Pour la première fois depuis l'indépendance du Liban, les Libanais de la diaspora participent aux élections législatives. Aujourd'hui, ce sont les quelque 12 600 Libanais inscrits dans les pays arabes qui sont appelés aux urnes. Dimanche, ce sont les Libanais vivant dans les autres pays du monde qui iront aux runes, dans leur pays de résidence. Sur le territoire libanais, le scrutin se tiendra le 6 mai. Les dernières législatives ont eu lieu en 2009 et, depuis, les parlementaires ont prorogé leur propre mandat à trois reprises.
Pourquoi votent-ils ou s'abstiennent-ils ; qu'attendent-ils de ce scrutin ; comment les opérations de vote se déroulent-elles ? L'Orient-Le Jour a récolté les témoignages de Libanais vivant dans des pays arabes.
Valérie Moussalli, 43 ans, est mère au foyer à Dubaï, où elle vit depuis 2007. Rattachée à la circonscription de Beyrouth II, elle a voté au consulat libanais à Dubaï.
"Pour un premier scrutin organisé à l'étranger, les représentations libanaises se sont plutôt bien débrouillées. Il y avait toutefois des erreurs sur les listes. Devant moi, un couple qui avait reçu la confirmation qu'ils votaient bien tous deux à Dubaï, a été surpris de voir sur les listes que la femme avait en fait été inscrite sur la liste des électeurs à Abou Dhabi. Les bureaux de vote étaient répartis selon la circonscription d'origine des électeurs, avec des files d'attente d'une longueur variable. Pour ceux qui, comme moi, votaient à Beyrouth II, l'attente a semblé interminable. Point de vue de l'organisation, je reste sceptique quant à la question du transport des urnes vers le Liban.
Je pense que la possibilité de voter à l'étranger a encouragé les électeurs à se rendre aux urnes... Voter dans notre pays de résidence est beaucoup plus facile que de prendre l'avion pour déposer un bulletin dans l'urne. En plus, pour la première fois après de nombreuses années d'abstention, j'ai eu envie de voter : voir sur les listes de nombreux jeunes candidats, pleins de bonne volonté et de détermination m'a rendu espoir. Cet espoir est ténu, mais j'ai tout de même déposé mon bulletin dans l'urne parce qu'à mon avis, le prochain Parlement ne peut pas être pire que l'actuel."
Toufic Kabbouche, 46 ans, vit au Qatar où il travaille comme banquier. Rattaché à la circonscription de Beyrouth I (Achrafieh, Rmeil, Medawar, Saifi), il a voté à Doha.
"A Doha, tout s'est déroulé parfaitement, l'organisation du scrutin était exceptionnelle, même si la préparation aurait pu être plus efficace : nous n'avions rien reçu concernant la date et le lieu du scrutin de la part de l'ambassade libanaise. Malgré cela, le nombre d'électeurs présents dans le bureau de vote était plutôt élevé et m'a semblé en adéquation avec le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales (1.832 inscrits). Je considère vraiment comme une occasion unique le fait de pouvoir voter de l'étranger. Il s'agit d'un progrès qui reflète bien les principes de démocratie et de liberté de vote. J'espère que nos prochains élus œuvreront à trouver des solutions à la dette publique et au défi posé par la présence de nombreux réfugiés, syriens et palestiniens, sur le territoire libanais".
Karim Jamil Nassif, avocat vivant à Dubaï, âgé d'une quarantaine d'années. Il est rattaché à la circonscription du Mont-Liban IV (Chouf | Aley) :
"Je vote parce que c'est mon devoir en tant que citoyen. Je vote pour le changement, car nous avons aujourd'hui une opportunité et un espoir de voir les choses bouger. Alors je donne ma voix à la liste de Koulouna Watani (société civile). Les partis politiques (traditionnels) ont prouvé leur incapacité à gérer le pays. Ils se sont avérés être un échec total. Je vote contre eux, je vote contre le féodalisme, je vote pour un avenir meilleur."
M. Nassif décrit l'ambiance dans son bureau de vote à Dubaï comme étant "très calme et bien organisée". Selon lui, la police de Dubaï est présente sur les lieux et aucune plainte jusqu’à maintenant n'a été faite. Le seul bémol, à son avis, tient à la lenteur du processus surtout que la température est très élevée.
