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Liban - Révélations

Les prisons secrètes multifonctions du Hezbollah au Liban et en Syrie

Outre Beyrouth et la Békaa, les centres de détention mis en place par la milice pro-iranienne dans ses zones d’influence en Syrie serviraient entre autres à « une purge démographique », selon Fidaa Itani, journaliste exilé à Londres, interrogé par « L’Orient-Le Jour ».

Photo archives

Plusieurs localisations de prisons secrètes du Hezbollah à Beyrouth ont été énumérées samedi par un jeune chiite, Ali Walaa Mazloum, dans un post Facebook repris par plusieurs médias en ligne. Fils de Hussein Mazloum, alias hajj Walaa, ancien cadre du Hezbollah mort au combat en Syrie, l’auteur du post – injoignable depuis hier, selon un proche du jeune homme, interrogé par L’OLJ et qui a requis l’anonymat, et qui avait pourtant réussi à le contacter samedi – affirme avoir été détenu et torturé pendant environ un an dans l’une des prisons secrètes du parti chiite dans la banlieue sud.

Il en répertorie cinq en les situant avec précision par rapport aux commerces ou établissements environnants, photos à l’appui : la prison centrale située à Haret Hreik dans un abri souterrain relevant de la Fondation Beydoun pour la vente de chaises, une autre à Bir el-Abed (derrière le siège de la coopérative islamique), une troisième aménagée au septième étage du centre d’interrogatoire situé près du complexe d’al-Qaëm, la prison de Bir el-Abed près du complexe de Sayida Zaynab, et une dernière située près du complexe d’al-Moujtaba, derrière le siège de la télévision al-Manar.

Ces prisons, dit-il, sont « gérées par les deux unités de protection et de sécurité préventive » du parti et servent à accueillir « certains partisans qui ont commis des violations, ou certains Libanais (non partisans) et étrangers ». Ceux-ci sont séquestrés après avoir été « arrêtés ou kidnappés pour différents griefs ». « Dans ces prisons, le prisonnier est complètement interdit de voir la lumière du jour, étant astreint à rester dans une cellule d’isolement de 1,5 mètre de longueur et d’un mètre de largeur. Il lui est interdit de voir la télévision, de s’informer de ce qui se passe à l’extérieur, ni même de disposer de mouchoirs, de crayons ou de papiers », témoigne-t-il, avant de mentionner « les coups et la torture par tous les moyens, physiques et mentaux, subis par les prisonniers ». S’ils ne subissent pas une « privation prolongée d’alimentation », les prisonniers ne sont servis que « d’aliments de très mauvaise qualité et nuisibles à la santé ». Le seul contact autorisé entre les prisonniers et leurs proches se fait par visite d’une demi-heure par mois ou tous les deux mois, à condition que le prisonnier ne s’exprime pas sur les conditions de sa détention, « sous peine d’être torturé et privé de visites pendant quatre mois au moins et de subir une torture en parallèle », ajoute cet homme originaire de Brital (Baalbeck). 

« J’ai subi avec ma famille toutes formes d’humiliation (…). J’entends intenter bientôt une action en justice (…), ce post pourrait me ramener en prison (…), mais je n’ai plus rien à perdre », conclut l’ex-partisan qui a voulu révéler « l’autre face du Hezbollah ».

Des sources du Hezbollah citées par la LBC confirment l’arrestation de M. Mazloum « pour son implication dans un trafic de drogue en Syrie ». Ce qui veut dire que le parti chiite a décidé de lever sa couverture sur les activités de son partisan pour des raisons qu’il reste à vérifier.

Mais, par-delà ce cas en soi, ce qu’il rapporte sur les prisons du parti chiite est confirmé par plus d’une personne interrogée par L’Orient-Le Jour. Sur la forme, le chercheur Lokman Slim, chiite indépendant, précise ainsi que « l’existence de ces prisons est une lapalissade pour les Libanais habitués aux méthodes du Hezbollah, notamment sa base populaire. Ce n’est un secret pour personne que les centres religieux constituent une couverture pour les centres de détention, ou les activités militaires du Hezbollah ».


Arrestations d’Européens
Sur le fond, la brève mention que Ali Mazloum fait sur l’arrestation d’étrangers est vérifiée par des informations que L’OLJ a pu obtenir sur deux cas de séquestration d’Européens. Il y a trois mois, un couple d’Allemands, arrêté dans la banlieue sud, aurait passé trois jours dans un centre de détention du Hezbollah, avant d’être livré à la Sûreté générale puis refoulé du territoire pour liens de parenté avec un journaliste basé à Jérusalem, apprend-on de sources diplomatiques accréditées à Beyrouth. Une citoyenne suisse aurait elle aussi été séquestrée pendant 48 heures puis libérée selon le même mécanisme, après avoir pris des photos dans la banlieue sud, rapportent ces mêmes sources. Pour rappel, le représentant du Parti socialiste français auprès de l’Internationale socialiste, Karim Pakzad, avait été appréhendé par des éléments armés du Hezbollah en 2008 pour avoir pris des photos d’une mosquée dans la banlieue sud. Sa détention de quelques heures avait été reconnue par le parti chiite, après la condamnation de l’incident par le Quai d’Orsay.


