Le projet de décret de naturalisation de plus de 360 personnes, révélé mercredi par le député Nadim Gemayel sur son compte Twitter, a suscité hier une vive polémique dans les milieux politiques et populaires. Et pour cause. Non seulement ce document aurait été élaboré en coulisses, mais son adoption contredit les mises en garde contre les risques d’une implantation des réfugiés syriens ou autres au Liban. Ce projet de décret contredit aussi les positions du chef de la diplomatie Gebran Bassil à cet égard, lequel, rappelons-le, a affirmé à plusieurs reprises qu’il était en faveur de la transmission de la nationalité par la femme à ses enfants, exception faite de ceux nés d’un mari palestinien ou syrien.
En effet, un survol de la liste d’une centaine de noms, publiée par Nadim Gemayel sur son compte Twitter, permet de constater que la plupart sont syriens. Elle compte aussi des personnes de nationalité palestinienne, ainsi que des personnes fortunées arabes – dont des pays du Golfe – et étrangères, sans compter des sans-papiers.
(Pour mémoire : Harb craint que le décret syrien n° 10 sur l’expropriation ne soit un préambule à l’implantation)
« Je suis farouchement opposé à la transformation de la nationalité libanaise en une denrée qui se vend et s’achète, s’indigne M. Gemayel. Le Liban n’est pas une société financière et la nationalité n’est pas une action en Bourse. » Contacté par L’Orient-Le Jour, le député Kataëb souligne que « ce genre de décret a toujours été signé à la fin du mandat du chef de l’État ». « C’est comme une prime à la retraite, poursuit-il. Le problème, c’est que le mandat en a fait un commerce. En effet, les personnes naturalisées sont soit des chrétiens proches du régime syrien, soit des musulmans nantis. Cela est inacceptable. De plus, on ne sait pas sur quels critères la nationalité leur a été accordée. » Selon des sources, « la fortune personnelle » serait l’un des critères adoptés dans ce décret de naturalisation. « Je présenterai un recours auprès du Conseil d’État dès la publication du décret dans le Journal officiel », insiste M. Gemayel. Selon des informations, ce décret n’a pas besoin d’être publié, « puisqu’il s’agit d’un décret nominatif ordinaire » et qu’« il peut être consulté au département d’état civil au ministère de l’Intérieur ». Dans les milieux informés, on souligne aussi que 260 des personnes citées dans ce document sont chrétiennes, contre 105 musulmanes. De plus, « seuls seize dossiers présentés par la Fondation maronite dans le monde ont été retenus, alors qu’elle suit plus de 480 cas sociaux qui méritent la naturalisation ». Également, selon les sources précitées, le décret a été émis avant que le gouvernement ne soit considéré comme démissionnaire. Il aurait été élaboré durant la période des législatives, mais sa publication aurait été ajournée pour qu’il ne soit pas lié aux élections, sachant que les noms des personnes bénéficiant de cette mesure n’ont pas été présentés aux services de sécurité pour s’assurer qu’elles ne font pas l’objet de poursuites judiciaires.
(Pour mémoire : Merhebi craint que « les Syriens ne subissent le même sort que les réfugiés palestiniens »)
Les réactions à ce décret ne se sont pas fait attendre. L’ancien député Boutros Harb a ainsi félicité sur son compte Twitter « les Libanais pour le début du changement et de la lutte contre la corruption par l’octroi de la nationalité libanaise à des centaines de Syriens et de Palestiniens fortunés, ce qui porte atteinte à la Constitution qui interdit l’implantation ».
De son côté, Fadi Saad, député des FL, déclare « ne pas pouvoir comprendre le concept de la naturalisation de groupe en cette période délicate de l’histoire du Liban ».
Quant à Roger Azar, député du CPL, il assure que « cette affaire a été exagérée, alors que seuls quelque quarante à cinquante hommes d’affaires ont été naturalisés », rappelant que « le chef de l’État a le droit d’accorder la nationalité à celui qu’il estime la mériter ».
Pour mémoire
PRIORITE A LA NATURALISATION DES ENFANTS DES MERES LIBANAISES !
19 h 40, le 03 juin 2018