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Liban - Retour sur l’histoire du Liban

Solh, Karamé, Salam et Hariri : ces dynasties de Premiers ministres

Planchant en ce moment sur la composition du prochain cabinet, Saad Hariri, 25e chef du gouvernement depuis l’indépendance du Liban en 1943, est le dernier héritier en date de dynasties ayant occupé le Grand Sérail.

Riad el-Solh, Rachid Karamé, Saëb Salam et Rafic Hariri. Photos d’archives « L’OLJ »

Depuis son indépendance en 1943, le Liban a connu 25 Premiers ministres. Onze d’entre eux appartiennent à quatre grandes familles sunnites originaires de Beyrouth, de Tripoli et de Saïda, illustration, parmi d’autres, de la prééminence du féodalisme politique dans le pays, où le zaïmat (leadership) se transmet souvent de père en fils. Ces 75 dernières années, les représentants de ces quatre familles ont, en cumulé, été au pouvoir pendant plus de 47 ans. Un total qui augmente chaque jour qui passe, puisque c’est Saad Hariri qui doit, aujourd’hui, former un nouveau gouvernement.

Les Solh

Le président libanais Béchara el-Khoury et le Premier ministre Riad Solh, en 1943. Photo d'archives OLJ

Fils de Reda el-Solh, symbole de l’ascension sociale de sa famille au XIXe siècle qui a fait carrière dans l’administration de l’Empire ottoman, Riad el-Solh, né à Saïda en 1894, est considéré comme l’un des pères fondateurs du Liban. Après avoir conclu le pacte national avec le premier président de la République du Liban indépendant, Béchara el-Khoury, édictant les équilibres communautaires, il devient le premier président du Conseil des ministres du Liban postmandat. De 1943 à 1945, puis de 1946 à 1951, il gouverne avec le président Khoury un pays encore politiquement instable. « Nous devons, en tout premier lieu, organiser solidement l’indépendance d’une manière qui la rende non seulement un fait acquis, mais aussi un bienfait dont participent tous les Libanais sans distinction (...) Le Liban est une patrie au visage arabe, qui puise dans la culture occidentale ce qui lui est bon et utile », dit-il lors de sa déclaration ministérielle, le 7 octobre 1943. Riad el-Solh est assassiné le 16 juillet 1951, à Amman, en Jordanie, par des militants du Parti syrien national social voulant venger l’exécution, deux ans plus tôt, d’Antoun Saadé, fondateur du PSNS, qui avait fomenté une insurrection contre le gouvernement.

Le 11 février 1952, Sami el-Solh, cousin de Riad el-Solh, est nommé à la tête du gouvernement. Député de Beyrouth, il avait déjà occupé ces fonctions de juillet 1942 à mars 1943 durant le mandat d’Alfred Naccache, puis, pendant neuf mois, d’août 1945 à mai 1946. Sa gouvernance et sa personnalité modeste lui ont valu le surnom de « père des pauvres ». Mais la « révolution blanche », alliant tensions politiques et manifestations sociales et qui conduit au départ de Béchara el-Khoury en septembre 1952, ouvre une période d’instabilité. Celle-ci culmine en 1958, en pleine crise du canal de Suez, avec l’insurrection des musulmans contre les positions pro-occidentales de Camille Chamoun, qui avait succédé à Béchara el-Khoury. Sami el-Solh sera contraint à la démission. Durant cette période, il effectuera trois mandats et gouvernera pendant près de quatre ans. Il s’éteint le 6 novembre 1968.

Le Grand Sérail retrouve un membre de la famille Solh le 21 juin 1973, en la personne de Takieddine el-Solh, un autre cousin de Riad el-Solh. Député de la Békaa de 1957 à 1960 puis de 1964 à 1968, il est nommé par le président Sleiman Frangié. L’homme, qui se départit rarement de son tarbouch, gouverne pendant plus d’un an avant de laisser sa place à un autre cousin encore, Rachid el-Solh, plusieurs fois député de Beyrouth, qui démissionne le 15 mai 1975, alors que la guerre civile vient de débuter. Cinq ans plus tard, Takieddine el-Solh, désigné par le président Élias Sarkis, échoue à former un gouvernement. Rachid el-Solh, lui, revient en poste en 1992 pour organiser les premières législatives postguerre civile boycottées en masse par les partis chrétiens. Il ne reste en poste que cinq mois. Takieddine el-Solh décède le 27 novembre 1988 à Paris, son cousin Rachid le 27 juin 2014.