Spiro Kidess, 31 ans et originaire de Aïn Mreisseh, réside depuis dix ans à Dubaï. Il est responsable IT au sein d’une compagnie d’hydrocarbures, et est rattaché à la circonscription de Beyrouth II (Ras Beyrouth | Dar Mreissé | Minet Hosn | Zokak Blat | Mazraa | Mousseitbé | Port | Bachoura).
"Je suis allé voter tôt vers 10h. L’entrée au consulat libanais était un peu chaotique. Il y avait des panneaux pour guider les électeurs, mais les gens ne faisaient pas la queue, alors qu’il y avait sept bureaux de vote tous regroupés dans une seule salle, pour 150 à 200 personnes, électeurs et organisateurs inclus. Il n’y avait pas beaucoup d’observateurs, un ou deux par bureau de vote. J’ai pu filmer plusieurs moments, alors que cela est interdit je crois. Tout ça pour dire que le contrôle n’était pas strict. Il y avait aussi des électeurs qui ne connaissaient rien de la loi électorale, qui ne savaient pas comment voter, ce qui a contribué au chaos. J’ai dû attendre 1h30 avant d’arriver devant le bureau de vote. Et personne ne vous demande vos papiers d’identité ou vérifie votre inscription sur les registres. C’était vraiment le chaos à la libanaise. Heureusement, j'ai pu voter. Une famille de quatre membres, qui avait reçu un e-mail pour lui confirmer qu’elle pouvait voter, a fait le déplacement mais n’a pas pu voter. Mais au final, l’opération s’est déroulée mieux que je ne l’imaginais".
Terry Sabounji, un jeune Libanais âgé de 33 et travaillant dans le secteur des médias, vit en Arabie saoudite. Il est rattaché à la circonscription de la Békaa II (Rachaya | Békaa-Ouest)
"Je vais voter pour la liste "Le meilleur avenir", même si j'ai des réserves sur certains des candidats. Le problème c'est que cette nouvelle loi électorale nous oblige à voter pour une liste complète. Je ne trouve pas que ce soit bien. Il existe beaucoup d'autres candidats à qui j'aurais aimé donner ma voix. Cette loi ne nous a pas permis de donner notre opinion librement, mais nous devons tout de même exercer notre devoir de citoyen. Les choses vont-elles changer pour autant? Je n'ai pas beaucoup d'espoir. Quelques nouveaux noms vont faire leur entrée à l’Assemblée, mais le système restera le même. Personne ne travaillera pour le Liban et pour les Libanais. Même la société civile s'est jointe à des listes politiques dans plusieurs régions du Liban, tout n'est que mensonge."
Christelle*, ingénieure civile vivant à Dubaï, a 38 ans. Elle est rattachée à la circonscription du Mont-Liban IV (Chouf | Aley) :
*Elle n'a pas souhaité donner son nom de famille
Georges Hoyek, 44 ans, avocat, réside à Dubaï. Théoriquement, il est rattaché à la circonscription du Mont-Liban IV (Chouf | Aley), mais ne s’est pas inscrit sur les registres des Libanais de l’étranger, car il boycotte le scrutin.
"J’ai voté en 2005 pour le Courant patriotique libre (fondé par le président Michel Aoun) par conviction et dans l’espoir que les choses changent. J’ai milité activement pendant mes années d’études à l’université en faveur de l’indépendance et la souveraineté, et 2005 était l’année d’aboutissement de cette lutte. Mais depuis, j’ai été très déçu. Le pays ne cesse de régresser et se trouve aujourd’hui au fond du gouffre. Les responsables pour qui j’ai voté se sont avérés être pires que leurs prédécesseurs. Les collectifs de la société civile ne sont que des leurres, des caméléons politiques. J’aurais pu voter blanc, mais je ne leur (les candidats) ferais même pas cet honneur".
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Je me suis inscrit "online" fin 2017 et je n'ai pas encore reçu de confirmation ni d'infirmation. Silence radio. Mon statut est toujours "submitted". Donc je ne vote pas ce 29 avril et je ne sais toujours pas pourquoi? ZGH-Bruxelles
20 h 16, le 27 avril 2018