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Lifestyle - La Mode

Mariage à la catalane

Clôturant la semaine de la robe de mariée qui se tenait à Barcelone fin avril, la jeune marque Yolancris créée par les sœurs Yolanda et Cristina Alvarez donnait un défilé-spectacle près de la place d’Espagne, avec la fontaine de Montjuic en toile de fond. La collection, baptisée « Identity », rend hommage à la liberté de la femme.

Yolancris, défilé sur un mètre de couture. Photo DR

Elles ont grandi à l’ombre d’une mère couturière, avec les trésors de mercerie et la magie des machines pour donner forme à leurs rêves d’enfants. Couturière chevronnée, Mercedes Alvarez, 67 ans aujourd’hui, a transmis le goût de la belle ouvrage à une équipe de 40 couturières de spécialités diverses. Dédiée à la confection sur mesure pour une clientèle triée sur le volet, elle a surtout irrigué la passion de son aînée, Yolanda, pour la création de mode. Sa deuxième fille, Cristina, bardée de diplômes en économie et gestion, se préparait à une carrière dans la banque quand, en 2005, elle fait demi-tour et décide plutôt de créer avec sa sœur une marque contemporaine et durable, à vocation internationale. Dans le binôme qui donne son nom à la griffe Yolancris, Yolanda crée et Cristina gère.

Un défilé dédié au travail de la main
Place d’Espagne à la tombée du soir, sur un tronçon d’avenue loué à la mairie, face à l’espace de la Barcelona Bridal Week, invités et badauds s’impatientaient, mais le secret de l’événement était resté intact. Le runway libéré de son film de plastique révélait un mètre de couture géant dont la boucle servait d’entrée aux mannequins. Les intermèdes, assurés par la troupe de théâtre et de danse la Fura Dels Baus, rendaient hommage au noble métier de la couture. Des ciseaux géants, lentement remorqués par une grue, se posaient doucement pour former sur le podium un arc de triomphe lumineux. C’était ensuite un dé à coudre dont émergeaient des danseuses qui faisaient à leur tour une haie d’honneur aux modèles. Dernier tableau annoncé par la troupe qui avançait avec un long ruban scintillant, une pelote d’aiguilles monumentale, elle aussi « habitée », emportait par un chas ce « fil » spectaculaire. Un petit livret distribué aux invités prolongeait cette célébration du métier avec d’émouvantes photographies en noir et blanc répliquant, en guise de portraits, les mains des principales artisanes de la marque. Les premiers ciseaux achetés en 1983, le mètre de couture de Mercedes Alvarez, la machine à coudre de la fondatrice « qui ne s’est jamais arrêtée un seul jour », le mannequin d’atelier usé aux épaules sont eux aussi, pour une fois, de la fête.

Identité, individualité, diversité
Marquant décidément un tournant dans l’histoire de la libération de la femme, 2018, année MeToo, influence paradoxalement l’industrie du mariage elle-même, et Yolancris l’a compris. Plutôt que leur imposer un style virginal, la jeune griffe catalane propose aux futures mariées de faire du vêtement en général et de leur robe de cérémonie en particulier l’expression de leur manière d’être. Sous le vocable de Louise Bourgeois (« Je ne suis pas ce que je suis, mais ce que je fais avec mes mains »), Yolanda propose une collection d’une réjouissante diversité. La créatrice répugne à jouer les stars et préfère aux créateurs démiurges ceux qui ont l’attitude des véritables artisans, comme Pierpaolo Piccioli chez Valentino. Pour sa part, elle a relevé le défi de proposer une centaine de modèles, du plus romantique au plus punk, du plus pudique au plus dévoilé, du plus discret au plus extravagant, laissant ainsi à chaque femme le loisir de décider pour elle-même de la tenue qui la raconte le mieux. Après tout, dit-elle, Elsa Schiaparelli, Coco Chanel, Simone de Beauvoir, Debbie Harry, Madonna, Grace Jones ou la marquise Luisa Casati n’ont jamais suivi la mode, elles s’en sont servies pour définir leur esthétique personnelle.

Le mariage, une tradition en plein bouleversement
Avec la robe de mariée pour cheval de bataille, Yolanda et Cristina avouent connaître des difficultés sur le marché européen, en raison d’une tradition à laquelle les gens ne se soumettent presque plus, ou alors avec une vision de plus en plus réduite, notamment au niveau des budgets. Une robe de mariée que naguère on était prêt à payer plusieurs milliers d’euros s’insère chez Yolancris dans une fourchette raisonnable, entre 3 000 et tout au plus 9 000 euros. Le marché le plus preneur est encore celui du Moyen-Orient, qui représente 60 % de la clientèle de la marque. Le reste se répartit entre la Russie et les États-Unis. La griffe barcelonaise se diversifie depuis toujours à travers les robes de soirée, de styles tout aussi variés que les robes de mariées. Par-dessus tout, ces émouvantes jeunes femmes, travailleuses comme on sait l’être dans les dynasties d’artisans, présentent des créations en phase avec leur génération et leur temps. Barcelone, dont Christophe Colomb partit à la recherche de terres inconnues, est pour elles un fabuleux tremplin.


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