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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Trump-Macron, partenaires particuliers

Le président français effectuera dès aujourd’hui une visite d’État de trois jours à l’invitation de son homologue américain.

Le président américain Donald Trump rencontrant son homologue français Emmanuel Macron à New York en septembre dernier. Kevin Lamarque/Reuters

Fox News avait habitué ses téléspectateurs à autre chose. C’est généralement les climato-sceptiques, les populistes, les personnages les plus tendancieux qui y ont leurs entrées. En accordant une interview vendredi, à quelques jours de son départ pour les États-Unis pour une visite d’État, à la chaîne d’information américaine conservatrice, adulée par Donald Trump, Emmanuel Macron a une nouvelle fois montré de quoi il était capable pour séduire son interlocuteur. « Nous avons une relation personnelle très forte après nos différentes rencontres », affirme-t-il à l’antenne, en mettant en relief que celle-ci découle du fait qu’ils sont « tous les deux anticonformistes ». 

 « Il est certain que leur élection a été une surprise. Ce sont les deux phénomènes les plus révolutionnaires intervenus dans le monde démocratique depuis très longtemps », estime Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne à Paris, interrogé par L’Orient-Le Jour. Mais l’attirance mutuelle entre les deux outsiders du système ne saurait cependant faire oublier leurs différences flagrantes. Car qui aurait parié sur cette relation des plus incongrues entre deux hommes que tout (ou presque) oppose, entre un homme extrêmement cultivé et raffiné, disciple de Paul Ricœur, et un ploutocrate adepte des reality shows ? « 

Malgré ce grand écart de style, Emmanuel Macron peut se targuer aujourd’hui d’être le seul Européen, voire peut-être même le seul dirigeant occidental à avoir su dompter, par moments, son homologue américain. » « M. Macron se retrouve dans une position absolument extraordinaire, c’est le seul qui a l’oreille de M. Trump et c’est le seul avec qui le président américain discute d’à peu près toutes les questions », explique Joseph Maïla, professeur en relations internationales à l’Essec, ancien directeur de la prospective au ministère français des Affaires étrangères. 

C’est cette relation « spéciale » que vient réaffirmer aujourd’hui le président français en effectuant une visite d’État de trois jours aux États-Unis, la seconde depuis le début de son mandat, après celle effectuée en Chine en janvier dernier. En revanche, il s’agit de la première accordée à un dirigeant étranger sous la présidence Trump. Un honneur qui répond à celui fait lors du 14 juillet dernier à Paris. Emmanuel Macron avait alors déroulé le tapis rouge pour son invité en parant la France de ses plus beaux atours. L’image de Donald Trump voyant défiler, entre autres, la fanfare interarmées jouant du Daft Punk, aux côtés d’un Emmanuel Macron visiblement très enthousiaste, est devenue priceless. Un dîner « entre amis » au sommet de la Tour Eiffel avait fini de monter les premières mailles de cette relation. Plus récemment, l’opération militaire occidentale en Syrie, la semaine dernière, atteste du degré de confiance et de proximité entre les deux alliés. 


(Lire aussi : Dîner des couples Trump et Macron à Mount Vernon, symbole de l'amitié franco-américaine)


Enjeux de la visite

 « Cette visite intervient à un moment où les positions occidentales sont extrêmement éparpillées, sur le climat, sur le commerce international, sur le nucléaire iranien, le point de vue de Trump étant en porte-à-faux sur ces enjeux, rappelle Joseph Maïla. Au-delà de la visite, les deux dirigeants ont tout intérêt à faire prospérer leur relation. » « C’est un peu une apologie du réalisme, du pragmatisme. Chacun est persuadé de son charme et de pouvoir nouer une relation privilégiée. Ils sont presque aussi narcissiques l’un que l’autre, ils ont tous les deux une très grande confiance en eux-mêmes, qui va au-delà des différences qui peuvent exister entre leur formation, leur tempérament, leur vision du monde », estime M. Moïsi.

Le président français, d’abord, a tout à y gagner. Il a en effet tout intérêt à faire ami-ami avec son homologue américain, au nom, d’abord, d’une alliance vieille de 240 ans. Alliés au sein de l’OTAN, les deux pays partagent des valeurs communes et s’affirment comme des partenaires essentiels sur de nombreux dossiers. « Est-ce qu’il y a une dimension gaulliste chez Emmanuel Macron qui consiste à dire “Je ne choisis pas le président américain, mais derrière Donald Trump, il y a l’Amérique, alliée de la France”, comme Charles de Gaulle en son temps disait “Derrière Mao Zedong il y a la Chine éternelle, et c’est avec la Chine éternelle impériale que je traite ?” » s’interroge Dominique Moïsi. 

