Un missile vu de Damas, le 10 mai 2018. REUTERS/Omar Sanadiki
Les tensions entre Israël et l'Iran autour du théâtre syrien sont brusquement montées d'un cran à l'aube jeudi, l'Etat hébreu disant avoir bombardé des dizaines de cibles iraniennes en représailles à une première attaque directe attribuée à la République islamique contre les forces israéliennes.
Comment ce nouveau round de violences a commencé ?
Selon un porte-parole de l'armée israélienne, une vingtaine de projectiles et roquettes de type Fajr ou Grad ont été tirés peu après minuit (21h00 GMT mercredi) par les forces iraniennes en Syrie, et notamment des hommes de la brigade iranienne al-Qods sur les premières lignes de l'armée israélienne sur le Golan occupé. La brigade al-Qods est chargée des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, l'armée d'élite du régime iranien. Les tirs n'ont pas fait de victimes, quatre des projectiles ont été interceptés par les systèmes de défense anti-aériens, et les autres sont retombés en dehors d'Israël, a précisé l'armée israélienne.
Selon le ministère russe de la Défense, cité par Russia Today, 28 avions militaires israéliens (des F-15 et des F-16) ont tiré 70 missiles (environ 60 missiles air-sol et 10 missiles sol-sol) sur des positions iraniennes. La DCA syrienne a réussi à intercepter plus de la moitié de ces missiles. L'opération israélienne a eu lieu entre 1h45 et 3h45 dans la nuit de mercredi à jeudi.
La réponse israélienne
En réponse aux tirs de roquettes, Israël a bombardé des "dizaines" de sites iraniens et atteint cinq batteries antiaériennes syriennes qui visaient ses avions, a dit l'armée israélienne dans un communiqué. Le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, un des porte-paroles de l'armée israélienne, a précisé que cette opération est l'une de plus importantes opérations aériennes des dernières années "et certainement la plus importante contre des cibles iraniennes". Selon le lieutenant-colonel, l'aviation a frappé le véhicule d'où étaient parties les roquettes ainsi que des sites de renseignement, de logistique, de stockage, postes d'observation, ... Les appareils israéliens ont essuyé des dizaines de tirs de la défense anti-aérienne syrienne, mais tous sont rentrés à la base après avoir atteint tous les objectifs retenus, a-t-il ajouté. "Nous ne cherchons pas l'escalade", a assuré le lieutenant-colonel Conricus. "Ils ont déjà payé le prix cette nuit, mais l'option est là qu'ils paient encore plus cher", a-t-il encore dit.
Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a déclaré, un peu plus tard, que l'armée israélienne a frappé quasiment la totalité des infrastructures iraniennes en Syrie. "Ils ne doivent pas oublier l'adage selon lequel, si la pluie nous tombe dessus, la tempête s'abattra sur eux", a-t-il dit. "J'espère que cet épisode est clos et qu'ils ont compris", a déclaré M. Lieberman
Ce que dit la Syrie :
Certains missiles israéliens ont touché des bases militaires ainsi qu'un dépôt d'armes et un radar militaire, a rapporté l'agence officielle Sana sans préciser leurs emplacements. Les batteries anti-aériennes syriennes ont abattu des dizaines de missiles israéliens, a-t-elle affirmé. Des missiles israéliens ont été détruits au-dessus de Damas, de Homs et de Soueida, ont annoncé les médias officiels syriens.
Une source des forces alliées de Damas a indiqué à l'AFP que les frappes israéliennes ont touché "un régiment de l'armée de l'air près de la ville de Doumeir (à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Damas, ndlr) et la brigade 38 dans les environs de Deraa". "Les systèmes de défense anti-aériens ont réussi à abattre des missiles qui visaient l'aéroport de Damas", a ajouté cette même source.
Dans la journée, le ministère syrien des Affaires étrangères a déclaré que "l'entité sioniste (Israël, ndlr) et ceux qui la soutiennent se sont impliqués de manière directe dans la confrontation. (...) Cela est un indicateur (du début) d'une nouvelle phase dans la guerre".
