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Liban - Gouvernement

Face aux surenchères de Bassil, Geagea et Hariri optent pour le silence

Le Hezbollah pourrait envisager un substitut au Premier ministre désigné.

Samir Geagea, hier, en compagnie de Saad Hariri. Photo Dalati et Nohra

Si la formation du gouvernement se complique de plus en plus, ce n’est plus tant à cause des surenchères qui accompagnent naturellement les tractations, qu’à cause des divergences, de plus en plus palpables, autour de la coloration politique du prochain gouvernement. C’est ce qui expliquerait les tensions actuelles entre le chef de l’État Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri.

Lors de leur dernière rencontre vendredi dernier à Baabda, le chef de l’État aurait défendu une mouture qui creuse l’écart entre le camp aouniste, d’une part, et les Forces libanaises (FL) et le Parti socialiste progressiste (PSP), et dans une certaine mesure le Premier ministre, de l’autre. Cette mouture prévoit « onze portefeuilles pour l’équipe du chef de l’État et du Courant patriotique libre (CPL), et qui inclut un sunnite indépendant, sans compensation pour Saad Hariri, c’est-à-dire sans qu’il n’obtienne un portefeuille chrétien en contrepartie. Ces onze portefeuilles aounistes incluraient, selon le président Aoun, Talal Arslane, ce qui réduirait de facto à deux la quote-part du groupe parlementaire joumblattiste sans possibilité de négocier une contrepartie », confie un cadre du courant du Futur à L’Orient-Le Jour.


(Lire aussi :Geagea : Pour Bassil, le partenariat signifie qu’il doit œuvrer seul et que nous devons le soutenir)


Des milieux du PSP imputent à Michel Aoun via L’Orient-Le Jour la responsabilité directe des entraves à la formation du gouvernement. Et les milieux de la Maison du Centre, cités par notre correspondante Hoda Chédid, expriment « la gêne » du Premier ministre à l’égard du CPL, au regard d’une « méthode qui s’assimile à de l’intimidation, comme s’il était question de former un gouvernement monochrome plutôt qu’un gouvernement d’union nationale ».
On en déduit que Saad Hariri a compris qu’il n’a pas intérêt à se mettre à dos ses anciens partenaires, à savoir les FL et le PSP, s’il ne veut pas se retrouver seul à la tête d’un cabinet à coloration irano-syrienne.
Les milieux de Baabda assurent quant à eux que « si les enjeux sont purement libanais, les choses devraient se dénouer incessamment », selon notre correspondante.

En laissant entendre a contrario qu’une ingérence étrangère entrave la formation du gouvernement, les milieux du chef de l’État endossent la théorie, qui est celle du Hezbollah, d’une ingérence saoudienne dans la formation du gouvernement. Une théorie selon laquelle Saad Hariri aurait pris la décision, après une rencontre discrète avec le chef des renseignements à Riyad, de ne pas former un cabinet qui inclut des figures politiques clés du Hezbollah.
S’il y a une part de vrai dans cette théorie, elle ne serait pas à chercher dans quelque influence saoudienne sur les agissements de Saad Hariri, mais plutôt dans une prise de conscience du Premier ministre qu’il n’a pas intérêt à tout céder au Hezbollah. Pourquoi faire tant de concessions au camp irano-syrien qui pourrait être affaibli par les développements régionaux ? Pourquoi céder aux desiderata iraniens – et syriens – de former un cabinet marqué du sceau du Hezbollah, qui plus est, en isolant le PSP et les FL ?


(Lire aussi : Gouvernement : Hariri passe « à la vitesse supérieure »)


Le parti chiite aurait compris que Saad Hariri a décidé de jouer la carte du temps.
Il aurait compris aussi qu’un cabinet présidé par Saad Hariri risque de ne pas servir ses intérêts, à l’heure où les pressions diplomatiques occidentales vont dans le sens d’une stratégie défensive qui règle la question du tracé des frontières libano-syriennes et libano-israéliennes et l’emprise du Hezbollah sur ces frontières. La dernière rencontre entre le secrétaire général du Hezbollah et le chef du CPL, le ministre Gebran Bassil, aurait porté sur la stratégie à adopter si Saad Hariri entrave la formation d’un cabinet qui soit acquis au parti chiite.
De source indépendante, il aurait été décidé d’exercer des pressions politico-médiatiques sur Saad Hariri, par le biais du CPL, jusqu’à l’amener soit à obtempérer, soit à démissionner. Le député Faycal Karamé, proche de Damas, a donné le ton hier : « Je ne vois pas de cabinet se former dans l’avenir proche. »

De sources concordantes, le Hezbollah n’aurait aucun problème avec un cabinet présidé par une figure comme celle du député et ancien Premier ministre Nagib Mikati. Un cabinet où il aurait l’entière latitude de mettre en place les ministères qu’il souhaite, comme un ministère des Affaires de sécurité (qui géreraient les renseignements de l’armée, la Sûreté générale et autres) ou encore un ministère de la Planification (dans la perspective de saboter le Conseil du développement et de la reconstruction, relevant de la présidence du Conseil).


