Soit lundi, soit pas avant deux semaines. C’est l’équation qui semble résumer actuellement les dernières tractations au sujet de la formation du gouvernement. À peine la chancelière allemande a-t-elle quitté le Liban que le Premier ministre, qui l’a accompagnée jusqu’à l’aéroport comme l’exige le protocole, s’est rendu au palais de Baabda. Saad Hariri a remis au chef de l’État une « première mouture sérieuse » du gouvernement qu’il compte former, après les idées préliminaires qu’il avait remises au président Aoun avant son départ pour l’Arabie saoudite à la veille de la fête du Fitr.
M. Hariri a donc effectivement mis en marche son moteur « turbo », comme il l’avait lui-même déclaré aux journalistes, et il a mis au point un premier projet qui se veut acceptable pour tous, en s’inspirant de ses dernières rencontres avec les différentes parties, d’abord le chef du CPL, Gebran Bassil, à Paris, puis des émissaires des Forces libanaises, du Rassemblement démocratique de Walid Joumblatt et le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, au nom des deux formations chiites. Selon des sources proches du courant du Futur, la formule gouvernementale remise par Saad Hariri au chef de l’État ressemble à quelques nuances près au gouvernement actuel, son objectif étant clairement de préserver les équilibres qui ont dicté la formation du gouvernement en décembre 2016, non de mettre l’accent sur les équilibres issus des dernières législatives. Dans son projet, le Premier ministre n’est pas entré dans les noms des ministres, laissant cette décision aux différentes parties, une fois que le choix définitif sur la distribution des portefeuilles sera fixé. Selon les informations recueillies auprès du courant du Futur, la formule présentée par Saad Hauri prévoit 9 portefeuilles pour le président de la République (dont un sunnite) et le CPL, 5 aux Forces libanaises. Il restera ainsi deux portefeuilles chrétiens qui iront un au courant du Futur et le second soit aux Kataëb, soit aux Marada. Les trois portefeuilles druzes devraient aller au bloc joumblattiste. Le courant du Futur aurait ainsi 5 portefeuilles sunnites et un portefeuille chrétien, alors que le mouvement Amal et le Hezbollah devraient se partager les six portefeuilles chiites. Ce partage est préliminaire, car il faudra trancher la question en suspens des portefeuilles druzes, et le Premier ministre est prêt à changer sa distribution si un accord intervient entre Walid Joumblatt et le CPL. Les 5 portefeuilles attribués dans la formule de Saad Hariri aux Forces libanaises devront aussi faire l’objet d’une négociation, mais selon ses proches, le Premier ministre estime qu’il a été juste et qu’il a tenu compte des demandes de tous. Concernant le Tachnag, il devra se faire représenter dans le cadre des 9 ministres du président et du CPL, dans l’optique du Premier ministre, ainsi que les sunnites qui n’évoluent pas dans l’orbite du courant du Futur. Le PSNS qui, traditionnellement, obtenait un ministre chiite, pose aussi un problème parce que le Hezbollah, cette fois, ne compte pas lui céder un de ses portefeuilles et il n’a plus d’autre choix que de demander à être représenté par un ministre chrétien compté dans la part du chef de l’État. Ce qui risque de déplaire au président Aoun et au CPL, qui réclameront un portefeuille de plus, sachant que la formation de M. Bassil estime que les FL devraient obtenir 4 portefeuilles et non 5. Il faut préciser aussi que la formule du Premier ministre n’évoque pas la question de la vice-présidence du Conseil, qui divise le CPL et les FL. En tout cas, selon des sources concordantes, la réunion d’hier à Baabda a eu le mérite de lancer les tractations sur les sujets de fond et non plus seulement dans les généralités. Dans sa formule, le Premier ministre n’a pas donné de portefeuille régalien aux Forces libanaises, mais il a prévu de leur accorder deux ministères importants, choisis entre les Travaux publics, la Justice, la Santé et l’Éducation. De son côté, le Hezbollah a un œil sur un de ces quatre portefeuilles avec une préférence pour les Travaux ou la Santé. Cela peut paraître un vrai casse-tête, mais lorsque les débats sérieux commencent, le ton des exigences change et la porte reste ouverte aux solutions. Le problème, c’est que le délai est assez serré, puisque que le président de la Chambre part en voyage en début de semaine pour un repos d’une dizaine de jours. Si le gouvernement n’est pas formé lundi, il devra donc attendre son retour, tant son rôle est traditionnellement important dans les négociations, en raison de sa capacité à trouver des solutions et à conclure des compromis.
Mais même si le gouvernement est formé dans la première quinzaine de juillet, il sera dans les délais acceptables. Toutefois, certaines sources généralement informées estiment que contrairement aux apparences, personne n’est vraiment pressé de former un gouvernement, chaque partie représentée au sein de l’actuel gouvernement étant en train de faire rouler son ministère sans avoir sur le dos les autres ministres, puisque, en période de gestion des affaires courantes, le cabinet ne se réunit pas. Les prochains jours, voire les prochaines semaines, montreront si cette théorie est valable, mais, pour l’instant, ce qui semble sûr, c’est que la situation économique est pressante et exige l’adoption de mesures claires dans le cadre d’un plan complet... Ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’un gouvernement en fonction.
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commentaires (7)
Dans un gouvernement d'Union-National, tel que celui qui va naître après les gestations actuelles, normalement on attribue les portefeuilles ministériels selon les compétences des uns et des autres, en tenant compte au Liban du détestable partage confessionnel habituel. Le pays n'a pas le temps d'attendre. Il faudra donner à chaque parti un ministère bien gras et le reste par tirage au sort. Yalla kkalsouna
Shou fi
16 h 05, le 23 juin 2018