Ce que dit l'OSDH :
"Des missiles israéliens ont visé des positions du régime (syrien) et de ses alliés près de la ville Baas dans le secteur de Qouneitra", situé sur la partie non occupée par Israël du Golan", a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). "Après le premier bombardement israélien de la localité de Baas, des dizaines de roquettes ont été tirées depuis Qouneitra et le sud-ouest de la région de Damas vers le plateau du Golan", a ajouté l'OSDH. Le directeur de l'OSDH a par ailleurs indiqué à l'AFP que les missiles israéliens avaient touché des bases "qui appartiendraient au Hezbollah au sud-ouest de la ville de Homs, ainsi que Maadamiyat al-Cham à l'ouest de Damas, où se trouvent des combattants iraniens ainsi que du Hezbollah et de la 4e brigade (de l'armée syrienne)".
L'OSDH a précisé que les frappes israéliennes ont tué au moins 23 combattants, dont cinq soldats syriens et 18 membres de forces alliées du régime. Parmi les soldats du régime tués figure un officier. Des Syriens et des étrangers font partie des combattants tués. Selon l'armée syrienne, es tirs effectués par l'armée israélienne ont fait trois morts et plusieurs blessés.
Et le Liban ?
Les échanges de tirs nocturnes entre Israël et l'Iran en territoire syrien ont débordé quelque peu au Liban, des fragments de roquettes étant tombés dans la nuit sur le pays du Cèdre.
L'armée libanaise a également fait savoir que "quatre avions de chasse israéliens ont violé l'espace aérien libanais" dans la nuit de mercredi, au-dessus du littoral au niveau de Naqoura (Liban-Sud), avant d'effectuer un survol circulaire autour de Chekka, dans le nord du pays, puis retourner à leur base. L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) a de son côté rapporté que l'avion israélienne a massivement survolé le matin le Liban-Sud, à basse et moyenne altitude.
Dans quel contexte ce regain de tension intervient-il ?
Les tensions des derniers mois entre Israël et l'Iran, ont été avivées par les incertitudes autour de l'accord nucléaire conclu en 2015 par les grandes puissances avec l'Iran et dénoncé mardi soir par le président américain Donald Trump. Ces dernières semaines, les responsables israéliens ont multiplié les déclarations fracassantes pour dénoncer l'implantation en Syrie de Téhéran, allié indéfectible du régime. Israël s'alarme de l'expansion iranienne dans la région et ne cesse de proclamer qu'il ne permettra pas à la République islamique de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui.
Les opérations de jeudi à l'aube, sont en outre intervenues quelques heures après le retour en Israël du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui était à Moscou pour s'entretenir avec le président russe Vladimir Poutine sur la question syrienne. Tel Aviv avait d'ailleurs prévenu Moscou que des frappes allaient être lancées en Syrie, a dit le porte-parole de l'armée israélienne.
Les tirs de roquettes et la réponse israélienne sont le dernier épisode en date d'opérations impliquant Israël et l'Iran sur le théâtre syrien.
Déjà dans la nuit de mardi à mercredi, une frappe attribuée à Israël contre un dépôt d'armes iranien près de Damas, avait entraîné la mort, selon l'OSDH, de 15 combattants pro-régime étrangers dont 8 Iraniens membres des Gardes iraniens de la révolution. Avant cette opération et au moment où M. Trump se préparait à annoncer le retrait des Etats-Unis de l'accord nucléaire, l'armée israélienne avait annoncé avoir repéré des activités iraniennes "inhabituelles" en Syrie et avoir placé ses forces en état d'alerte dans le Golan.
Le 9 avril, des missiles avaient également été tirés contre la base militaire T-4 dans la province centrale de Homs, tuant jusqu'à 14 combattants, dont sept Iraniens, au surlendemain d'une attaque chimique présumée imputée au régime syrien. Cette base avait déjà été visée par l'armée israélienne en février.
Et le 26 avril, le ministre de la Défense Lieberman avait affirmé que son pays s'en prendrait à toute tentative d'"implantation militaire" iranienne en Syrie, notamment dans la région du Golan. Trois jours plus tard, au moins 26 combattants en "majorité" iraniens étaient tués dans des tirs de missiles contre des positions militaires du régime, selon l'OSDH. Un aéroport militaire d'Alep (nord) et la Brigade 47 à Hama (centre), où sont stationnées des forces iraniennes, ont été visés par ces bombardements "probablement israéliens", selon l'ONG.
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16 h 50, le 10 mai 2018