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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les entretiens préliminaires à une psychanalyse (suite)

Marie Cardinal.

Il est de pratique courante de constater que les entretiens préliminaires à une cure psychanalytique dessinent les grandes lignes de ce qui va se dérouler. Lacan comparait cela à une partie d’échecs : les trois premiers coups déterminent toute la partie. De fait, sans le savoir, le futur analysant va mettre en évidence les grands chapitres de son histoire, son enfance, ses relations, parentales et grand-parentales, amicales, anciennes et actuelles et la souffrance qui l’amène à consulter. L’habileté de l’analyste lui fera souligner tout cela et le futur patient donnera une idée sur sa capacité à se confronter avec ces différents chapitres, quitte à souffrir de cette confrontation. La question du « timing » dont on a parlé la dernière fois prend son sens ici.

L’analyse n’étant pas un chemin de plaisir mais un chemin de libération, dont le prix est parfois, voire souvent, douloureux, l’analyste doit prendre en considération la détermination du futur patient à accepter la patience justement. C’est vrai que la patience paie et que la vérité guérit, mais l’affronter ne va jamais sans souffrance passagère. Freud proposa même une période d’essai ou de probation, pendant laquelle le futur patient est « comme » en analyse pour voir si c’était possible. Cela montre l’importance accordée dès le début aux entretiens préliminaires. Mais aussi au risque de se tromper de « diagnostic », car, pendant longtemps, il était question d’indications pour faire une analyse. S’assurer que c’est bien une névrose, névrose hystérique, phobique ou obsessionnelle. À un point tel que mon ancien maître André Bourguignon disait avec humour : « Pour faire une analyse, il faut être riche et bien portant. »
Étrangement, Freud n’accorda pas d’écrit ni de travail à part aux entretiens préliminaires, Lacan non plus.

« L’appel à être »
C’est le temps des entretiens préliminaires qui va dégager cet appel à être car l’analyste va l’entendre dès le début. Ce qui faisait dire à Lacan : « Il n’y a pas d’entrée possible dans l’analyse sans entretiens préliminaires. » Il ajoute : « la demande d’analyse ne part pas de l’énoncé du symptôme. » Ce qui pourrait être valable pour toute autre psychothérapie ou le symptôme est traité comme la cible à faire disparaître. La demande d’analyse ne part pas de l’énoncé du symptôme, et sans qu’il n’y ait véritablement de « demande d’analyse » en tant que telle, surtout de nos jours, veut dire que les entretiens préliminaires permettent de dégager une demande autre que « Dr, guérissez-moi de mon symptôme ». C’est le cas de Marie Cardinal qui raconte son autobiographie dans Les mots pour le dire (1976, Grasset). Elle présentait une « métrorragie », saignant de l’utérus sans arrêt. Elle consulte tous les gynécologues de Paris. Sans résultat. On lui donne l’adresse d’un analyste. Elle commence par raconter sa métrorragie en insistant sur les détails. L’analyste la stoppe tout de suite : « Parlez-moi d’autre chose. » L’hémorragie s’arrêta net.

Cet exemple extrême montre que dès les entretiens préliminaires, le patient est devant une écoute qui ne s’arrête pas au symptôme. Lacan appelle cela « L’os du dialogue » entre le patient et l’analyste. Sous la plainte du patient, l’analyste prend le temps, celui des entretiens préliminaires pour écouter « l’appel à être » du sujet. Comme dans le rêve qu’on a vu la dernière fois, même la plainte d’être victime peut, dans les entretiens préliminaires, donner au sujet la mesure de sa participation à son malheur. « C’est votre rêve madame » qui conclut le rêve de la femme poursuivie par un bel athlète, lequel s’immobilise plutôt que de poursuivre son mouvement indique bien que nous construisons notre réalité psychique à partir de la réalité extérieure. Les deux réalités sont radicalement différentes. La « confrontation de corps » entre l’analyste et le futur patient, comme l’appelle Lacan, sert progressivement à faire prendre conscience au patient de la différence entre ces deux réalités.



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