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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le superviseur, meilleure garantie de l’analyste auprès du public (suite)

Nous avons vu dans la dernière rubrique l’importance du superviseur pour l’analyste débutant. Le « superviseur », terme mieux adapté que celui de « contrôleur », indique l’analyste expérimenté que l’analyste débutant va consulter pour parler de ses premiers pas dans la pratique de l’analyse. De par son expérience, il accompagne le débutant. Il l’aide à déchiffrer ce qu’il ne peut pas entendre de l’inconscient de son patient, tout en lui permettant de réaliser que ce qu’il n’entend pas dans ce que dit son patient ne relève pas d’une incompétence quelconque, mais de ses zones de résistance qu’on appelle les « points aveugles ».
Ces points aveugles constituent des barrages qui font que l’analyste débutant n’entend pas certains propos de son patient, propos dont la tonalité inconsciente est parfois nettement évidente. Lorsque le superviseur fait remarquer cela à l’analyste débutant, ce dernier s’entend dire : « Comment n’ai-je pas entendu cela ? » Cette résistance à entendre n’est pas liée, encore une fois, à une incompétence du débutant, mais à ce qu’il ne peut pas encore entendre. Le meilleur exemple est celui de Freud débutant.
Lorsque Fliess, son analyste de fait, avec qui il correspondait très régulièrement et qu’il rencontrait de temps en temps – rencontres qu’ils appelaient tous les deux « congrès »– lui révèle que tout être humain comporte en lui une « bisexualité » quasi constitutionnelle, Freud refuse d’entendre et rétorque à Fliess « qu’il n’en est pas encore là, qu’il ne voulait pas discuter de la question ». Nous sommes en 1897, à Noël, à Breslau. En 1900, trois ans plus tard, à Achensee, lors de leur dernier congrès, Freud en parle à Fliess comme d’une découverte qu’il venait de faire. Lorsque Fliess proteste en lui rappelant l’épisode de Breslau, Freud ne se souvient de rien. Ernest Jones, le biographe de Freud, parle « d’un cas d’amnésie grave ». De retour à Vienne, Freud se souvient en effet que Fliess lui avait parlé de cela.
Cela ne signifie pas que Freud était incompétent, mais que tout Freud qu’il était, il ne pouvait pas, à ce moment-là de son parcours analytique, entendre cela. Pourquoi? Parce qu’il résistait à lui-même, qu’il ne pouvait pas entendre la bisexualité qui était en lui, parce que cette bisexualité le renvoyait à une certaine homosexualité qu’il refusait d’admettre. Non pas que Freud était homosexuel au sens habituel du terme, soit un homosexuel patent, mais qu’il ne voulait pas admettre certains de ses fantasmes homosexuels qui étaient encore inconscients.
Ce point est fondamental. Il montre que l’analyse personnelle du futur analyste se fait pas la traversée de ses propres fantasmes, de ses propres résistances. Que ce qu’il ne pouvait pas entendre aujourd’hui, il l’entendrait demain. Que ce qu’il avait refoulé, il était maintenant prêt à l’entendre. C’est en cela que l’analyse personnelle du futur analyste est formatrice. Elle lui montre qu’il résistait lui-même à son propre inconscient, qu’il résistait lui-même au retour de ce qu’il a refoulé lorsqu’il était encore enfant.
De même, lorsque bien avant, dans les années 1885-1890, Charcot répétait en privé que dans l’hystérie c’était « toujours, toujours, toujours la chose génitale », et que Breuer, son mentor, renchérissait en soutenant que « dans l’hystérie, c’était toujours des secrets d’alcôve, Freud « en était dégoûté ». Il reconnaîtra plus tard que le dégoût qu’il éprouva venait de sa propre résistance à la causalité sexuelle qui déterminait ses propres symptômes névrotiques. Un temps était donc nécessaire pour traverser sa propre censure, ses propres résistances, le temps qu’il faut au futur analyste d’accueillir son propre refoulé.
Voilà en quoi consiste la supervision. L’analyste débutant apprend que ce qu’il n’entend pas chez son patient vient de ses propres points aveugles, de ses propres résistances. Les résistances à l’inconscient sont tellement fondamentales que Lacan disait à la fin de son enseignement : « Mon chemin a toujours été de l’ordre du je n’en veux rien savoir. » Nous verrons cela dans la prochaine rubrique.

Nous avons vu dans la dernière rubrique l’importance du superviseur pour l’analyste débutant. Le « superviseur », terme mieux adapté que celui de « contrôleur », indique l’analyste expérimenté que l’analyste débutant va consulter pour parler de ses premiers pas dans la pratique de l’analyse. De par son expérience, il accompagne le débutant. Il l’aide...

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