Les Karamé

À l’instar de Béchara el-Khoury et de Riad el-Solh, Abdel Hamid Karamé est l’une des figures politiques libanaises à avoir été emprisonnées à Rachaya par les Français durant la période de lutte pour l’indépendance du pays. Descendant de l’une des grandes familles de Tripoli, qui a donné plusieurs muftis à la ville, le député de la localité est nommé par M. Khoury pour succéder à M. Solh et diriger le gouvernement et le ministère des Finances du 10 janvier au 20 août 1945. Il décède le 23 novembre 1950 à l’âge de 60 ans.

Son fils aîné, Rachid Karamé, prend la relève. Il succède à son père au siège de Tripoli en 1951 qu’il occupera pendant 36 ans. Lorsqu’il est nommé par le président Chamoun en 1955 à la tête du gouvernement, il n’a que 34 ans. Sur une période de 32 ans, Rachid Karamé gouverne 14 ans, exerce huit mandats de Premier ministre, un record, servant sous six présidents de la République avec lesquels les divergences politiques ont pu parfois être vives. Durant la guerre civile, il devient un soutien de la Syrie. Le 1er juin 1987, il est assassiné lors de l’explosion, en plein vol, d’une bombe placée dans le siège de l’hélicoptère à bord duquel il se trouve. Un assassinat pour lequel Samir Geagea sera condamné en 1999 avant d’être amnistié en 2005.

Après l’assassinat de son grand frère, Omar Karamé reprend le flambeau. Il est l’une des figures de la tutelle syrienne sur le Liban. Le président Élias Hraoui le nomme à la tête du gouvernement en décembre 1990, mais il démissionne deux ans plus tard sous la pression de la rue qui proteste contre la cherté de vie. Député de Tripoli de 1992 à 2005, il est rappelé après la démission de Rafic Hariri en octobre 2004. Après l’assassinat de l’ancien Premier ministre le 14 février 2005, il doit à nouveau céder à la pression de la rue qui réclame son départ. Il décède le 1er janvier 2015 à l’âge de 80 ans. Son fils, Fayçal Karamé, a été élu député en mai dernier.


Les Salam

Saëb Salam et Rachid Karamé. Photo d'archives OLJ

Fils de Salim Ali Salam, grand notable politique de Beyrouth durant la période ottomane et fondateur de la fondation Makassed à portée sociale, le modéré Saëb Salam fait ses premières armes en politique en luttant contre le mandat français aux côtés de Abdel Hamid Karamé. Élu en 1943 député de Beyrouth et cofondateur de la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines, il accède pour la première fois au poste de Premier ministre le 14 septembre 1952, mais son gouvernement ne tient que quatre jours dans la foulée de la démission de Béchara el-Khoury. Il sera à nouveau sollicité par Camille Chamoun, par Fouad Chéhab d’août 1960 à octobre 1961 avant de se brouiller avec lui, puis par Sleiman Frangié en 1970, dont il a soutenu l’élection à la présidence de la République. Le 10 avril 1973, il claque la porte pour protester contre le refus du président Frangié de limoger le commandant en chef de l’armée, le général Iskandar Ghanem, la troupe ayant été accusée d’inaction au cours de l’intervention, quelques jours plus tôt, d’un commando israélien qui avait liquidé en plein cœur de Beyrouth trois dirigeants palestiniens. Ce sera son dernier mandat politique. Durant la guerre civile, il joue un rôle de médiateur entre Israéliens et Palestiniens, puis au moment des négociations de Taëf.
« Mon principe n’a jamais consisté à créer le parti de Saëb Salam. Je suis devenu bien malgré moi un leader musulman et tout parti que je créerais se calquerait sur mon image sans jamais pouvoir la dépasser », déclarait M. Salam dans une interview à Prestige Magazine en 1994.

