Le président iranien Hassan Rohani a adressé hier une nouvelle mise en garde au président américain contre les « graves conséquences » qu’entraînerait un retrait de l'accord iranien. Eric Feferberg/AFP/Getty
Le camp iranien sentirait-il le chaud? Les déclarations des derniers jours laissent transparaître la panique qui y règne alors que l’accord sur le nucléaire est plus que jamais menacé. C’est d’ailleurs l’un des dossiers phares qui étaient abordés hier à Washington, entre Donald Trump et son homologue français Emmanuel Macron qui y mène une visite d’État. Le premier n’a jamais caché son hostilité vis-à-vis de Téhéran et a donné aux signataires européens jusqu’au 12 mai pour « réparer les affreuses erreurs » de l’accord signé sous la présidence de Barack Obama à Vienne en juillet 2015, faute de quoi il refuserait de prolonger l’assouplissement des sanctions américaines contre la République islamique. D’autant plus qu’après leur rencontre, les deux dirigeants ont plaidé ensemble pour un nouvel accord avec l’Iran.
Dans le camp iranien, la pression monte. Le président iranien Hassan Rohani a adressé hier une nouvelle mise en garde au président américain contre les « graves conséquences » qu’entraînerait un retrait de cet accord. « Je dis à ceux de la Maison-Blanche que s’ils ne respectent pas leurs engagements, le gouvernement iranien réagira fermement », a-t-il déclaré dans un discours retransmis en direct à la télévision publique iranienne. Le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de la République islamique, Ali Shamkhani, a quant à lui prévenu hier que l’Iran pourrait se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Samedi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, avait d’ores et déjà averti que la République islamique reprendrait « vigoureusement » l’enrichissement d’uranium si Washington venait à rompre l’accord. Cette vive montée au créneau montre que les deux fervents défenseurs de l’accord, Hassan Rohani et Javad Zarif, ont le plus à perdre d’un retrait américain de l’accord. « On peut se poser la question d’un retour à l’inflation, ou, en tout cas, d’une certaine instabilité politique et économique dont la première victime serait Hassan Rohani, parce que ses objectifs, durant ses deux mandats, ont toujours été la levée des embargos, un retour à une économie plus calme et la création d’emplois », rappelle Jonathan Piron, chercheur pour Etopia et spécialiste de l’Iran, contacté par L’Orient-Le Jour.
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Concert des nations
Après avoir tout misé sur cet accord, le camp modéré se retrouve aujourd’hui en porte-à-faux face à celui des conservateurs qui s’y est toujours montré opposé. Pour rappel, le JCPOA (Plan d’action global conjoint), signé en 2015 par l’Iran, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Union européenne, a mis en place un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d’une levée progressive des sanctions contre Téhéran. Cette levée devait permettre à l’Iran d’espérer enfin une embellie économique, mais il lui a surtout permis de revenir dans le concert des nations.
Paris, Londres et Berlin ont réaffirmé, en janvier dernier, leur volonté de préserver l’accord nucléaire tout en souhaitant imposer de nouvelles lignes rouges à Téhéran. Ali Shamkhani a salué hier les efforts de l’Europe pour sauver l’accord nucléaire tout en avertissant que cela ne devait pas se faire par le paiement « d’une rançon » au président américain. Car dans le camp des conservateurs iraniens, une tout autre approche semble envisagée, l’idée que seul le langage de la force saurait triompher.
« Trois propositions sont aujourd’hui sur la table : un dépôt de plainte auprès de la commission mixte, un retrait de l’accord sur le nucléaire, et enfin un retrait du TNP », rappelle Jonathan Piron. « Il y a en ce moment même des débats au sein du pouvoir, entre ceux qui sont partisans de l’accord et ceux qui prônent une rupture complète », poursuit-il.
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Téhéran a toujours affirmé développer son programme nucléaire civil. Mais la menace d’un retrait du TNP soulève de nouvelles questions. « Le développement d’une bombe nucléaire pourrait maintenant vraiment être mis en avant comme un projet défendu par l’Iran. Téhéran se réserve la possibilité d’aller vers le modèle nord-coréen, qui est celui de l’acquisition de la bombe », poursuit M. Piron. Face à une administration farouchement hostile, les Iraniens se retrouvent aujourd’hui au pied du mur. « Ils se rendent compte que les négociations avec les Occidentaux ne fonctionnent pas, que c’est uniquement le rapport de forces qui pourrait permettre de rétablir un équilibre et que l’image renvoyée par la Corée du Nord est peut-être le modèle à suivre », analyse Jonathan Piron.
Une option risquée pour Téhéran compte tenu du contexte régional. Les Iraniens ont une marge de manœuvre peut-être plus faible qu’il n’y paraît. Face aux deux puissances régionales extrêmement hostiles, l’Arabie saoudite et Israël, et face à une administration américaine qui pourrait être prête à se montrer beaucoup plus offensive dans les mois à venir, il n’est pas certain que Téhéran puisse avoir les moyens de mettre ses menaces à exécution. « Nous sommes dans une sorte de diplomatie du poker menteur, à savoir qui sera le premier à dévoiler ses cartes, qui ira au bout de sa logique et pour le moment, il y a beaucoup de questions en suspens sur les intentions et les volontés de chacun », conclut Jonathan Piron.
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10 h 54, le 25 avril 2018