Réfugiés syriens remis à Damas
Il y a par ailleurs des informations que livre à L’OLJ le journaliste Fidaa Itani, exilé à Londres, jadis proche du Hezbollah, et qui avait eu l’occasion de faire une tournée dans l’un de ses centres.
Il s’attarde sur les cas d’arrestations de réfugiés syriens dans les geôles du Hezbollah, et étaye ce faisant la thèse de Ali Mazloum. « Dans la foulée des attentats terroristes ayant visé la banlieue sud entre 2012 et 2013, des milliers de réfugiés syriens ont été arrêtés dans les prisons du Hezbollah dans la banlieue sud, le plus souvent arbitrairement, subissant des interrogatoires de plusieurs mois, avant d’être livrés soit à l’État libanais, soit au régime syrien », affirme M. Itani, qui pose la question subsidiaire de savoir comment des Syriens ayant fui le régime et censés bénéficier d’une protection onusienne se voient ainsi livrés à leur bourreau en Syrie, depuis le territoire libanais, et sous l’égide du Hezbollah ? Il souligne en outre que des agents de services libanais sont même soupçonnés d’avoir pris l’initiative de livrer au parti chiite certains opposants syriens présents au Liban. Nombreux sont ceux qui sont portés disparus depuis 2011.
Et ceux qui parmi les Syriens ont été libérés et sont restés au Liban opposent un silence complet à toute question sur leur expérience dans les prisons du Hezbollah, constatent de pair MM. Itani et Slim.


Des chiites naturalisés syriens
Fidaa Itani révèle par ailleurs l’existence d’autres centres de détention du parti chiite en dehors de la capitale, précisément à Baalbeck et dans le Hermel (Békaa-Nord), limitrophe de la Syrie. D’autres se situeraient en territoire syrien, là où le Hezbollah a une emprise « totale », comme Qousseir (qui fait face au Hermel) ou Sayida Zeinab (dans le rif de Damas) – une emprise opposable même aux services de renseignements syriens. « Il faut savoir que là où il y a une zone sécurisée du Hezbollah, ou un dépôt d’armes, il y a un centre de détention central ou secondaire, parfois itinérant », précise-t-il. « Aussi bien au Liban qu’en Syrie, les prisons du Hezbollah accueillent des Syriens de l’opposition civile, des islamistes, des membres du Front al-Nosra ou des membres de l’État islamique (ces derniers sont souvent transformés en agents du Hezbollah) » , ajoute le journaliste.

Ces centres de détention ont des finalités militaires, certes, mais sont devenus aussi, en Syrie notamment, « les centres du pouvoir iranien », le support de sa politique expansionniste. Ils constituent un lieu de répression pour les Syriens civils qui refusent de coopérer avec le Hezbollah sur des questions qui sont pour lui d’ordre stratégique, comme la vente de leurs terrains. Fidaa Itani donne l’exemple de propriétaires de terrains situés dans les environs de zones de combats, comme à Zabadani (aux environs de Madaya), où les habitants sunnites ont fini par vendre leurs propriétés foncières à la milice chiite, souvent par la force, après un passage dans l’un de ses centres de détention. Cet exemple se serait reproduit à Baba Amr (Homs).  Si le Hezbollah a tenu à acheter les terrains alors qu’il aurait pu les confisquer de facto, c’est qu’il « tient à établir une présence chiite irrévocable sur le long terme », fait remarquer M. Itani.

Cette « purge démographique », selon lui, aboutit progressivement à une recomposition du territoire syrien sur des bases communautaires, qui se confirme rapidement : le Hezbollah aurait déjà offert aux familles de ses « martyrs » des propriétés foncières en Syrie et « des milliers de chiites, libanais ou non, auraient été naturalisés syriens ». « La Syrie qui comptait un maximum de 300 000 chiites avant la guerre en compte désormais près de 800 000 », affirme avec certitude le journaliste.



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commentaires (11)

Avant de se prononcer il faudra peut être attendre les résultats du "décryptage" ...

Wlek Sanferlou

16 h 43, le 21 août 2018

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • Avant de se prononcer il faudra peut être attendre les résultats du "décryptage" ...