Après la fin de la guerre, son fils Tammam Salam prend sa suite. Élu député de Beyrouth en 1996 puis en 2009, il est choisi pour succéder à Nagib Mikati, qui a démissionné en mars 2013, en tant que candidat de consensus pour former un gouvernement d’union nationale qui entre en fonctions en février 2014 après des négociations serrées entre les formations politiques. En mai dernier, il a été réélu député de Beyrouth au sein d’une liste conduite par le Premier ministre sortant Saad Hariri. Il se présente aujourd’hui comme un membre indépendant du bloc parlementaire du Futur.

Les Hariri

Derrière Saad Hariri (en 2016), un portrait de son père, Rafic Hariri. REUTERS/Jamal Saidi


Né le 1er novembre 1944 à Saïda, Rafic Hariri, issu d’une famille modeste, quitte le Liban à 18 ans pour l’Arabie saoudite où il fait fortune via sa société Saudi Oger, qui devient dans les années 70 et 80 le contractant principal de la famille royale saoudienne pour ses projets de construction. Il s’investit ensuite sur la scène politique libanaise en tant que représentant de Riyad lors des discussions autour de l’accord de Taëf qui met un terme à la guerre civile. Nommé à la tête de cinq gouvernements entre 1992 et 2004, il applique une politique de reconstruction du pays qui met à contribution ses sociétés. Mais ses divergences de fond avec le pouvoir syrien le poussent à démissionner du gouvernement. Il est assassiné quatre mois plus tard, le 14 février 2005, à Beyrouth. Le choc de cet assassinat crée un immense élan populaire qui conduit au départ des troupes syriennes.

Alors que tout le monde pensait que son fils aîné Bahaa prendrait la suite, c’est Saad Hariri qui est intronisé par sa famille comme héritier. Né à Riyad, il était destiné à gérer Saudi Oger et les sociétés fondées par son père, mais il prend la tête du courant du Futur et du mouvement du 14 Mars. Député de Beyrouth depuis 2005, c’est à 38 ans, en 2009, qu’il dirige son premier gouvernement. Il tombe deux ans plus tard après la démission de ministres de l’opposition conduite par le Hezbollah. Il est à nouveau nommé à la tête du Conseil des ministres par le président Michel Aoun en 2016, mais il annonce sa démission à la surprise générale depuis Riyad, en décembre 2017, protestant de manière virulente contre la mainmise du Hezbollah et de l’Iran. Après une période durant laquelle il semble être retenu par les autorités saoudiennes, il quitte Riyad pour la France avant de revenir à Beyrouth où il annonce qu’il revient sur sa démission. En mai dernier, malgré des voix qui s’élèvent contre sa mansuétude envers le parti chiite, il est réélu lors des législatives, mais son parti perd un tiers de ses sièges. Le Premier ministre sortant a été à nouveau désigné pour former le prochain gouvernement.


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Depuis son indépendance en 1943, le Liban a connu 25 Premiers ministres. Onze d’entre eux appartiennent à quatre grandes familles sunnites originaires de Beyrouth, de Tripoli et de Saïda, illustration, parmi d’autres, de la prééminence du féodalisme politique dans le pays, où le zaïmat (leadership) se transmet souvent de père en fils. Ces 75 dernières années, les représentants de...

commentaires (3)

C'est une tradition libanaise que les fils succèdent à leurs pères, de là sont nés les Abou-Melhem, les Abou-Salim, les Abou-Ali et les Abou-Antoun... Cela est devenu légitime. Mais c'est nouveau que les gendres succéderaient à leurs beaux-pères. Cela serait illégitime.

Un Libanais

10 h 35, le 27 juin 2018

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Commentaires (3)

  • C'est une tradition libanaise que les fils succèdent à leurs pères, de là sont nés les Abou-Melhem, les Abou-Salim, les Abou-Ali et les Abou-Antoun... Cela est devenu légitime. Mais c'est nouveau que les gendres succéderaient à leurs beaux-pères. Cela serait illégitime.

    Un Libanais

    10 h 35, le 27 juin 2018

  • DE PERE A FILS ET DE FILS A PETIT FILS ET LE LIBAN CHAVIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 52, le 27 juin 2018

  • Belle histoire du Liban!!!

    Eleni Caridopoulou

    09 h 04, le 27 juin 2018

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