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"Tous des oiseaux" de Wajdi Mouawad remporte un prestigieux prix à Paris

Présentée au théâtre parisien de la Colline que dirige Wajdi Mouawad, la pièce a reçu également le prix de la meilleure création d'éléments scéniques.



"Tous des oiseaux", une pièce autour de l'identité et du conflit israélo-palestinien du metteur en scène d'origine libanaise Wajdi Mouawad a remporté le prestigieux Grand Prix de la critique remis lundi à Paris. Photo Michel Sayegh

"Tous des oiseaux", une pièce autour de l'identité et du conflit israélo-palestinien du metteur en scène d'origine libanaise Wajdi Mouawad a remporté le prestigieux Grand Prix de la critique remis lundi à Paris. 

Cette pièce de près de 4 heures en arabe, hébreu, anglais et allemand, est à la fois une fresque historique et l'histoire intime d'une famille juive et prend à bras le corps les déchirures d'aujourd'hui. Présentée au théâtre parisien de la Colline que dirige Wajdi Mouawad, elle a reçu également le prix de la meilleure création d'éléments scéniques. 

"Tous des oiseaux" est une prouesse linguistique ; Wajdi Mouawad a entièrement rédigé son texte en français, avant de le traduire en quatre langues qui s'enchevêtrent au fil de la représentation : de l'anglais à l'allemand, en passant par l'arabe et l'hébreu. La langue est en soi un sujet de tension : c'est dans la langue que les personnages se cherchent et qu'ils tentent de se définir, même s'ils sont voués à l'échec. Le texte fondateur est donc à lire dans les sous-titres, qui ont une fonction inversée par rapport à d'habitude. Les mots de la scène ont une existence sonore, presque entièrement sensorielle ; par la fluidité des passages d'une langue à l'autre, on revient à une parole brute, performative et poétique. Les comédiens ont une présence immédiate et habitent leur langue naturellement, de manière saisissante.

Une fois de plus, Wajdi Mouawad explore les brûlures de l'histoire, notamment le conflit israélo-palestinien. Sous nos yeux : une rencontre meurtrière de l'histoire avec l'histoire. Dans Tous des oiseaux, la guerre s'entend : des bombardements assourdissants, des sirènes stridentes d'ambulances, des génériques d'informations, des cris d'enfants qui cherchent leurs parents en arabe et en hébreu, les voix placides des journalistes... 

Sur scène, l'ambiguïté des situations de guerre est montrée. Lors d'une fouille de Wahida par une soldate israélienne, on bascule dans l'érotisme, avant que retentisse la détonation d'une explosion. La soldate, de moins en moins crédible, conclut :"Il faut crever l'abcès de l'histoire", mélange des genres décapant entre tragique et comique.


"Quel est l'événement fondateur de Tous des oiseaux ? " avait demandé L'Orient-Le Jour à l'artiste en décembre 2017. "Il y a quinze ans, je me suis posé une question qui peut paraître saugrenue : comment se passe la question du don d'organe en Israël ? Quand un organe vient de quelqu'un qui n'est pas de notre communauté et qu'on est juif orthodoxe, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce que l'organe est accepté ? Le don d'organe est intéressant, car par principe, on ne sait pas d'où il provient. Et si c'est le cœur de son ennemi ? Et si c'est un hutu à qui on greffe un cœur tutsi ? Puis j'ai rencontré Nathalie Zamon Davis, qui a rédigé un livre sur Hassan al-Wazzan, dit Léon l'Africain. Une collision s'est opérée entre le personnage d'al-Wazzan, Nathalie, le thème des dons d'organe, la question de l'ennemi qui vous sauve la vie...", avait-il alors répondu.  


(Pour mémoire : Wajdi Mouawad là-haut sur la Colline)



Le prix du meilleur spectacle créé en province revient à "Saïgon" de Caroline Guiela Nguyen, pièce événement du estival d'Avignon 2017, sur des récits d'exilés vietnamiens de la première et deuxième génération. "Tristesses", où la metteure en scène belge Anne-Cécile Vandalem raconte à la manière d'un polar scandinave la prise de pouvoir cynique d'une dirigeante d'extrême droite au Danemark, remporte le prix du meilleur spectacle étranger. 

Le comédien Benjamin Lavernhe, dont la prestation a été qualifié d'"époustouflante" par la presse, reçoit le prix du meilleur comédien pour "Les Fourberies de Scapin", mise en scène par Denis Podalydès (Comédie-Française). Révélé sur grand écran dans "Le sens de la fête", il était en lice cette année pour le César du meilleur espoir masculin et pour le Molière du meilleur acteur dans le théâtre public. 

Côté actrice, Anouk Grinberg a été récompensée pour son interprétation dans "Un mois à la campagne" d'Ivan Tourgueniev, mis en scène par Alain Françon. La presse avait salué son incarnation "subtile" du personnage de Natalia Petrovna, épouse frustrée. "Les ondes magnétiques", une comédie signée David Lescot sur les radios libres dans la France des années 80, reçoit le prix de la meilleure création d'une pièce en langue française. 

Quant au prix du meilleur spectacle privé, il couronne "Seasonal Affective Disorder", une histoire d'amour transgressive signée Lola Molina. En musique, le Grand Prix va à l'opéra comique de Daniel-François Esprit Auber, "Le Domino Noir" (direction musicale, Patrick Davin).  Et en danse, "Finding now" d'Andrew Skeels et "Crowd" de Gisèle Vienne se partagent le grand prix, tandis que les danseurs de la "Shechter II", compagnie junior du chorégraphe Hofesh Shechter ont été sacré meilleurs interprètes. 

Les prix sont décernés par l'association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse qui regroupe 140 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère.


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