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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

« Pour faire un analyste, il faut un patient et un collègue »

Il y a des aphorismes qui en disent long. Cet adage est de François Perrier, l’un des meilleurs élèves de Lacan. Avec Serge Leclaire et Wladimr Granoff, ils formaient la fameuse « Troïka » des années 60.

Tout le monde sait que pour exercer la psychanalyse, nul besoin de diplôme. Mais tout le monde sait également que les charlatans peuvent en profiter. Si, en médecine, le diplôme universitaire est une garantie pour le consultant, en psychanalyse, le diplôme ne garantit rien. Ce débat est vieux comme la psychanalyse. Après le début du XXe siècle, entre 1910 et 1920, l’analyse personnelle du psychanalyste allait s’imposer comme la formation nécessaire, incontournable qui lui permettrait d’exercer la psychanalyse.

Mais si pour ceux qui ont goûté à l’art du divan, à sa fonction thérapeutique et à sa fonction investigatrice de l’inconscient, la chose est claire, ceux qui ne connaissent pas l’écoute analytique et son pouvoir ne voient pas en quoi l’analyse personnelle de l’analyste est la garantie de sa formation. Dans un geste tout à fait naturel, ceux-ci se retournent vers sa formation universitaire. Si l’analyste est médecin de formation universitaire, on lui fera une plus grande confiance. S’il est psychologue, on fera confiance à sa connaissance de la psychologie. Et s’il n’a aucune de ses formations universitaires-là, on se méfiera. Or, encore une fois, aucun besoin de formation universitaire pour exercer la psychanalyse. Les « formations de l’inconscient » suffiront pour cela, soit les rêves, les lapsus, les actes manqués, les symptômes, etc. qu’il découvrira sur le divan sont sa formation. Pour donner encore plus de tranchant à cette vérité universelle, Lacan assène : « Il n’y a pas de formation de l’analyste, il n’y a que des formations de l’inconscient. »

Ce fut le chemin originel de Freud.

Dans sa correspondance avec Wilhelm Fliess, pendant 15 ans, il analyse ses propres rêves, ses actes manqués, ses lapsus, ses symptômes. Jusqu’à concevoir une théorie de l’appareil psychique et un procédé pour écouter ses patients, la cure psychanalytique. Ici, le « patient » dont parle Perrier, c’est Freud lui-même écouté par Fliess. Cette « analyse originelle » (O. Mannoni) n’était pourtant pas suffisante. Freud devait convaincre quelqu’un d’autre que Fliess : toute son élaboration n’était pas un pur délire, et en plus, avec Fliess, cela aurait pu être un délire à deux. Il publia alors L’interprétation des rêves (1900), prenant le public à témoin, public qui devenait de fait le « premier collègue ». Jung en est le meilleur exemple. Sa première lecture du livre de Freud s’avéra d’une grande difficulté, parce qu’il n’en était pas encore là, soit dans son accès à l’inconscient. Il le sera plus tard. Comme Freud ne l’était pas non plus quand Fliess lui avait parlé de la « bisexualité » pour la première fois.

Voilà en quoi surtout l’analyse personnelle est formatrice. Lorsque le futur analyste accède progressivement à la compréhension de l’inconscient, de son inconscient, il réalise qu’il était auparavant dans la résistance, comme tout le monde. Voilà ce qu’entend le collègue déjà analyste. Il perçoit que son jeune collègue est plus ouvert sur lui-même, qu’il traverse les résistances qui censuraient son accès à l’inconscient, qu’il écoute davantage avec son propre inconscient… Le collègue est celui qui authentifie qu’il y a de l’analyste chez son jeune collègue. Et le premier collègue du futur analyste sera son superviseur.

Nous verrons la fonction du superviseur la prochaine fois.


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