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Liban - Sécurité

Au Liban, le débat sur la capacité de nuisance de l’EI est relancé

Un jeune homme de 23 ans, arrêté depuis plus de deux semaines, comptait mener des attentats contre une église et un barrage de l’armée pour le compte de l’organisation terroriste.


L’EI est-il encore capable de faire mal au Liban ? Photo Reuters

Un jihadiste libanais de 23 ans, qui projetait d’attaquer des barrages de l’armée libanaise et une église pour le compte du groupe État islamique, a été arrêté au Liban-Nord, ont annoncé les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI). La mise en échec de cette opération, qui n’est pas la première du genre cette année, a suscité des interrogations sur le potentiel du mouvement jihadiste et sa capacité à initier des opération au Liban, qui n’a pourtant plus connu d’attentats depuis la série qui a endeuillé le village de Qaa dans la Békaa, en juin 2016.

Dans les faits, relatés dans un communiqué publié par les FSI, les services de renseignements ont arrêté à Jabal el-Beddaoui, à Tripoli, H. S., membre de l’EI. Le texte publié par les FSI ne précise pas toutefois la date de l’arrestation.

D’après notre confrère an-Nahar qui cite des sources de sécurité, l’arrestation a eu lieu il y a deux semaines. Des sources proches du dossier ont indiqué à L’Orient-Le Jour que l’arrestation a eu lieu il y a quelque temps déjà, « depuis près d’un mois », mais qu’elle n’a pas été annoncée en temps voulu afin de « pouvoir verser suffisamment d’éléments pertinents au dossier ».

Lors de son interrogatoire, le jeune homme a avoué qu’il planifiait un attentat-suicide contre une église dans la région du Liban-Nord ainsi que des attaques contre des barrages de l’armée au Liban-Nord, à la demande de membres de l’EI en Syrie avec lesquels il était en contact. Le communiqué ne précise pas la région dans laquelle se trouve l’église visée.

H.S. avait passé trois ans à la prison de Roumieh avant d’en sortir en 2017, précise le communiqué des FSI. Il avait été incarcéré pour avoir appartenu à l’EI et avoir planifié de rejoindre le groupe en Syrie. À sa sortie de prison, le jeune homme a avoué être rentré en contact avec un proche, M.S., membre de l’EI en Syrie, pour lui demander de l’aider à se rendre dans ce pays afin de combattre dans les rangs du groupe jihadiste. M.S. lui a demandé de rester plutôt au Liban afin d’y mener des attaques contre des soldats et des barrages de l’armée libanaise dans le Nord, lui promettant de lui envoyer « des armes et des ceintures explosives depuis la Syrie via Wadi Khaled », indiquent les FSI. Via ce proche, H.S. est entré en contact avec un autre membre de l’EI, un certain Abou Hicham, qui lui a demandé de planifier un attentat-suicide contre une église. « Il a accepté ce qui lui a été proposé sans hésiter et a fait part de son enthousiasme et sa disposition à cibler les barrages de l’armée libanaise et les églises », soulignent les FSI, indiquant que l’homme avait notamment planifié d’attaquer un barrage de l’armée à Beddaoui, à Tripoli. Des sources proches du dossier ont indiqué que la ceinture d’explosifs et les armes que H.S., qui était sous surveillance, devait réceptionner « ont tardé à venir de Syrie, et la décision de l’arrêter a alors été prise ».

En outre, les FSI ont arrêté à Wadi el-Nahleh, toujours à Tripoli, A.S., un Libanais âgé de 19 ans. Il a reconnu que H.S. lui avait proposé de l’accompagner en Syrie pour rejoindre l’EI et qu’il avait accepté cette proposition. H.S. lui a également proposé de travailler pour l’EI au Liban et de prendre pour cible l’armée libanaise et une église, chose qu’il a refusée.


(Lire aussi : Menace terroriste : le Liban est-il plus sûr aujourd'hui ?)


« L’EI n’est plus »

L’annonce de cette nouvelle arrestation a relancé le débat autour de la force de frappe que détiendrait encore l’État islamique, une organisation agonisante dont la base, principalement en Syrie et en Irak, a été réduite à néant. Démantelé, les foyers de l’EI à Raqqa et, avant, à Mossoul ne sont plus opérationnels comme ils le furent à l’époque de la « gloire » du mouvement jihadiste. Toutefois, commente le journaliste et spécialiste des questions sécuritaires, Riad Tawk, pour L’OLJ, « la hiérarchie est toujours en place, même si le mouvement ne peut plus compter sur une infrastructure. Leurs éléments contrôlent encore certains quartiers en Syrie et opèrent dans le cadre de cellules dormantes ».

Au Liban, où les forces de l’ordre – FSI, Sûreté générale et armée – sont mobilisées depuis la série noire des attentats qui se sont succédé entre 2013 et 2016, la marge de manœuvre des jihadistes a été rendue presque nulle, d’une part du fait de l’affaiblissement des mouvements radicaux dans l’ensemble de la région, d’autre part grâce à une vigilance accrue des services qui ont acquis une expérience notoire en matière de renseignement et de surveillance dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, comme le relèvent plusieurs analystes. En outre, et depuis l’opération de nettoyage dans le jurd de Ersal menée successivement par le Hezbollah et l’armée en juillet et août 2017, une porte d’accès majeure dans cette zone frontalière avec la Syrie a été verrouillée face aux jihadistes.

« On peut certainement dire que la capacité d’exécuter des opérations aux Liban a été rendue difficile », souligne M. Tawk, qui précise que « l’EI n’a plus d’objectifs précis au Liban, sauf peut-être celui de faire un coup d’éclat par le biais d’un attentat spectaculaire pour remonter le moral de ses sympathisants en espérant recommencer à recruter ici et là ».

Spécialiste des mouvements jihadistes, le journaliste Hazem el-Amine est pour sa part convaincu que l’EI n’a quasiment plus d’effet de nuisance pour le moment, « à moins qu’il ne se transforme à l’avenir en quelque chose d’autre ». « La capacité de Daech à initier des opérations a été réduite de 90 %, et ce dans toutes les contrées », atteste l’analyste qui affirme que les Américains envisageraient même de retirer le « prix de 25 million de dollars jadis promis à celui qui parviendrait à capturer Abou Bakr al-Baghdadi (le chef de l’EI), qui vraisemblablement ne les intéresse plus puisque son rôle est terminé ».

Selon lui, l’assaut sanglant mené la dernière semaine de juillet dans la province méridionale de Soueida, en Syrie, « n’est pas tant symptomatique de la puissance de ce mouvement que de la capacité du régime syrien à manipuler la carte jihadiste et en faire la promotion dans les médias », dit-il, en rappelant que « l’opération de Soueida a été facilitée par le régime de Bachar el-Assad qui avait besoin de l’exploiter en vue de renflouer sa légitimité ».

L’expert évoque ainsi « une parade médiatique » dès lors que l’on aborde un sujet aussi sensationnel que celui de l’EI, et émet quelques doutes autour des informations que l’on distille à ce sujet, « même au Liban ».


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