Emmanuel Macron, parfaitement bilingue, a su comment appréhender et séduire M. Trump en marchant sur son propre terrain. Il a réussi son opération de charme outre-Manche en incarnant une France jeune et ouverte à des réformes économiques, devenant un personnage qui ferait même pâlir d’envie les démocrates américains, dépités de se retrouver avec un président ubuesque tel que Donald Trump. « Chez les élites américaines, il y a presque un sentiment de jalousie », rappelle M. Moïsi. En s’affichant avec force avec Donald Trump, le président français ferait notamment taire tous ceux qui le considèrent comme un « idéaliste », quelqu’un d’éloigné du « monde réel ». « Il leur dit ainsi : “Vous voyez, je suis capable de nouer une relation privilégiée avec Trump en dépit du fait que nos visions sont très différentes” », poursuit M. Moïsi.

À l’annonce de la victoire d’Emmanuel Macron, Donald Trump s’était déclaré « impatient de travailler avec » lui. Isolé sur la scène occidentale, notamment à cause de ses relations on ne peut plus froides avec Angela Merkel et Teresa May, le 45e président américain s’est en effet trouvé en M. Macron un « meilleur allié qui lui veut du bien ». « Il peut ainsi dire à ses détracteurs “Regardez, le président le plus sophistiqué, le plus cultivé, le plus jeune qui existe, trouve que je suis très bien, la preuve, il est mon ami. Et s’il est mon ami, c’est vous qui vous trompez dans le jugement que vous portez à mon égard” », estime Dominique Moïsi.


(Lire aussi : Macron va offrir à Trump un jeune chêne pour la Maison Blanche)



Chant des sirènes limité

La relation est, malgré tout, plus fragile qu’elle n’y paraît. « On arrive à un moment où, quelle que soit la proximité qui est, par ailleurs, chantée et louée entre MM. Trump et Macron, il y a une distance dans certains dossiers. La proximité humaine ne fait pas la similitude des politiques », analyse Joseph Maïla. Des divergences de fond entachent ce simulacre de lune de miel entre les deux hommes. Les discours des deux présidents à l’Assemblée générale des Nations unies à New York en septembre dernier en est l’un des plus beaux exemples. « Ces deux personnalités, même si elles s’apprécient, sont aux antipodes en matière de convictions : multilatéraliste vs unilatéraliste, mondialiste vs isolationniste, ouverture sur le monde et intégration européenne vs protectionnisme et refus de l’immigration », poursuit M. Maïla. Donald Trump a fait de l’ « America First » son mantra. M. Macron a certes l’oreille de son homologue américain, mais n’est pour l’heure pas parvenu à le convaincre sur bon nombre de dossiers, du climat à l’Iran en passant par le libre-échange. « J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris », avait déclaré en juin dernier le président américain, utilisant la cité industrielle de Pennsylvanie pour justifier le retrait américain de l’accord de Paris sur le climat. Emmanuel Macron n’avait alors pas hésité à lui répondre avec son fameux « Make Our Planet Great Again » en référence au slogan du candidat conservateur « Make America Great Again ». La France était montée au créneau lors de l’annonce du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, sans pour autant qu’il n’en résulte quoi que ce soit. Sur la question de l’Europe, les deux hommes sont également aux antipodes. Même s’il apparaît comme « celui qui pourrait le mieux exprimer le point de vue européen », précise Joseph Maïla, il sera difficile pour Emmanuel Macron de faire changer d’avis son homologue qui dit clairement « ne pas aimer l’Europe », et qui parie sur son démantèlement prochain. Enfin, le dossier emblématique des désaccords est sans conteste l’accord sur le nucléaire iranien, qui devrait dominer les discussions, d’autant que Donald Trump tranchera sur son sort dans trois semaines. « La visite de M. Macron est extrêmement pragmatique. Il n’y a pas d’alignement des astres », conclut M. Maïla. Politiquement, les deux chefs d’État ont deux trajectoires différentes, qui peuvent s’aligner sur certains dossiers, mais par intermittence. Emmanuel Macron le sait. Mais cela ne l’empêchera sans doute pas de tout faire pour rapprocher le plus possible la trajectoire de Donald Trump de la sienne.


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commentaires (3)

Same s..t in different package. Ils bossent pour the same firm. Macron va se taper du bon temps aux usa, NOTHING else .

FRIK-A-FRAK

12 h 47, le 23 avril 2018

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Commentaires (3)

  • Same s..t in different package. Ils bossent pour the same firm. Macron va se taper du bon temps aux usa, NOTHING else .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 47, le 23 avril 2018

  • RIEN NE LES LIE... MEME PAS LES INTERETS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 52, le 23 avril 2018

  • Entre sang jeune et sang vieux le tandem Trump-Macron est grand , deux super puissances qui ont une vision différente du monde .

    Antoine Sabbagha

    08 h 49, le 23 avril 2018

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