Après les émigrés dans les pays arabes, c’était au tour de Libanais résidant dans trente-trois pays, de l’Australie à l’Amérique, en passant par l’Afrique et l’Europe, de prendre part à l’expérience inédite du vote aux législatives libanaises depuis l’étranger.
Des deux cents bureaux au total, ceux d’Australie ont été ouverts en premier, dans la nuit de samedi à dimanche (heure de Beyrouth), et les derniers à fermer, aujourd’hui à huit heures du matin, seront les bureaux des deux Amériques.
L’ambiance dans les différents points a paru renvoyer l’image d’une démocratie en marche : des délégués de tous les partis étaient présents, se montrant pour la plupart satisfaits du déroulement du scrutin, tandis que des électeurs confiaient exercer leur droit pour la première fois de leur vie, avec en toile de fond l’image de leur pays de résidence.
Mais le cadre en principe mieux régulé qu’au Liban a été vite rattrapé par les vieilles habitudes (non-respect de la file d’attente), sinon par les erreurs logistiques fréquentes des autorités libanaises. Des installations « inadéquates » des isoloirs ont été relevées par l’Association libanaise pour la démocratie des élections (LADE), notamment au Canada et à Abidjan. À Paris, à titre d’exemple, le bureau de vote du 15e arrondissement était doté d’isoloirs sans rideaux, si bien que l’électeur se trouvait dans l’enceinte de vote, sans assistance et sans pouvoir identifier l’entrée de l’isoloir, selon un témoignage à L’OLJ. Cette faille est aggravée par la présence de caméras fixes qui risquent de capter le mouvement de l’électeur, même si leur intérêt initial est de retransmettre en direct l’opération électorale au palais Bustros. La chambre d’opérations commune au ministère de l’Intérieur et des Affaires étrangères qui y est aménagée a vu la présence hier de la responsable en chef de la délégation des observateurs de l’Union européenne chargés de superviser les élections, la députée européenne, Elena Valenciano. Elle a fait état d’un « scrutin ordonné, paisible et sans incidents sérieux ». Des images étaient également diffusées aux cellules d’opérations aménagées aux sièges des partis politiques au Liban, comme les Marada, Kataëb, Forces libanaises et Amal.
Les doléances les plus communes – et les plus médiatisées – ont porté, comme pour les élections dans les pays arabes, sur des erreurs d’enregistrement.
Certains inscrits ont découvert sur place qu’ils ne l’étaient pas. D’autres, bien qu’ayant validé leur inscription, n’ont pu exercer leur droit, faute d’avoir sur eux les pièces d’identité libanaises : l’un d’eux, inscrit au bureau de Neuilly-sur-Seine, a déploré le fait de n’avoir pas été informé au préalable de l’obligation de présenter ces pièces, sachant que le formulaire électronique comporte tous les éléments d’identification de l’électeur potentiel. Un exemple plus manifeste, également communiqué à L’OLJ, est celui d’un homme d’affaires basé à Londres qui, après avoir complété le formulaire en ligne, a tenté en vain de contacter l’ambassade du Liban pour s’informer du lieu de vote, avant de lâcher prise. D’autres inscrits ont découvert sur place qu’ils l’étaient dans un autre bureau de vote – situé pour certains à des heures de leur emplacement. Certains ont dû baisser les bras. D’autres, plus engagés, ont bravé les obstacles jusqu’au bout, comme un électeur assidu, qui a dû faire le trajet Orléans-Tour-Bobigny-Paris pour voter.
Certains n’ont tout bonnement pas été expressément informés par le ministère des Affaires étrangères de la création de nouveaux bureaux de vote, en plus de ceux dont ils avaient connaissance au moment de leur inscription. « Seuls trois bureaux étaient à la base aménagés aux États-Unis : San Francisco, New York et, par défaut, Washington. J’avais réservé l’hôtel et le billet d’avion pour passer le week-end à Washington, ce n’est qu’en vérifiant une dernière fois mon nom sur les listes d’électeurs que j’ai appris, in extremis, mon inscription à Houston », témoigne un électeur basé au Texas.
Lors d’une conférence de presse au palais Bustros en soirée – où il se rendait pour la seconde fois – le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a expliqué les causes possibles de telles erreurs : pour ceux dont les noms ne sont inscrits sur aucune liste, il y aurait des raisons liées notamment à « l’existence d’un casier judiciaire, la non-validité des pièces d’identification, la communication de deux adresses, le fait que le formulaire électronique n’ait pas été complété par l’électeur, sans que celui-ci ne s’en rende compte… ». Autant de critères de disqualification des formulaires, dont le nombre initial de 92 000 a été réduit à 82 000, après l’examen par le ministère de l’Intérieur, explique M. Bassil. Un autre problème – occulté par le ministre des AE – a touché directement les intérêts du président de la Chambre Nabih Berry. Selon notre chroniqueur diplomatique, Khalil Fleyhane, les bulletins de vote pour la liste d’Amal à Zahrani ne sont pas parvenus à plusieurs centres de vote en Allemagne et n’ont carrément pas été transportés à Stockholm, ni en Côte d’Ivoire. Inadvertance ou acte prémédité ? Telle a été la question posée par Nabih Berry au ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk.
À la suite de cet appel, il a été décidé de transférer le surplus de bulletins dans certains bureaux en Allemagne, vers ceux qui en manquent. Pour Stockholm et Abidjan, le seul moyen pour les inscrits de voter pour la liste de M. Berry serait de le faire à Beyrouth dimanche prochain. Une option dont la régularité doit être examinée aujourd’hui par le Comité de législation et de consultations, affilié au ministère de la Justice.
Une autre mission a été confiée à ce comité par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk : « Examiner la possibilité que les inscrits à l’étranger, qui n’ont pu recevoir à temps leur passeport libanais pour voter, le fassent à Beyrouth, sachant que seuls deux cents des six cents passeports sont parvenus aux intéressés », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. Il a annoncé par ailleurs que les enveloppes scellées des bulletins de vote en provenance d’Amérique latine doivent attendre « quatre jours » pour arriver à Beyrouth, à cause de la fête du Travail.
Ces erreurs pourraient expliquer le taux de participation relativement faible des électeurs, si l’on considère que ceux qui ont pris la peine de s’inscrire avaient sans doute l’intention de voter. Les derniers chiffres obtenus hier sont les suivants : en France, 4 660 électeurs sur 8 644 inscrits ; en Allemagne, 4 988 électeurs sur 8 355 inscrits ; en Suisse, 438 sur 889 ; en Australie, 6 602 sur 11 443 ; en Suède, 1 106 sur 1 910 ; en Grande-Bretagne, 961 sur 1 824 ; en Belgique, 785 sur 1 053 ; en Côte d’Ivoire, 1 585 sur 2 345 ; au Nigeria, 907 sur 1 253.
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C'est dommage que la délégation des observateurs de l’Union Européenne chargés de superviser les élections n'a pas mieux défendu les interëts européens. Elle aurait pu exiger que les billets de vote soient traduites dans la langue locale en Europe : que les billets soient bilingues libanais-espagnol en Espagne, libanais-français en France, libanais-grecque en Grèce etc. Comme ca on aurait pu mieux suivre ce qui est écrit sur les billets, les libanais bilingues qui votent sont peut-être aussi contents - par exemple s'ils maîtrisent mieux l'espagnol que le libanais après avoir vecu longtemps en Espagne - les voteurs eux-mêmes seraient peut-être aussi contents.
14 h 55, le 30 avril 2018