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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le superviseur, meilleure garantie de l’analyste auprès du public

Mieux que l’analyste de l’analyste débutant, son superviseur reste sa meilleure garantie auprès du public. Pour des raisons toutes simples. « L2erd bi 3yen emmo ghazel », dit notre proverbe… Autrement dit, il y a une certaine « autosatisfaction inconsciente » entre l’analyste débutant et son analyste, dans la mesure où l’un est une sorte de miroir pour l’autre et qu’ils ont tendance à embellir leurs compétences respectives. La « filiation imaginaire » est telle que l’analyste débutant a tendance à amplifier les compétences de son analyste et en faire le meilleur analyste possible. De même, l’analyste de l’analyste débutant a tendance à gommer ses défauts de compétence et en faire, dans cette filiation imaginaire des analystes, un « enfant idéal ». Plus objectif, le superviseur ou le contrôleur de l’analyste débutant aura pour fonction de repérer ses incompétences pour l’aider à mieux écouter ses premiers patients.

On entend par filiation imaginaire, le mot est de Wladimir Granoff (1924-2000), le lien des analystes entre eux, séparés par la différence des générations. C’est comparable à la parenté. Tel a été analysé par tel, qui a été analysé par tel, en remontant jusqu’à Freud. Comme on dirait, tel est l’enfant de tel, etc. Les analystes du monde entier, quelle que soit leur appartenance théorique, se reconnaissent entre eux par cette filiation imaginaire.

Mais dans cette reconnaissance des analystes entre eux, qui a été l’analyste de qui n’est pas suffisant, il faut y inclure la fonction du superviseur. Le superviseur guide les premiers pas de l’analyste débutant. Il l’aide à « entendre » ce qu’il n’a pas entendu chez son patient. Il l’aide enfin à ne pas se laisser emprisonner par la technique et élaborer son propre « style ». La fonction la plus originale de la supervision a été conceptualisée par le 4e groupe, groupe qui s’est séparé de l’École freudienne de Paris (Lacan) après 1967. L’Analyse quatrième est au cœur de la supervision. Elle comprend quatre inconscients : celui du patient dont va parler l’analyste débutant en supervision, celui de ce dernier, l’inconscient du superviseur et enfin celui de l’analyste de l’analyste débutant. Cette conception tient compte avant tout des résistances de ces quatre protagonistes. Ces résistances produisent des « zones aveugles », soit des zones d’écoute où l’analyste est sourd à certaines paroles énoncées par celui qui parle : l’analyste débutant est sourd à certaines parties de l’inconscient de son patient, comme son propre analyste l’a été avec lui, et comme son superviseur peut l’être avec lui dans l’actualité de la supervision. Cela fait quatre inconscients qui ont de commun entre eux la résistance.


Il n’y a de transmission que de la résistance

Si donc la supervision est la garantie de l’analyste auprès du public, c’est bien parce qu’elle réduit, autant que possible, la portée des zones aveugles, sans jamais pouvoir les réduire à zéro. Pourquoi ? Parce que l’analyse est analyse de l’interdit et du tabou, et que lorsqu’on s’approche des zones de la mémoire oubliée de notre enfance, soit celles des tabous et des interdits, une force nous empêche d’aller plus loin. Ça résiste. Évidemment, sur ce point-là, tous les analystes ne sont pas logés à la même enseigne. Certains résistent moins que d’autres, comme on disait de Fliess qu’il était le « pôle de moindre résistance » (l’expression est de Didier Anzieu (1923-1999) pour Freud, facteur principal qui a permis à ce dernier de faire son analyse (originelle) avec lui. Et d’aller le plus loin possible dans ses découvertes.

En analysant les résistances ou les zones aveugles du patient, de l’analyste débutant, du superviseur et de l’analyste de l’analyste débutant, la fonction de la supervision reste fondamentalement subversive. Mais en n’allant pas plus loin que certaines parties de ces zones aveugles qui doivent rester aveugles, la supervision est conservatrice car elle garantit aussi auprès du public que l’analyste ne dépasse pas les limites, qu’il n’est pas fou. « Si j’étais psychotique (fou), je serais meilleur analyste », disait Lacan.


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