    Wlek Sanferlou

    16 h 43, le 21 août 2018

  • Si la surete et l'armee Libanaise ne prennent pas d'assaut ces prisons IMMEDIATEMENT et liberent les detenus ils sont aussi responsable que le HB car ils ne pourront pas dire , je ne savais pas Du President de la Republique au Premier ministre nomme et au President de la Chambre VOUS ETES COMPLICES DE CET ETAT DE FAIT SI VOUS N'AGISSEZ PAS IMMEDIATEMENT CE SERA HONTE A VOUS MONTREZ VOUS A LA HAUTEUR DE LA SITUATION

    LA VERITE

    18 h 33, le 20 août 2018

  • C'est très nuisibles et regrettables tout ceci .... pour notre république, notre Liban, notre patrie, nos familles et proches qui vivent cette même situation d'incertitude et d'insécurité. Il faut réparer cet état de fait un jour ou l'autre et au plutôt le mieux! Cela dit ... cette situation est tout simplement dû au "statut" de résistant, du parti Hezb, (que l'on soit pour ou contre, c'est un fait accompli et accepté par certains, voir par l'état lui-même pour le moment). Ce statut est un statut d'une milice en temps de guerre (autrement dit, une partie du Liban est plus concernée par la guerre, à l'intérieur des frontières et à l'extérieur, et y participe) Souvenons nous lors de la guerre fratricide du Liban, la quasi totalité des milices (de droite ou de gauche, musulmans ou chrétiens) avaient leurs "prisons" ou "cachots" qui leur servaient à faire "leur loi" en cas de besoin (ceux qui sont tentés de nier ce fait sont des menteurs) Est-ce une bonne chose ? MILLE FOIS NON et cela est nuisible à notre sécurité à tous, tout simplement. Espérons un retour au normal au plus vite.

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 53, le 20 août 2018

  • Et après de telles révélations...on s'étonne encore que le Hezbollah soit taxé de terroriste par la communauté internationale ? Et qu'en pensent nos responsables, les tout grands et petits, les plus ou moins importants ? Vont-ils aussi mettre en piste ceux qui traquent tous ceux qui mettent en lumière ce qui se passe dans notre Liban depuis un certain temps ? Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 04, le 20 août 2018

  • IL Y A ARRESTATIONS ET DETENTIONS QUAND IL Y A DECISIONS JUDICIAIRES... IL Y A RAPTS ET HOTAGES AUTREMENT !,

    ECLAIR

    15 h 51, le 20 août 2018

  • Déconstruire le discours du Hezbollah Dénoncer ses méthodes .... Tout cela est un devoir moral d'abord. Merci à la journaliste Sandra Noujeim qui a écrit cet article.

    COURBAN Antoine

    15 h 20, le 20 août 2018

  • Comment peut-on expliquer la genèse du Hesb et l’acquisition du statut d’un état dans l’état. Tout d'abord le Hezbollah s'est élaboré sur le mythe de la résistance et héros populaire. Cette attitude se retrouve dans l'expression :(homme de sagesse Alfakih), applicable au gourou du HESB. On voyait en lui l'homme « capable de connaître le juste et disposant de tous les moyens de l'imposer même aux plus puissants ». Dans le chiisme, cette perception du sage reste durable. Face à la tyrannie des féodaux et des serviteurs du pouvoir central, l'esprit de résistance habituait à vivre contre l’état légitime. Cette façon de distinguer entre la loi officielle et le patriotisme, ou plus tard la classe sociale, est l'un des traits fondamentaux de la conscience des chiites, élaborée à travers 14 siècles de la plus tourmentée des histoires, comprimée dans le cadre du monde arabe sunnite, placée au périphéries des routes du pouvoir.

    DAMMOUS Hanna

    10 h 20, le 20 août 2018

  • pourquoi hezb serait il different de tous les autres pays arabes ? pourquoi hezb serait il different de son patron vali fakih et l'Iran ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 11, le 20 août 2018

  • Et voila ce que nous disions depuis déjà plus de 15 ans... C'est a Qussair que les chiites finiront... C'est peut être la seule facette positive de l'intervention du Hezbollah en Syrie. Maintenant reste a savoir comment les Russes, Bachar et cette nouvelle invasion va-t-elle faire bon ménage... A suivre...

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 02, le 20 août 2018

  • Je remarque dans cet article quelques expressions qui me semblent impropres, ou, ♪ tout le mins constituer des euphémismes inutiles. Ainsi, on parle de "milice pro-iranienne", "milice iranienne" serait plus exact (de même que l'on parle souvent de "tutelle syrienne" alors qu'il faudrait dire "occupation syrienne"). On parle d'"arrestations" opérées par le Hezbollah. Il faudrait dire "kidnapping". Le terme "arrestation" s'applique à une action menée par des forces et dans des formes légales. "L’ex-partisan a voulu révéler « l’autre face du Hezbollah »". De quelle "autre face" s'agit-il? celle qui nous montre est connue de tous. Peut-être voulait-il dire "le vrai visage" du Hezbollah? Enfin, je remarque que les prisons israélienes ou un Samir Quntar, assassin d'une fillette de 5 ans, a pu poursuivre des études, se marier et concevoir un enfant, sont des palaces 5 étoiles à côté de celles de notre pseudo-résistance!

    Yves Prevost

    07 h 18, le 20 août 2018

  • Du fascisme ordinaire, toléré par notre gouvernement depuis des années. Dire que c'était un pays démocratique.

    TrucMuche

    01 h 05, le 20 août 2018

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