manœuvre sur le plan financier, notamment en cas de coup dur. Une parité qui requiert de maintenir un flot entrant de devises que les banques libanaises ont de plus en plus de mal à attirer avec la hausse des taux américains (plus de 8 fois depuis 2015). Dans un rapport publié ce week-end, le département de recherche de Blominvest estime néanmois que l’abandon de ce système aurait plus d’inconvénients que d’avantages pour l’endettement du pays.
Enfin, la BM exhorte le Liban à s’empresser de mettre en œuvre les engagements pris à la conférence dite CEDRE, en avril dernier à Paris, qui demeure, à ses yeux « une opportunité unique pour permettre au Liban de doper son économie de façon durable et d’attirer des capitaux étrangers dont elle a tant besoin ». Les soutiens du Liban ont promis de débloquer plus de 11 milliards de dollars d’aides en prêts et dons pour financer la première phase d’un programme de réhabilitation et de modernisation des infrastructures. En échange, le gouvernement sortant s’est engagé à réduire le déficit public de cinq points de pourcentage en autant d’années, un objectif qui peut désormais être difficilement entamé en 2018 sans réduire les dépenses publiques, le niveau des recettes, notamment fiscales, étant logiquement impacté par le ralentissement économique. Le contrôle de la trajectoire de l’endettement public ou encore la réforme de l’électricité font partie des engagements prioritaires.
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sacrilege, crime contre la nation que de prevoir telle baisse ! faux archi faux !
12 h 49, le 09 octobre 2018