(Lire aussi : Vers un cabinet avant juillet ?)


Pour l’instant toutefois, Saad Hariri ne joue pas la confrontation avec Michel Aoun, et continue de miser sur le centrisme du chef de l’État, comme le fait d’ailleurs Samir Geagea. La logique du compromis avec Michel Aoun est toujours présente. C’est ce qui s’est dégagé hier de la déclaration de M. Geagea à l’issue de sa rencontre en soirée avec Saad Hariri à la Maison du Centre, en présence des ministres Melhem Riachi et Ghattas Khoury. Le président des FL a assuré, en son nom et celui du Premier ministre, qu’ils restent « convaincus du compromis présidentiel, contrairement à ce que d’aucuns essaient de véhiculer ». Et de défendre « notre soutien indéfectible au mandat, qui n’a rien à voir avec les tensions partisanes ».
 « Je m’en remets au président de la République et au Premier ministre pour prendre les décisions adéquates, étant les seuls responsables de la formation du cabinet », a-t-il ajouté. Les milieux du courant du Futur assurent pour leur part à L’OLJ que « Saad Hariri traite avec le chef de l’État, et pas avec le chef du CPL, Gebran Bassil ».


(Lire aussi : Gouvernement : après la pause du Fitr, les heures supplémentaires du week-end, le décryptage de Scarlett HADDAD)    


Ils assurent surtout que « Saad Hariri ne démissionnera en aucun cas ». Et Samir Geagea a laissé entrevoir ce que sera la prochaine tactique (pas encore stratégie) du courant du Futur et des FL : ne pas entrer dans le jeu des surenchères de Gebran Bassil, et se prémunir ainsi des pressions qu’exerce sur eux le Hezbollah par son biais. « L’atmosphère dans le pays n’aide pas à la formation du gouvernement, c’est pourquoi nous déclarons que nous n’entrerons plus dans des polémiques politiques étroites, relatives aux tractations ministérielles ou à des affaires à caractère partisan, même si nous essuierons des attaques et accusations. Et cela par souci de notre part d’aider Saad Hariri à former le gouvernement. Il est évident toutefois que nous continuerons de faire des déclarations relatives aux principes politiques généraux », a déclaré M. Geagea.


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Si la formation du gouvernement se complique de plus en plus, ce n’est plus tant à cause des surenchères qui accompagnent naturellement les tractations, qu’à cause des divergences, de plus en plus palpables, autour de la coloration politique du prochain gouvernement. C’est ce qui expliquerait les tensions actuelles entre le chef de l’État Michel Aoun et le Premier ministre désigné...

commentaires (6)

Hébran Bassil est désormais député après 13 ans de ministre issu de la société civile. Deux échecs cuisants ne lui ont pas appris la modestie. Il vient de rompre unilatéralement l'Accord de Meerab après avoir bénéficié de tous ses avantages. C'est la loi du genre, tu me donnes la main, je la prends jusqu'à l'épaule.

Un Libanais

20 h 46, le 26 juin 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Hébran Bassil est désormais député après 13 ans de ministre issu de la société civile. Deux échecs cuisants ne lui ont pas appris la modestie. Il vient de rompre unilatéralement l'Accord de Meerab après avoir bénéficié de tous ses avantages. C'est la loi du genre, tu me donnes la main, je la prends jusqu'à l'épaule.

    Un Libanais

    20 h 46, le 26 juin 2018

  • L'Iran qu'il fasse attention à son peuple qu'il est dans la misere

    Eleni Caridopoulou

    17 h 15, le 26 juin 2018

  • Ceux qui sont nés pour ramper, ne peuvent pas voler. Des uns attendent les ordres de Téhéran et de Damas, d'autres de Riyad ou de Washington. Leurs prédécesseurs, les attendaient de Bab-el-Aali (La Sublime Porte) puis du Caire, de Londres ou de Paris... C'est pourquoi vous entendez qu'au moins 10 millions de Libanais vivent à l'étranger. Dans les films animaliers, nous voyons le lion en train de dévorer un gnou et les vautours qui attendent à côté pour manger les restes... C'est le Liban.

    Un Libanais

    12 h 34, le 26 juin 2018

  • Ils attendent la gamelle,gentiment.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 08, le 26 juin 2018

  • "...optent pour le silence..."...? dites plutôt optent pour la lâcheté, comme toujours ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 37, le 26 juin 2018

  • UN TRAVAIL D,HERCULE POUR HARIRI QUE DE FORMER UNE EQUIPE GOUVERNEMENTALE POUR RELEVER LES DEFIS DES CONJONCTURES REGIONALES ET INTERNATIONALES AU SERVICE DES INTERETS PRIMORDIAUX DU PAYS UNIQUEMENT ! LES BOYCOTTEURS SONT A L,OEUVRE... ET LE PAQUEBOT LIBAN PRIS DANS LES TOURMENTES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 08, le 26 juin 2018

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