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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

« Mon cheminement c’était quelque chose de l’ordre du “je n’en veux rien savoir” »

« Mon cheminement c’était quelque chose de l’ordre du “je n’en veux rien savoir”. » 

Cette phrase de Lacan, énoncée le mardi 21 novembre 1972 à l’ouverture du Séminaire XX, Encore, est poignante, saisissante. Comment comprendre que celui qui, en faisant un retour à Freud, a frayé un chemin fait de franchissement analytique d’obstacles cliniques, théoriques et institutionnels ait pu, plus de 20 ans après le début de son enseignement, énoncer « Je n’en veux rien savoir ». Dans notre dernière rubrique (L’OLJ du 24/05/2018), nous avons vu les difficultés, les résistances éprouvées par Freud devant les révélations de ses mentors Charcot, Breuer et Chrobak sur l’origine sexuelle des symptômes névrotiques. De même que celles de Fliess sur la bisexualité humaine. Freud n’en voulait tellement rien savoir qu’à entendre cela, il en était même dégoûté. Mais on a vu qu’il n’en était pas encore là dans son cheminement analytique, il en était au début. Le dégoût témoigne de sa lutte contre cette vérité sexuelle présente en lui à ce moment-là de son parcours. Comment comprendre alors la phrase de Lacan qui en était, lui, à la fin de son cheminement? Notre résistance à notre inconscient, notre lutte permanente contre le retour de ce qu’on a refoulé est une constante de toute notre vie. Si nous acceptons le retour à notre conscience des tabous et des interdits qu’on a refoulés, c’est l’angoisse assurée. Avec ce qui en découle comme symptômes et inhibition. C’est pour cette raison que la psychanalyse sera toujours combattue, tant par l’opinion publique que par le scientisme, idéologie religieuse de la science. Ce scientisme se nourrit des avancées de la science, le magnétisme du temps Franz Anton Messmer (1734-1815) et les neurosciences aujourd’hui. Mais c’est la même lutte contre la vérité refoulée. Pourtant, toutes les nuits, le rêve nous ramène ces tabous et interdits refoulés. Et c’est pour cette raison que le rêve n’est jamais clair, il est embrouillé, confus, incompréhensible du fait de notre autocensure. C’est dire combien la réception par notre conscience des tabous et des interdits est insupportable, impossible. Heureusement, l’humour, le trait d’esprit, les blagues salaces ou qui touchent à la mort qui circulent socialement nous permettent d’accepter une partie de ce retour du refoulé. Ce qui montre pourquoi les blagues et les plaisanteries touchent presque toujours au sexe et à la mort. Soit au tabou et à l’interdit. La question légitime que peut poser le public : « Alors, pourquoi la psychanalyse si nous ne voulons rien savoir de notre savoir inconscient, de notre vérité refoulée ? »
   
« Il n’y a de résistances que de l’analyste »
La recommandation de Freud aux analystes de refaire une tranche d’analyse tous les cinq ans peut nous éclairer. Si l’analyste qui est à l’écoute de l’inconscient tous les jours aurait besoin de refaire une tranche de temps en temps, cela veut dire que malgré son ouverture à l’inconscient de ses patients, quelque chose continue de ne pas écouter en lui. C’est ce qu’on appelle ses résistances, ses points aveugles. Et nous avons vu les dernières fois que c’est en rapport avec les résistances de son propre analyste, ce qui m’a amené à l’hypothèse « qu’il n’y a de transmission analytique que des résistances » (L’OLJ, 25/4/2018). La phrase de Lacan (son cheminement est de l’ordre du je n’en veux rien savoir) prend alors tout son sens, lui qui disait qu’« il n’y a de résistances que de l’analyste », lui compris.

Qu’est-ce qui garantit au sujet tenté par une cure analytique que son analyste n’est pas « bouché » ? Et si la garantie ne peut pas venir de l’institution parce « l’institution est un agencement collectif de résistances », comme le disait Serge Leclaire (1924-1994), l’un des membres de la troïka des trois meilleurs élèves de Lacan des années 60, d’où viendrait alors la garantie dont le public a besoin et qui est légitime ? 

Nous verrons cela dans les prochaines rubriques.


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