Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d’un discours télévisé. Photo d’archives AFP
Dans un discours prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la bataille du jurd de Ersal, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a mis en garde hier contre les velléités de lier la formation du gouvernement au verdict attendu du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) qui juge les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, conseillant à ses adversaires politiques de « ne pas jouer avec le feu ». Il a également appelé à hâter la formation du cabinet, concédant cette fois-ci que la question litigieuse des relations avec la Syrie devrait être discutée après la mise en place du gouvernement. « Durant les derniers jours, certains milieux de la coalition du 14 Mars ont affirmé que le retard dans la formation du gouvernement n’est pas dû aux revendications politiques en matière des quotes-parts ministérielles, mais plutôt au fait qu’en septembre, le Tribunal spécial pour le Liban va énoncer son verdict, et que la situation au Liban sera considérablement impactée par le verdict. Ce tribunal n’a aucune valeur et aucune légitimité à nos yeux, et toutes ses décisions n’ont aucune valeur pour nous. À ceux qui misent sur cela, nous disons : ne jouez pas avec le feu », a martelé Hassan Nasrallah.
Le TSL a annoncé mardi dernier avoir fixé du 11 au 21 septembre 2018 le dépôt des mémoires en clôture des parties et des victimes. Pour la première fois, l’accusation situe les motifs politiques des accusés dans le cadre de leur appartenance au Hezbollah. Mais contrairement à ce qu’avance Hassan Nasrallah, l’énoncé du verdict devra attendre la délibération de la chambre, qui devrait prendre quelques mois.
Dans ce qui est apparu comme une concession par rapport à sa dernière position concernant la normalisation avec la Syrie, le leader chiite a indiqué que cette question pourra être examinée après la formation du cabinet.
« Les relations avec la Syrie ainsi que la déclaration ministérielle seront discutées après la formation du gouvernement. C’est une erreur d’en faire un obstacle », a-t-il dit. Hassan Nasrallah avait pourtant invité, le 14 août dernier, M. Hariri à ne pas être catégorique dans ses positions concernant la normalisation avec la Syrie, soulignant que le « Liban n’est pas une île isolée de son environnement ».
(Pour mémoire : TSL : fin des audiences en septembre, le Hezbollah dans le viseur)
Son appel est survenu après une série de sollicitations exprimées par plusieurs personnalités du camp prosyrien, et du ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, en vue de renouer les relations officielles avec Damas, « dans l’intérêt économique du Liban ». Des exhortations que nombre d’analystes ont considérées comme étant une carte de pression utilisée contre le Premier ministre dans le cadre de la formation du gouvernement. M. Hariri avait refusé tout débat autour de cette question.
Hassan Nasrallah est toutefois revenu à la charge en invoquant le dossier du retour des réfugiés qu’il a lié à la reprise des relations avec la Syrie, mais aussi la nécessité de la « coordination sécuritaire » avec le pays voisin. « Une fois la guerre (en Syrie) terminée, l’échéance sécuritaire sera la plus importante », a-t-il dit, en évoquant le risque de la réactivation des cellules dormantes au sein des groupes résiduels terroristes.
« Le temps presse », a enchaîné Hassan Nasrallah, exhortant les parties concernées à ne pas tabler sur les expériences précédentes, notamment sur celle de la formation du gouvernement de Tammam Salam qui avait mis neuf mois avant de voir le jour, alléguant la précarité de la situation financière et économique du pays, ainsi que la situation régionale et que « les échéances qui nous attendent doivent nous pousser à résoudre cette question rapidement ».
(Pour mémoire : Gouvernement : Nasrallah menace de hausser les enchères)
Le Hezbollah ne contrôle pas l’État
Sur le plan politique, le chef du Hezbollah a commenté les obstacles concernant la formation du nouveau gouvernement, soulignant que bien qu’il soit le parti « le plus puissant » au Liban, le Hezbollah est celui qui a « le moins d’influence au sein de l’État ».
« Après les élections législatives (du 6 mai dernier), on a dit que le Hezbollah contrôle le Liban et l’État, et qu’aucune décision ne peut se prendre sans son approbation. Ceux qui affirment cela mentent, et ils le savent. Ces propos ont pour but de tenir le Hezbollah pour responsable de tout ce qui se passe au Liban, la situation économique, financière, les conflits politiques, etc., et cela afin de ternir notre image dans le monde et pour inciter notre base populaire à se soulever. »
Hassan Nasrallah a également désavoué les propos selon lesquels le chef de l’État et le CPL dont il est le fondateur seraient inféodés au parti chiite.
« Depuis l’élection du président Michel Aoun à la magistrature suprême, on dit que le président de la République exécute les ordres du Hezbollah. Ces propos sont mensongers. La relation entre le Hezbollah et le président Aoun est basée sur la confiance et le respect mutuels, et aucune partie ne dicte ses orientations à l’autre, même si parfois il arrive que nous partagions la même vision sur certains dossiers », a-t-il dit.
Le chef du Hezbollah a également démenti les accusations selon lesquelles certains dirigeants du CPL financeraient le Hezbollah (en allusion à des accusations portées contre l’ex-ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, affilié à la formation aouniste). « C’est une insulte à l’égard du CPL et du Hezbollah », a ajouté Hassan Nasrallah, en soulignant « l’importance » des moyens financiers dont le parti continue de disposer.
(Lire aussi : Le plan "révolutionnaire" d'un ancien chef du Mossad pour vaincre le Hezbollah...)
Baalbeck-Hermel
Le chef du Hezbollah a consacré par ailleurs tout un volet de son discours à la question du développement de la Békaa, devenu une « priorité », a-t-il dit. Ce sujet et la criminalité rampante devenue incontrôlable dans cette région avaient suscité des tensions au sein de la communauté chiite, notamment après un tweet lancé par Jamil Sayyed, député de la région, accusant le mouvement Amal d’avoir délaissé cette région alors que le Hezbollah a œuvré à faire prospérer le Liban-Sud.
« Nous nous sommes mis d’accord avec le mouvement Amal sur notre priorité pour la prochaine étape qui sera consacrée à la région de la Békaa et sa population. Les députés de Baalbeck-Hermel et du Hezbollah présenteront une proposition de loi afin de mettre en place un conseil de développement pour la Békaa, une fois le nouveau gouvernement formé. Cette instance pourra attirer des dons et des prêts », a annoncé Hassan Nasrallah avant d’affirmer que l’alliance concoctée par les deux formations chiites est « existentielle ».
Le leader chiite a enfin appelé sa base à ne pas se laisser entraîner dans « le complot visant à éroder le parti de l’intérieur, et à monter sa base contre lui ».
« Toutes les accusations contre le Hezbollah ne terniront pas l’image du parti auprès de sa base populaire », a-t-il ajouté en faisant assumer à ses sympathisants la responsabilité d’œuvrer à « sauvegarder » le parti.
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No mais quoi encore? !!!!
07 h 47, le 28 août 2018